Un nouveau petit jeu de cartes fédérateur et à prix abordable. Un de plus. L’impression de voir encore et toujours les mêmes ressorts mécaniques. Le concernant c’est le stop-ou-encore (push your luck en anglais). C’est une mécanique très simple et qu’on croise dans beaucoup de domaines divers et variés dans notre vie de tous les jours. Cela se traduit généralement par une « analyse » du risque par rapport au gain attendu. Chaque personne y réagit de manière diverse et variée, et c’est ce qui fait tout le sel de cette mécanique dans un jeu de cartes.
Je reste ébahit de ce qu’un simple ajout mécanique apporte à un style de jeu vu et revu. En plus de rassembler autour de la table enfants, parents, grands-parents et citez qui vous voulez, le jeu déclenche quelque chose autour de la table. Ce n’est pas le cas de tous les jeux, vous avez dû vous en rendre compte. Et c’est aussi et surtout grâce à cet effet du « dealer ». On va y revenir en détail.
Pour ne rien gâcher, il vient d’être annoncé dans la sélection au Spiel, la célèbre récompense allemande consacrant les jeux de l’année. Tout comme Hit !, the Game, Odin ou d’autres, les foules se déchainent sur les réseaux pour saluer cette nomination, ou au contraire indiquer que le jury n’a rien compris. Toujours à grand renforts d’arguments percutants et non opposables, vous vous en doutez bien. Mais alors Flip 7 mérite-t ’il ce « déchainement » ? N’avez-vous pas autre chose à faire derrière votre écran ? Et remportera-t ’il le prochain Spiel ? La réponse à ses questions ne sera pas dans la suite de cette critique.
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credit photo : catch up games
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Stop-ou-encore
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Flip 7 débarque donc avec ses gros sabots de « meilleur jeu du monde » comme indiqué sur la boîte. Certains le prendront au 1er degré, et pesteront devant tant de vantardise, sans lire le verso de la boîte. En allant plus loin, on verra que ce jeu a beaucoup de concurrence dans ce domaine, et surtout de nombreux jeux se sont essayés au stop-ou-encore (Dix sur Dix, Push, Hit !, pour ne citer que des jeux récents à base de retournements de cartes).
Forcément la comparaison est frontale avec Hit ! de Reiner Knizia. Plus la peine de le présenter, l’auteur comme le jeu normalement. Et bien sachez que vous ne serez pas perdu avec Flip 7 si vous connaissez le jeu du Docteur. On a ce même sentiment de « tension » et de frustration/soulagement quand la carte révélée fait « exploser » le joueur ou au contraire lui permet de continuer à jouer. C’est tout le sel du jeu, et Hit proposait en plus de rajouter la possibilité de voler les cartes d’un adversaire. Un twist léger et pourtant essentiel à son succès, puisque les joueurs étaient impliqués un minimum à chaque tour, ne serait-ce que pour surveiller leurs cartes et souvent les voir disparaitre au fur et à mesure, avant d’espérer en mettre de côté quand revient leur tour de jouer.
Et bien Flip 7 y va lui aussi de son twist aussi léger que fondamental par son impact, le fait d’avoir un donneur, un dealer de cartes. Le rythme du jeu s’en trouve radicalement changé, sous réserve des joueurs qui revêtent le costume et rentrent dans le personnage. En tant que dealer, vous pourrez – que dis-je vous DEVREZ – influencer les joueurs, leur mettre la pression dans un sens ou l’autre, et apporter une autre dimension « spectacle » ou bar PMU à ce qui se passe autour de la table. Avec les bons joueurs, ça ne sera plus qu’un simple retournement d’une carte après l’autre.
Flip 7 accélère aussi par rapport à Hit au niveau de la résolution du tour. Pas de cartes « pour du beurre », vous sautez directement si les 2 premières cartes révélées sont les mêmes. Petit changement de règle mais impact immédiat sur le rythme. Pour rappel dans Hit ! vous ne pouvez perdre qu’à partir de la 3ème carte révélée.
