Alors oui ça ressemble à Root. Tellement qu’on croirait une copie Wish. Là on est plus sur un hommage, mais à 2 doigts d’un plagiat. Du coup c’est kawaï, c’est « zoli » et ça attire l’œil. Arguments solides pour capter le chaland et se démarquer des X nouveautés par semaine qui affluent dans sa boutique de jeux. Après on va voir un peu ce qu’il a dans le ventre au-delà de son plumage. Et comme souvent, je vous livre dès le début ma conclusion, plutôt que vous faire lire tout ce texte si vous n’en avez pas envie. Et bien comme tout projet Kickstarter, le but est de vous en mettre plein la vue même si tout n’est pas utile. Niveau jeu, ça ronronne très fort, y’a pas vraiment de montée en puissance, le jeu est très très gentil avec vous, et ne vous brusquera pas. Est-ce un jeu désagréable ? Non pas du tout, mais faut que vous sachiez que le niveau de jeu n’est pas bien élevé c’est tout.
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Niveau d’attente versus réalité
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Parlons du gameplay justement, j’ai vu quelques retours sur le jeu qui parlaient d’un niveau de profondeur trop léger pour eux. Alors je pense que l’aspect visuel qui rappellera Root à de nombreux joueurs, la campagne KS avec un jeu qui se retrouve à 100€ sur la version deluxe ont conduit des joueurs à se fourvoyer un minimum sur le type de jeu qu’ils achetaient. Clairement Navoria est un jeu très léger. On est sur du familial puisqu’il faut le mettre dans une case, limite initié, mais limite basse. Le seul fait d’avoir déjà joué à un jeu ayant des effets se déclenchant à l’achat de la carte, en fin de manche, ou en fin de partie est suffisant pour ne pas être largué. Tout ce qui tourne autour est un peu de l’enrobage je trouve, notamment un plateau surdimensionné (et pas très lisible) par rapport à son impact dans le jeu. Sur la table, le jeu peut faire peur à un novice, ou même faire penser à un jeu expert auquel nous sommes habitués, un grand plateau, une rivière de cartes sur le côté, un plateau personnel. Tant de codes graphiques et visuels associés à un type de jeu auquel Navoria n’appartient pas.
Votre espace décisionnel sera limité à choisir une couleur de carte parmi les jetons que vous piocherez ou qui seront dispo sur le plateau. Au début 1 choix parmi 2, d’autant que chaque couleur est présente 3 fois, voire même si vous êtes vernis, 1 choix unique si tous les jetons sont de la même couleur (oui oui ça arrive).
Les badges popularisés notamment par Terraforming Mars sont présents et simplifiés et vous permettent de valider une course à l’objectif commune avec les autres joueurs.
Il y a 3 pistes « d’exploration » sur lesquelles avancer votre marqueur, la possibilité de construire des camps pour ne pas redémarrer du début de la piste lors de la remise à zéro de début de manche, et une prime à celui qui avance le plus loin. Rassurez-vous, presque tous les autres joueurs auront aussi un bonus. Le jeu est très gentil je vous l’ai déjà précisé.
Le « twist » malin et notable je trouve (il faut bien relever quelque chose) survient après la phase de pioche de jetons dans le sac et une fois que chacun a récupéré 4 cartes à ajouter devant lui. Il vous faudra ensuite à tour de rôle placer les jetons qui ont été mis de côté durant la 1ère phase et qui sont conservé sur le plateau. Là encore surviennent des bonus en pagaille, et preuve que le jeu est gentil gentil, même les jetons rebuts et délaissés par les joueurs lors de la 1ère phase sont utilisés par la suite, personne n’est laissé de côté !
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Syndrome KS
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J’en parle régulièrement, et la hausse des droits de douane US et son impact sur le marché du jeu va peut-être avoir son incidence aussi. Le fait de proposer un jeu fabriqué en Chine à moindre coût permet de proposer du matériel original, qui a « de la gueule » sur la table de jeu et sur les photos et vidéos créées pour vous faire envie. Figurines, ressource en 3D, playmat, token 1er joueur. Souvent ça déborde de matos et ça marche puisque les projets KS qui fonctionnent ont souvent ce point commun d’avoir du matériel deluxe, et des exclusivités, même si souvent, seul le jeu de base est joué et encore.