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J’en connais qui comptent les cartes…
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Pour les tapeurs de cartons, vous serez peut-être tentés de trouver une façon d’optimiser vos tours, et l’emporter à tout prix. Flip 7 continue dans sa démarche de proposer un jeu simple, fédérateur et dynamique. Quoi de mieux que de vous donner l’info que le nombre d’exemplaires d’une carte dans le jeu est équivalent à son numéro ? C’est visuel, ça répond à la question que les compteurs de cartes ne manqueront pas de vous poser : « Et chaque carte est présente en combien d’exemplaires ? ». Comprenez par-là : « Je vais compter comme un cochon et quand tu te planteras lamentablement quand le 5 que tu n’attendais pas sortira, je te dirai innocemment « Oui il en restait 1, tu n’avais pas compté ? » ».
Bref c’est pas grand-chose mais ça montre une réflexion au niveau de la création du jeu et de l’édition. Le jeu est simple, on persiste dans cette voie. Mais vous pouvez aussi jouer n’importe comment, et juste rigoler quand vous explosez. Ça n’enlève rien au plaisir du jeu.
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Le futur Spiel des Jahres ?
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Flip 7 rentre donc dans cette catégorie des jeux évidents, comme Skyjo ou Hit !. Des jeux qui ont une grande chance de plaire, et même de déclencher des envies d’enchaîner les parties. C’est simple à expliquer, rapide à jouer, et souvent satisfaisant. Un peu comme L’île des Mots Dits qui dernièrement reprend Codenames en ajoutant une mécanique de déplacement sur une île. Flip 7 est donc un autre jeu qui aspire une mécanique vue et revue, qui a fait ses preuves, et qui lui apporte un petit twist suffisant pour ne pas avoir totalement l’impression de jouer à la même chose, mais pas assez prononcé pour garder le sentiment de se raccrocher à quelque chose que l’on connait déjà. Est-ce que ce genre de jeu ne devient pas l’ambassadeur idéal et la porte d’entrée de notre monde ludique ? Le porte étendard que l’As d’Or cherche chaque année afin d’étendre toujours plus la cible ? J’en ai parlé pas plus tard que l’autre jour avec l’ami Ben, qui ne manque pas d’avoir les yeux ronds dès qu’on lui mentionne Flip 7 et sa nomination au Spiel. En même temps, il introduit des nouveaux au jeu de société avec une partie de Dune Imperium… J’imagine la tête de ma mère si je lui avais présenté Dune sur la table, plutôt qu’un Skyjo. Difficile d’avoir un jeu étendard qui répondra à tous les profils de joueurs ou néo-joueurs, il faut surtout questionner sur les attentes du joueurs, les éléments rédhibitoires (temps, difficulté, interaction …) et proposer. Ça ne fera pas mouche à chaque fois. Par contre, niveau jeu fédérateur, j’en vois peu aussi efficace que Flip 7, que je vais d’ailleurs sortir ce week-end en famille avec mes parents, ma femme et mon fils de 9 ans. Et je peux vous assurer que ça va plaire à tout le monde.
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Notre boutique partenaire :
Prix constaté : 13,50 €
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L’avis de Romain B. :
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Un jeu simple qui pourtant fait mouche, je ne m’attendais pas à une si bonne surprise. Flip7 en ajoutant le choix de continuer ou non se démarque instantanément de ses concurrents directs les Dekal, Skyjo et Duck and Cover. Ici je n’ai pas le sentiment d’être un élément de jeu sans âme mais bien un joueur qui participe activement à la partie autant au moment de choisir qu’à celui de pousser les autres à la faute. Flip7 est un bon jeu, pas le plus intéressant mais il reste une excellente porte d’entrée vers le monde du jeu.
Château combo, c’est le petit nouveau de l’éditeur Catch Up Games. Après le grand succès de Faraway, auréolé de l’as d’or initié, les voici de retour avec un nouveau de construction d’un tableau dans lequel chaque carte choisie doit s’y intégrer le mieux possible. Cette fois, ce sont Grégory Grard (mots malins, dans les traces de Darwin) et Mathieu Roussel (awimbawé) aux manettes et Stéphane Escapa (kosmopolit) aux pinceaux. On notera que les deux auteurs reviennent prochainement à Cannes avec le second jeu de Playpunk, Zénith, qui fera grand bruit !
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Après Faraway, le prochain jeu de tableau/combo, je l’attendais et comme je le répète, un jeu hypé est un jeu en danger.
Château Combo est plus accessible que son prédécesseur, la prise en main est immédiate. Chaque joueur va construire un tableau de 9 cartes, le twist n’étant pas sur le scoring cette fois, mais sur la récupération des cartes.
Pour cela, on dispose de 2 rivières de 3 cartes chacune, un jeton définissant dans laquelle on peut acheter une carte. Pour vos achats, ce sera en piécettes et pour manipuler les rivières, il vous faudra des clefs.
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Ces deux ressources sont au cœur du jeu, vous permettant de ne pas subir les cartes disponibles même si avec 3 cartes visibles sur un deck de 39 vous ne maitriserez pas tout. C’est également pour cela que je préfère largement château combo à 2 ou 3 joueurs avec une meilleure vision des cartes qui sortent et de ce que l’on peut récupérer, au-delà le jeu devient bien plus chaotique et moins agréable.
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Pour la cible, cette fois, on descend d’un étage et le public familial va pouvoir appréhender le jeu sans souci. Une sorte d’introduction pour savoir si la mécanique plait et ensuite enchainer par Faraway ? en tout cas les deux jeux ne font pas du tout doublon et proposent une évolution cohérente en termes de difficulté.
Ce qui fait la force de ce château combo, c’est le try and retry, cette envie de jouer une carte de plus et donc de commencer une nouvelle partie. Je trouve toujours très ingénieux de réussir à me faire recommencer encore et encore un jeu, provoquer ce besoin, cette envie d’en rejouer une partie de plus, c’est très fort et je commence à penser que chez Catch Up, ils ne sont pas mauvais sur ce point.
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Le jeu est donc une réussite, même si la partie graphique me convainc moins, trop cartoon (Albert, le 5ᵉ mousquetaire, ça vous parle ?), je n’ai pas accroché, mais la mécanique suffit largement à mon plaisir ludique !
Le jeu a également pour lui son prix, je l’ai acheté pour 18€, une belle surprise.
Au final, on a un jeu familial, instantané, pas cher et qui sera joué de très nombreuses fois à chaque sortie, que demander de plus ?
Il rejoint donc Faraway et Marvel Remix (qui a fini par éteindre fantasy realms mais ceci est une autre histoire). Du filler malin et rapide qui parfois ne quitte pas la table avant 4 ou 5 parties.
Il est des jeux qui reviennent, sans cesse. Ces jeux hautement addictifs où perdre une partie, se planter ou réussir le meilleur score jamais atteint ne change rien, on y retourne.
Faraway est de cet acabit, le jeu de Johannes Goupy (Orichalque, Elawa,…) et Corentin Lebrat (Draftosaurus, Trek 12, Elawa,…) ne vous lâche pas, il vous rappelle encore et encore.
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Chez Catch’up, les petits jeux malins, ça les connaît. Fertility, Wild Space ou le si particulier Paper Tales, des jeux qui remplissent leur mission et avec brio : nous faire jouer.
Pour Faraway, la dimension graphique est une nouvelle fois à la hauteur avec Maxime Morin aux pinceaux (Trek 12, Sons of Faeries,…) pour un résultat immersif et si vous prenez le temps de regarder les cartes, les ressources apparaissent dans le dessin des cartes, un détail mais un indice de plus sur le travail fourni pour nous proposer ce jeu.
Dans Faraway, vous allez visiter la planète d’Alula en un tableau de 8 cartes. Vous les poserez de la 1ère à la 8ème mais vous en ferez le scoring en commençant… par la 8ème !
Le thème est plutôt secondaire même si on parlera d’ananas, de pierre bleue et de gnous/cerfs et pas juste de ressources de couleurs.