Du coup la version Kickstarter du jeu atteint les 100€ pour un jeu qui ne les vaut pas (jeu + extension + playmat + fdp – 45€ la version boutique). Pas en termes de tarif uniquement, mais plutôt en termes de rapport matériel/tarif/gameplay. Cette gamme de tarifs est souvent réservée aux jeux de figurines ou jeux dits experts. Avec Navoria, rien que le plateau central me fait poser la question de son utilité. Très grand, il monopolise la table et l’attention, alors que tout le sel du jeu se situe avec les cartes et un sac de jetons à piocher. Un plateau 4 fois moins grand avec 3 pistes d’exploration sur lesquelles avancer, un tableau sur lequel poser les jetons choisis et prendre le bonus recouvert et le tour est joué. Oui mais c’est moins beau, cher monsieur. Guère utile, mais moins beau.
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Est-ce que j’y rejoue ?
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Le jeu procure un sentiment de satisfaction à chaque instant, puisque chaque action vous apportera des ressources, des points ou une avancée sur une piste exploration. Le jeu n’est pas mauvais en soi, mais il me laisse sur ma faim, même si je sais pertinemment que c’est un jeu familial. Il prend trop de place sur la table, va faire peur à des néophytes et surtout ne me donnera pas envie d’y revenir pour une potentielle courbe d’apprentissage du jeu qui me permettrait d’avoir un défi à relever. Même pour présenter les mécaniques de jeux à des nouveaux joueurs, j’aurai toujours d’autres options que Navoria. Des jeux plus épurés qui feront le même « travail » , peut-être moins « zolis » mais plus efficaces. J’ai fait une partie avec l’extension qui rajoute un type de ressource, un type de cartes sur la rivière, une asymétrie avec un pouvoir de personnage et des nouveaux objectifs communs à scorer manche par manche. Cela revient à ajouter pour rajouter, et ne m’a pas convaincu. Si je veux rajouter de l’asymétrie, enrichir le gameplay, ou « complexifier » je propose un autre jeu, Navoria ne peut pas se transformer en jeu initié.
Le dernier jeu de l’univers de Cartographers et Roll Player à débarquer en français chez IntraFin nous propose de construire le parfait donjon pour accueillir des aventuriers en pagaille!
Jordy Adan utilise du draft pour faire tourner son jeu, mais ce n’est pas tout, loin de là. Suivez le guide et allons nous balader entre les lames cachées, les gnolls ou les gobelins, traversons des passages secrets pour parcourir le donjon de chacun et voir qui sera déclaré maître architecte.
Vous allez construire un donjon de 16 salles, 4 par ligne, et vous construirez une ligne à chaque manche.
Les salles sont des cartes que les joueurs vont drafter (choisir une carte et passer le reste au voisin), chacun ayant des objectifs asymétriques. Les salles proposent des chemins permettant de relier les salles orthogonalement adjacentes… ou pas! Elles peuvent être équipées de pièges (5 différents) ou de monstres (5 différents également). Elles sont de 2 types, grotte ou pierre.
À vous donc de récupérer une carte puis de la placer dans la ligne de votre donjon en cours de construction avant de choisir la salle suivante. Le jeu reste très fluide, tout le monde joue en même temps, il n’y a pas ou peu de temps mort, d’attente. Il vous faudra également quelques parties dans les jambes pour lever la tête sur ce que vous allez laisser au joueur suivant pour essayer de contre-drafter.
Cette possibilité de bloquer les autres restera tout de même limitée : vous devez placer chaque carte que vous choisissez, en retirer une aux autres pour vous tirer dans le pied? Pas certain que ce soit un choix intéressant.