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Le jeu repose sur ces cartes, au nombre de 68 et toutes uniques. Elles disposent d’un numéro, parfois de ressources, parfois de scoring et ces derniers peuvent demander des pré-requis.
Votre main comporte 3 cartes, vous en jouerez une à chaque manche avant de re-compléter votre main à 3 en fin de manche.
Mon premier conseil est plutôt basique : appliquez la variante de mise en place qui vous propose de piocher 5 cartes avant de n’en garder que 3. Cela vous permettra de créer une synergie entre vos cartes et chassera un peu le hasard de cette main de départ.
Ensuite vous en jouez une face cachée avant que tout le monde révèle sa carte et là, si la carte jouée dispose d’un numéro plus grand que la précédente dans votre ligne, alors à vous les bonus ! Ne soyez pas trop gourmand, votre bonus se composera d’une carte parmi 1 ou plusieurs, ce paramètre étant dépendant des icônes de cartes au trésor qui vous donnent accès chacun à une carte de plus de la pioche.
Une fois que chacun a posé sa carte et pris sa carte bonus, s’il est éligible, c’est le propriétaire de la carte avec le plus petit chiffre qui choisit en premier une nouvelle carte du marché pour compléter sa main à 3.
Il ne reste plus qu’à enchaîner les manches pour que chacun dispose de 8 cartes devant lui et la partie prend fin.
Enfin presque ! Le scoring est à lui seul une phase de jeu où chacun va annoncer combien de points lui rapporte chacune de ses cartes, de la dernière posée à la première.
C’est sur ce simple paramètre que repose le jeu, mais quel paramètre !
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Tous vos choix se voient inversés dans votre esprit, les cartes ne seront pas des plus amicales, celles de forte valeur proposant d’excellents moyens de faire des points mais nécessitant les plus faibles pour compléter leurs pré-requis. Vous le découvrirez bien vite. Faraway n’est pas des plus amicaux, les choix sont rudes, la pose des cartes s’accompagne souvent de soupirs. Cette frustration est un point essentiel du jeu, le but étant d’en faire une machine de rejouabilité, il ne fallait pas le rendre trop simple sans pour autant en faire un jeu totalement hasardeux.
De mon point de vue, le contrat est totalement rempli, mais c’est également le point le plus clivant, le principal reproche que l’on peut lui faire étant le manque de contrôle de son « destin ».
Ma vision est plutôt simple, ce jeu n’est pas un jeu de gestion, encore moins un jeu contrôlable.
Les parties sont courtes et chaotiques, soumises à la pioche et à votre main de départ pour définir l’axe de votre partie. Il faut l’accepter, Faraway est un filler pour passer un bon moment et si on se plante sur une partie, ce n’est pas grave, il suffira de recommencer.
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Faraway est devenu pour moi une addiction. Avec des parties à 2 joueurs terminées en moins de 10 minutes, il est si simple d’enchaîner les parties.
Le nombre de joueurs est, vous le savez peut-être, un paramètre essentiel pour moi, la promesse de Faraway est une jouabilité de 2 à 6 joueurs, autrement dit tout ce qui est possible ou presque !
Et au final là aussi la promesse se vérifie ! Toutes les configurations fonctionnent, le temps de jeu n’en pâlit que très peu puisque l’on va jouer en même temps, le moment en commun étant le choix de la carte dans le marché. C’est d’ailleurs un autre point de gameplay du jeu que je souhaite évoquer : l’interaction. Poser des cartes, récupérer une carte… rien de très « en commun », et pourtant le jeu réussit à sublimer cette partie de choix au marché pour y intégrer vos adversaires. C’est peu vrai à 2 joueurs, mais à partir de 4 le marché est tellement riche que non seulement certaines cartes peuvent devenir primordiales pour plusieurs joueurs et donc forcer la pose de la carte au chiffre le plus petit possible pour essayer de la récupérer en premier. Donc oui, Faraway fonctionne à 2 comme à 6 et dans toutes les configurations entre les deux !
Je ne lui trouve pas beaucoup de défauts à ce jeu, même son tarif est un argument supplémentaire. Vraiment ce Faraway est une très belle surprise, il vient concurrencer Marvel Remix dont la sortie imminente en VF vous promet aussi de belles heures de jeu à enchaîner les parties.
Faraway bénéficie en ce moment d’une grosse hype, ce qui peut laisser à penser qu’un loup se cache, mais je vous l’assure : avec plus de 40 parties en 3 semaines, je suis tout à fait honnête quand je vous dis que je suis accro au jeu et tout le bien que j’en pense. Alors prêt à plonger également ? Après tout, ce ne sont que 8 cartes à poser et scorer, non ?
Cette critique a été rédigée à l’aide d’une boite fournie par l’éditeur que nous remercions.
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J’ai toujours rêvé d’avoir un vélociraptor domestiqué. La plupart des enfants veulent un chaton, une licorne ou Pikachu, moi je réclamais à mes parents une machine à tuer vicieuse avec laquelle j’aurais passé de folles après-midis à courser le Siamois de Timothée, le petit garçon du pavillon d’à côté. Alors imaginez tout un tas de raptors, et puis un T-Rex dans l’enclos suivant, tandis qu’un Allosaure arrache le bras d’un spectateur un peu trop téméraire. Sur le papier, ça fait terriblement envie. Ça tombe bien, après Dinosaur Island sorti en 2017, voilà qu’arrivent deux nouveaux jeux de la gamme, à savoir Dinosaur World et Dinosaur Island : Rawr ‘n Write (RnW).
Les deux tiennent du grand frère, mais prennent des chemins différents dans leur évolution, Dinosaur World étant celui qui reste le plus proche de son prédécesseur. Le concept est classique : à l’aide d’ouvriers, on récolte des ressources (sous, brins d’ADN) et des améliorations et on utilise tout ça pour construire le parc le plus meurtrier amusant du coin. On retrouve d’ailleurs la même idée dans Dinogenics, autre grand classique du jeu à dinos. Tout l’intérêt consiste évidemment à trouver le bon équilibre entre le fun généré par les gros lézards et la menace qu’ils représentent pour les visiteurs. Et de la menace, il y en aura.
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Dinosaur Island – Rawr N’ Write :
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C’est une bonne situation ça, dinosaure ?
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La gamme s’est toujours distinguée par sa volonté de proposer le gameplay le plus thématique possible. Toutes les mécaniques doivent tendre à faire vivre l’expérience Jurassic Park au joueur, c’est la grande idée de Pandasaurus Games. Il y a bien sûr la récolte des brins d’ADN, leur combinaison ou leur dépiautage pour obtenir le matériel génétique nécessaire à la création des dinosaures. Il y a également la menace qu’amène chaque nouvelle bestiole, l’attrait qu’elle représente pour les visiteurs, les sous ou bonus générés par l’afflux massif de clients, et ainsi de suite. Mais ça va plus loin. Dans Dinosaur Island, nous avions par exemple les resquilleurs qui rentraient dans le parc sans payer, et se servaient des autres visiteurs comme bouclier humain en cas de petit creux du T-Rex.
La volonté est louable, et parfois ça marche. Et d’autres fois pas vraiment. Les fraudeurs de Dinosaur Island sont d’ailleurs l’exemple parfait de la fausse bonne idée. Leur apparition est totalement aléatoire (on pioche un nombre de visiteurs dans un sac), elle ne peut pas être gérée ou anticipée et va désavantager le joueur qui en hérite, juste comme ça, pour le fun.
On a le même cas de figure avec Dinosaur World et sa mécanique de visite du parc. Encore une fois, ça se veut très thématique, puisque le fun généré par les installations baisse à chaque fois qu’on les visite (On suppose donc que ce sont systématiquement les mêmes visiteurs qui se pointent dans le parc, mais c’est un détail.). Le problème, c’est qu’on doit lancer un dé de danger lors de la visite des enclos à dinosaure, et ce dé a des valeurs très pénalisantes. Comme, à l’inverse, le fun généré diminue (et finit par devenir négatif), on se retrouve lors de la manche finale avec des enclos au ratio danger/fun clairement défavorable et on se résout à se rendre au centre de sécurité ou à la boutique plutôt qu’à aller jeter des chèvres aux T-Rex qu’on s’est échiné à créer pendant toute la partie. Le thème en prend un bon coup dans les gencives : voir le Dr Grant essayer des bobs en mangeant des hot-dogs pendant 90 minutes aurait donné un tout autre cachet au film de Spielberg, à n’en pas douter.