Reprenons le cours de notre construction. Une fois la ligne de salles créée, on va empocher nos revenus par les coffres répartis dans les salles et les pièces visibles sur le bas de chaque salle de la ligne en cours.
Chacun place son marqueur de richesse sur une piste et c’est le plus riche qui dispose désormais de deux choix:
– Acheter un bonus, un piège, un monstre, un passage secret… Parfois en lot pour plus cher.
– Passer, remettre son marqueur à 0 et choisir une carte personnelle de scoring final.
Ensuite, le joueur le plus riche désormais fait son choix. Ici, on a une chouette interaction, une mécanique où être le plus riche permet de disposer des choix en premier, et si vous parvenez à acheter un bonus tout en restant devant sur cette piste, ce sera encore à vous de choisir. Cette phase est intéressante, recentre tout le monde sur le jeu en commun avec cette petite tension au moment de choisir : un bonus peut être utile ou passer et choisir la carte qui permette de scorer de façon optimisée en fin de partie.
On recommence 3 fois pour finir nos donjons avant de scorer sur nos cartes personnelles, sur un paramètre commun à tous et sur les chemins depuis l’entrée et la sortie de votre donjon. Du classique là aussi pour un jeu qu’on a l’impression de connaître dès la première partie.
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Si les jeux cités en début d’article vous parlent, Roll Player, Cartographers… Vous êtes ici en terrain connu. Toute l’iconographie sera connue et rapidement maîtrisée, le jeu aura donc une prise en main bien plus rapide. C’est agréable, cette gamme de jeux où l’on explore de nouvelles mécaniques avec chaque titre dans un univers graphique et narratif commun qui facilite d’avancer de titre en titre.
Stonespine propose lui aussi un jeu intéressant avec encore une fois une interaction limitée qui peut déplaire ; la comparaison avec Cartographers prend ici tout son sens, je pense. Un bon jeu initié qui passe un peu sous les radars depuis sa sortie et mérite qu’on s’y intéresse. Testez-le, vous ne serez pas déçu.
Beaucoup de personnes avaient, avant les résultats de l’as d’or, mis un petit billet sur la victoire de Captain Flip… Moi le premier ! Nous connaissons tous le résultat aujourd’hui, et plutôt que de polémiquer stérilement sur les gouts et les couleurs du chacun, projetons-nous vers l’avenir car PlayPunk la sympathique maison d’édition de Antoine Bauza et Thomas Provoost a plus d’un jeu dans son sac !
Il y avait un monde fou et des tables complètes tout au long du festival pour tester le nouveau jeu de Grégory Grard et Mathieu Roussel, les auteurs de Château Combo et illustré par Naïade, un des artistes français les plus prolifiques.
Avec Zenith, c’est indubitablement un nouveau coup gagnant.
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Le concept de départ est extrêmement simple : conquérir des planètes du système solaire selon un mécanisme de tir à la corde par le biais de gain d’influence.
Le jeu se joue à un contre un ou à deux contre deux et chacune de ces deux possibilités apporte des sensations différentes.
Le jeu se compose de trois plateaux :
Un plateau planètes : avec 5 disques influence planètes de couleur différente qu’il va falloir amener de votre coté
Un plateau technologique : composé de trois pistes correspondant à chacun des peuples utilisant une ressource particulière, le Zenithium
Un plateau diplomatie : où vous pourrez récupérer le badge leader vous permettant d’augmenter le nombre de cartes de votre main ainsi que des ressources
Au départ, chaque joueur démarre avec une main de quatre cartes représentant des agents (habitants) de la couleur des différentes planètes et appartenant à trois peuples possibles : humain, robot, animod.
On va pouvoir après un Mulligan optionnel, les utiliser de trois manières différentes :
Placer une carte sous la colonne de la planète correspondant à sa couleur en payant son cout en crédits. Puis gagner une influence (déplacer le pion planète vers vous) ainsi que d’autres effets éventuels. Si le disque influence bascule de votre côté, vous le remportez. La partie s’arrête si vous obtenez trois disques influence de la même couleur, quatre de couleur différentes ou cinq de n’importe quelle couleur.
En défausser une pour pouvoir grimper sur les arbres technologiques. Selon le peuple défaussé, et en dépensant du Zenithium, on active des pouvoirs de plus en plus puissants tout en regagnant à chaque fois les pouvoirs déjà obtenu
En défausser une pour récupérer le badge leader, permettant du même coup d’augmenter sa main à 5 cartes (on pourra d’ailleurs passer à 6 cartes avec certaines conditions). En fonction du peuple de la carte défaussée, on gagnera une ressource différente.
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On a au final, un jeu particulièrement dynamique qui demande malgré tout un peu de réflexion ainsi que des choix dans la manière de jouer (Offensif, défensif, en privilégiant l’arbre technologique, un mixte de tout cela…), tout dépendra de la qualité de votre main et de la manière dont vous allez l’utiliser.
Zénith se classe d’emblée dans les jeux à deux que l’on a envie de rejouer une fois la partie finie afin de tester d’autres stratégies. Pour pouvoir le maitriser, il va falloir tout de même s’habituer à l’iconographie qui est importante, tout à fait lisible, mais pas totalement intuitive. Les premières parties vous allez souvent vous référer au guide prévu à cet effet (très bien fait, au demeurant). Il n’y paraitra plus au bout de deux trois parties.
Zénith offre un second challenge avec la possibilité de le jouer à 4, en équipe de 2.
Chaque joueur s’occupe de deux planètes et a en commun la terre (la planète centrale). En jouant sur le plateau diplomatie, il y aura en plus de récupérer le badge leader, la possibilité d’échanger deux cartes avec son coéquipier (c’est la bonne manière pour donner des cartes agents correspondant à la couleur des planètes dont s’occupe votre coéquipier et récupérer des cartes jouables pour vous).
Avec ce mode en équipe, Zénith prend une autre dimension et apporte un boost stratégique indéniable. Chaque joueur de la même équipe joue dans le même tour en utilisant les ressources en commun, et dans l’ordre que les coéquipiers ont choisi en fonction des échanges verbaux qu’ils sont autorisés à avoir (on n’a pas le droit de se montrer sa main).
Le plaisir n’en est que décuplé et chaque tour va totalement vous faire revisiter votre plan de jeu car il est difficile de tout anticiper.
Vous le comprendrez aisément, Zénith est une réussite que vous pouvez savourer à deux ou en équipe ! Pour ma part je trouve les deux modes de jeux particulièrement réussis et une fois l’iconographie bien assimilée, vous pourrez en fonction de vos gouts passer d’un mode à l’autre sans souci et avec le même plaisir.
Vivement Cannes prochain ! Sans porter la poisse aux auteurs et à la maison d’édition, ils ont là un jeu qui va sûrement glaner quelques prix d’ici là !
Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Suchy millésime 2025
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Le Suchy annuel, vous commencez à être habitué, débarque donc dans nos contrées grâce à la localisation par Intrafin. Visuellement, plus on se rapproche, plus c’est daté. Une fois sur la table, je me demande si je ne me suis pas trompé de boite et j’ai remis Marco Polo sur la table, que j’avais ressorti il n’y a pas si longtemps.
Nouveau jeu donc, après Evacuation, Woodcraft, Messina 1347, Praga Caput Regni, son chef-d’œuvre Underwater Cities en 2018, Pulsar 2849 etc … Pas mal de jeux qui doivent vous sembler plus ou moins familiers si vous aimez les eurogames. Je n’ai pas joué à tous ses jeux, mais clairement, depuis Underwater, l’auteur semble courir après le jeu qui aura un tel impact. Underwater est toujours noté 8 sur 10 sur BGG le site de référence, avec plus de 21.000 notes quand même. Il est classé 47ème meilleur jeu toutes catégories confondues, ça se pose là tout de même !!