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Dinosaur World :
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S’il te plait, dessine-moi un stégosaure
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Etonnamment le même principe n’est pas gênant dans RnW. Tout d’abord, on se débarrasse de la mécanique malvenue et fastidieuse du fun qui décroit, ainsi que du dé de danger à lancer à chaque passage chez les dinosaures. Les joueurs doivent ici aussi visiter leur parc en essayant de passer par de nouvelles installations à chaque fois, mais RnW rend l’affaire plaisante, parce que ça vient récompenser tous les efforts fournis pour dessiner correctement notre parc, en plaçant intelligemment enclos, routes et magasins pour atteindre de nouvelles sorties et augmenter nos points de fin de partie.
Tout dans le jeu fonctionne d’ailleurs très bien. Attention, contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, il ne s’agit pas d’un Roll & Write. Certes, les dés sont lancés à chaque début de manche, mais chaque joueur s’en accapare deux pour gagner les ressources indiquées, puis les utilise comme ouvriers pour réaliser lors de la phase suivantes les actions qui permettront de construire son parc. Il faudra choisir entre poser des enclos, les relier avec des routes, mettre des dinosaures dedans, ou encore embaucher des experts pour améliorer la sécurité, c’est très classique et très efficace, avec juste ce qu’il faut d’interaction pour épicer le tout : sur chaque dé est inscrit un nombre de menaces, et poser son dé sur un autre parce qu’il occupe l’emplacement d’action désiré oblige le joueur à augmenter la menace de son parc d’autant de crans qu’il y avait d’icônes sur le dé du dessous. On calcule chaque action, la menace qu’elle apporte, les bonus qu’elle permet de débloquer, on dessine notre parc, on s’amuse.
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J’ai dépensé, j’aurai dû compter
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C’est beaucoup moins le cas dans Dinosaur World. On l’a déjà dit, la visite du parc n’est pas exactement la trouvaille ludique de l’année. Mais il y a aussi un gros problème de rythme. Il faut savoir que quasiment toutes les étapes d’une manche sont en simultané. A la lecture des règles, il y a grande réjouissance, on se dit qu’on évite ainsi les temps morts. Que nenni ! La première phase (et la deuxième également, mais c’est surtout la première qui pose problème) se fait au tour par tour, et elle. Est. Terriblement. Longue. Pendant cette phase, chaque joueur doit choisir quel lot d’ouvriers il va réquisitionner pour la manche : comme chaque ouvrier a une couleur et une spécialité, et rapporte des bonus si on l’assigne à certains emplacements bien précis, ce draft nécessite de prévoir l’entièreté des actions que l’on souhaite entreprendre pendant les trois phases qui suivent, là, maintenant, tout de suite. Alors les joueurs prennent un paquet d’ouvriers, les posent sur leur plateau, ils calculent, ils en prennent d’autres, on recommence, et on se tourne les pouces en attendant. Oui, je ne suis pas un monstre, je n’allais pas exiger que chacun fasse toute sa planification dans sa tête. Nous souffrons déjà bien comme ça.
Peut-être que nous étions tous atteints d’analysis paralysis, ou peut-être qu’au contraire il fallait y aller les mains dans les poches, mais quel intérêt ? Il y a tellement de paramètres à gérer, entre l’argent, le fun, la menace, le placement des installations dans le parc, la création des dinosaures, qu’il est extrêmement frustrant de se retrouver bloqué parce qu’on ne peut pas utiliser de scientifique pour cette action ou d’administrateur pour celle-là. La mécanique marche dans Paladins des Royaumes de l’Ouest parce qu’on choisit un lot de 4 ouvriers. Quand Dinosaur World nous demande d’en prendre un paquet de 9, ce n’est plus aussi amusant. C’est bien dommage qu’il s’agisse là de la seule interaction entre les joueurs ou presque.
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Le plus dur, c’est l’atterrissage (dans l’enclos à Raptors)
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Au final, la boite de Rawr ‘n Write a bien gagné sa place sur mes étagères, alors que Dinosaur World ira prendre la poussière. Chaque point fort du premier est un point faible du second, il est plaisant, simple mais pas simpliste, logique, interactif, fluide et on peut dessiner des dinosaures dans nos enclos. Evidemment, ce n’est pas le jeu parfait et un Dinogenics offrira plus de contenu et demandera plus de réflexion avec son vague air un peu d’austère d’Agricola chez les sauriens. Les deux jeux ne boxent pas vraiment dans la même catégorie, mais si vous cherchez un jeu pour initiés, avec de chouettes illustrations et des couleurs flashy, alors Dinosaur Island: Rawr ‘n Write mérite toute votre attention.
Cette critique a été rédigée à l’aide d’une boîte fournie par l’éditeur que nous remercions. Au préalable, j’ai réalisé deux parties à 2 joueurs, une partie à 4 joueurs et une partie à 6 joueurs.
Dans quelques décennies, l’humanité a disparu – il ne nous reste donc plus beaucoup de temps. Dans ce monde post apocalyptique, les singes, probablement échappés des laboratoires, prennent peu à peu le contrôle des inventions laissées par les Hommes et deviennent de plus en plus évolués. Placés à la tête d’une tribu de tamarins-lions dorés, les joueurs recrutent des singes spécialisés avec pour objectif d’être le premier à atteindre 80 points de victoire.
Le principe du jeu
After us est un deckbuilding en simultané aux règles simples et faciles à expliquer. Au début de son tour, on pioche quatre cartes qui constituent notre Assemblée de singes, puis on cherche à les combiner en une ligne le plus efficacement possible afin de fermer les cartouches présents sur les cartes. On résout ensuite les cartouches fermés de toutes ses cartes, dans l’ordre de lecture, gagnant ainsi des ressources et éventuellement des points de victoire.
Puis les joueurs choisissent l’un de leurs jetons d’actions, résolvent son effet et recrutent éventuellement un singe face cachée du type correspondant en dépensant les ressources nécessaires. Chaque singe a une spécificité et demande un certain type de ressources. La carte nouvellement acquise est placée sur le dessus du deck est sera donc piochée immédiatement au prochain tour. Il est ensuite possible de dépenser deux ressources identiques pour copier l’effet du jeton d’un voisin, mais pas pour recruter.
On défausse enfin les cartes utilisées ce tour-ci et on recommence une nouvelle manche jusqu’à ce qu’un joueur atteigne 80 points de victoire et remporte la partie – ou le joueur qui est allé le plus loin sur la piste si plusieurs personnes atteignent 80 points lors de la même manche.
Un jeu en simultané pour des parties rapides
Le jeu a connu un immense succès au Festival international des jeux (FIJ) de Cannes et les tables n’ont pas désempli du week-end. Les quelques boîtes du jeu vendues en avant-première sont parties comme des petits pains. Le secret de cette réussite ? Un jeu facile à expliquer et des parties dynamiques puisque l’on joue en simultané 90% du temps de jeu. Du coup, un groupe de 6 joueurs met à peu près autant de temps qu’un duo pour boucler sa partie – j’ai compté cinq minutes de plus pour une table de 6 contre une table de 3.
Oui mais voilà, cet aspect du jeu, sa simultanéité, fait aussi que lorsque vous jouez avec une grande tablée comme ce fut mon cas au FIJ, vous n’avez absolument aucune idée de ce que font vos adversaires à l’autre bout de la table. Il nous est même parfois arrivé que des joueurs aient anticipé la phase d’arrivée de nouveaux singes, créant ainsi un décalage dans le timing. Sans parler de « contrôle » ici, dans un jeu qui est une course, votre seul point de repère se situe dans l’avancée des pions sur la piste des points de victoire, difficile de prévoir qui va l’emporter, surtout avec beaucoup de joueurs.