Dans Praga je trouvais la mécanique des roues des actions très intéressante, mais couplée à d’autres mécaniques moins élégantes à mon avis (avec la construction en escaliers de la muraille et de la cathédrale, et le déplacement dans la ville), il n’avait pas trouvé grâce à mes yeux. Evacuation m’avait intéressé de prime abord avec ce système de transfert des ressources et industries d’une planète en déclin vers une planète à construire. Très intéressant sur le papier, mais pas forcément exploitée de la meilleure manière, et surtout qui avait abouti à un jeu pas exempt de reproches.
Je ne pourrais pas reprocher à Suchy de proposer de combiner des mécaniques intéressantes sur le papier, mais le résultat final n’est malheureusement pas à la hauteur de mes espérances. On peut se dire que cet effort pour sortir un jeu au moins par an peut nuire au temps de développement qui aurait pu faire passer un jeu du statut ok game ou dispensable, à un euro solide qui ne sort pas de la ludothèque.
En tous les cas, sur le papier (ou plutôt sur le carton), Resafa semble sorti d’outre-tombe et tenter une résurrection. Alors a-t-on affaire à un nouvel assemblage digne de Frankenstein, ou à une réincarnation parfaite ? Pas de spoil de ma part, la création est bancale.
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Thème et visuel
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On est donc dans le désert pour produire des ressources, construire ses ateliers, transporter puis vendre et acheter des marchandises, et acheminer de l’eau. Je n’ai pas vraiment été transporté par le thème, et finalement je me suis retrouvé à avancer sur la piste de telle ou telle couleur, produire la ressource carrée, poser des tuiles pour faire correspondre des symboles, et jouer au dix de chute (ça on y reviendra plus tard ça vaut le détour).
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Classique
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Le jeu brille par son classicisme, ou son manque d’originalité, à vous de choisir. C’est un eurogame donc bien sûr, vous aurez de la production, de la gestion et de l’optimisation. Ça combotte, ça combine, on monte sur des pistes, on récupère des jetons ressources, et on dépense des pièces pour acheter des éléments de production.
L’ensemble qui est présenté (mécaniques, visuels et actions) peinent à me déclencher un quelconque enthousiasme. La partie se déroule de manière assez linéaire, même s’il y a une certaine montée en puissance logique dans ce type de jeu. La 1ère partie fut assez pénible, la faute à des règles pas forcément rédigées et/ou traduites de manière optimale, les exemples illustrés prenant heureusement le relais la plupart du temps.
La mécanique d’utilisation des cartes en choisissant la combinaison action/piste de couleur du bas ou du haut de la carte est maline. L’action que vous choisissez ne sera donc pas disponible de suite, même si ça dépend des manches. Manche paire, vous jouez une carte puis piochez une pour la rajouter à votre main, vous avez donc le choix entre 3 cartes à tous moments. Manche impaire, vous ne piochez plus, et n’avez donc que les 3 cartes en main au début de la manche à jouer. Pourquoi cette alternance dans le spectre de choix de cartes à disposition d’une manche à l’autre, je ne sais pas … C’est un peu plaqué là comme ça je trouve.
6 cartes au départ, la piste dorée vous permet d’obtenir des cartes améliorées, qui viennent remplacer une carte de départ. La piste blanche donne des actions principalement, les bleus des bonus permanents, généralement des réductions dans les coûts des actions, et les roses permettent de scorer en fin de partie. Impossible de tout faire, il vous faudra vous spécialiser pour obtenir les cartes les plus avancées dans chaque couleur.