Zéro interaction
Autre élément : le jeu ne propose absolument aucune interaction, à part une éventuelle copie du jeton d’action de son voisin. On a souvent le sentiment de jouer seul dans son coin. Évidemment, cela permet au jeu de tenir ses promesses de durée de partie très réduite, quel que soit le nombre de joueurs, mais du coup on a un peu l’impression de jouer en solo à 6… C’est triste mais je n’ai pas trouvé le jeu « amusant » à 4 joueurs ou plus. Je pense qu’à 2 ou 3 joueurs, on peut davantage surveiller ce que font ses voisins et la stratégie qu’ils ont choisie. L’absence d’objectifs ou d’un quelconque élément de scoring intermédiaire renforce cette impression de jouer solo, et pourtant ce n’est d’habitude pas un problème pour moi.
Pas un problème car je suis friande de puzzle games, des jeux dans lesquels on joue plutôt seul dans son coin, avec pour principal adversaire soi-même et sa capacité à tirer le meilleur parti des cartes, ou des tuiles, que l’on a reçues. Dans ce genre de jeu, il est souvent nécessaire de se concentrer sur son propre plateau et donc de laisser un peu de côté ce que font les autres joueurs, du moins lors des premières parties.
Sauf que, dans After us, la réflexion reste pour moi assez limitée – ce qui est normal dans un sens car c’est un jeu d’accès au jeu de société moderne, pas un jeu expert, mais certains jeux considérés comme familiaux apportent parfois une profondeur supérieure. On doit réfléchir en début de manche lors de l’optimisation du positionnement des cartes afin de fermer ses cartouches et d’en tirer le meilleur profit, mais il y a quatre cartes, il n’y a pas des milliards de combinaisons possibles.
Très (trop ?) simple
Et enfin, dernière chose qui m’a un peu frustrée dans le jeu : l’acquisition des nouvelles cartes singes. Sur le principe, rien à redire, on récupère un type de singe dépendant des ressources que l’on dépense. Sauf qu’on pioche une carte face cachée, et que potentiellement cette carte n’ira pas avec notre stratégie, ou au contraire sur un gros coup de bol on peut récupérer des cartes qui donnent des points de victoire sans aucun coût associé, ce qui est un sacré avantage. Par exemple, si je récupère une carte qui me donne des points en fonction du nombre de tamarins-lions que j’ai dans ma ligne de cartes mais que ma stratégie était de virer ces singes de mon jeu avec des gorilles, je l’ai un peu mauvaise.
Encore une fois, je comprends bien que résumer le choix à un type de ressources à dépenser ou à un effet recherché, cela rend le jeu plus accessible et ça le fluidifie. Mais pour moi, ça enlève une bonne partie du plaisir. Si, au contraire, l’acquisition se faisait par le biais d’une rivière, il serait possible de choisir une carte qui correspond mieux à notre stratégie ou de bloquer ses adversaires, ajoutant ainsi au passage un peu d’interaction.
Initiation rapide au deckbuilding
Vous l’aurez compris, je n’ai pas été très séduite par After us. Cela ne veut absolument pas dire que le jeu est mauvais, simplement qu’il ne correspond pas à mes envies. Je pense qu’il a le mérite de proposer une initiation au système de deckbuilding avec des règles simples, faciles à expliquer et à comprendre, et qu’il permet de jouer avec un grand nombre de joueurs en largement moins d’une heure, ce qui est rare.
Les trois objets disponibles à chaque partie renouvellent un peu l’expérience en offrant des possibilités différentes de dépenser ses jetons Énergie. Cependant, après quatre parties, j’ai l’impression d’avoir fait le tour du jeu et je suis un peu déçue par son manque de profondeur.
Un petit mot sur le matériel : les jetons ressources sont top, la boîte est conçue pour contenir les cartes sans utiliser de sachets en plastique. Les illustrations sont signées Vincent Dutrait, donc si vous aimez son style, vous ne serez pas déçus.