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Dix de Chute
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Je me suis rarement autant étonné de la présence d’une zone de jeu sur un plateau. Elle est plaquée comme ça sur la droite du plateau, comme si elle s’excusait d’être là, essayant de justifier un tout petit peu sa présence. Il s’agit pour la petite histoire d’un réseau d’acheminement de l’eau, sur lequel on va poser des tuiles réseaux pour faire descendre des gouttes d’eau et les acheminer dans la ville. Normalement Dix de Chute ça vous parle, ce jeu dans lequel on fait tourner des engrenages qui vont modifier la descente de billes de couleurs. J’ai vite pensé à ça en voyant cette zone, puisque les joueurs vont choisir telle ou telle tuile réseau qui permettra à la fin des manches 2, 4 et 6, de faire descendre le cube/goutte d’eau en empruntant plusieurs chemins. Le joueur qui a déclenché la goutte décide du chemin emprunté, et va normalement essayer de vous en priver, et de faire passer la goutte par des tuiles qui ne vous appartiennent pas. J’ai trouvé ça très inélégant dans la résolution.
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Pourquoi ?
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Après 3 parties, j’ai vraiment le sentiment d’un jeu dispensable, qui ne fera pas date dans ma ludothèque, et qui ne figurera pas dans les jeux que je propose à mes joueurs. Difficile bien sûr de rentrer dans une ludothèque construite sur plusieurs années, les places sont chères puisque limitées, et je fais régulièrement un tri et sort les jeux qui ne sont pas joués. C’est souvent un bon critère.
Pourquoi donc ce jeu ? Je n’ai pas la réponse à cette question, je peux juste vous assurer qu’il ne remplacera pas Underwater Cities dans ma ludothèque, ni aucun autre jeu d’ailleurs. Evacuation avait le mérite de me proposer une originalité dans le plateau et cela suffisait pour m’y intéresser. Praga a certains arguments de son côté aussi. La proposition de Resafa me semble si datée et si peu originale, que je ne le vois que comme un jeu de plus, un parmi tant, et auquel je doute de rejouer un jour.
Nommé mais pas vainqueur. Qui a bien pu faire un tel coup bas à For a Crown ? Lui, le spécialiste du genre !
Le jeu de Maxime Rambourg, illustré par Paul Mafayon et édité chez Repos Prod, a remis sur le devant de la scène le jeu d’enfoiré où tous les coups sont permis.
En quatre manches, chaque joueur va acheter cinq cartes pour construire un deck commun auquel sont ajoutés des évènements.
Le but de cette sombre affaire est d’accéder au trône, et pour cela, il faut posséder le plus de joyaux. Chacun commence avec 10 rubis et un bijou de famille en valant encore 10 de plus, mais rien ne se passera comme prévu, tout le monde y laissera des plumes, à vous d’en perdre moins que les autres.
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Le jeu est familial par ses mécaniques : une piste de portraits où l’on se chamaille pour la première place, mais seulement en fin de partie, les joueurs les plus avancés en cours de partie le paieront cher.
Une ressource, l’argent permettant de s’acheter des cartes toujours plus puissantes.
Des ratons laveurs chapardeurs où la majorité vous coutera des rubis, mais vous permettra de vous débarrasser de ces petits voleurs.
Un dé histoire de mettre un poil de chance pour ceux qui aiment ça.
Le jeu est clair, précis, instantané. Une fois la première manche jouée et résolue, on sait exactement ce qui se passera et surtout ce que l’on veut y faire.
En résumé, on achète donc des cartes ajoutées à un deck commun, puis on mélange ce dernier avant de le jouer carte par carte. Pour reconnaitre vos cartes, vous les placez dans des sleeves (des pochettes) à votre couleur.
Quand votre carte est jouée, c’est à vous de décider quel effet appliquer, si plusieurs sont possibles et surtout sur quel joueur il s’applique. L’interaction est reine ici ! Et elle n’est pas très agréable. Vous leur ferez perdre des rubis directement, vous les déplacerez dans la galerie des portraits, vous infiltrerez des ratons laveurs chez eux. Tout est bon pour sortir gagnant, mais pour jouer, il vous faudra de bons clients autour de la table. Les négociations, les discussions pleines de mauvaise foi iront bon train, tout comme les pactes et les alliances aussi vite oubliés ou brisés.
On va tous s’en prendre plein la tronche et il vaut mieux laisser sa susceptibilité au placard pour que la partie reste un bon moment.
Cela limite aussi le jeu à trois joueurs, qui n’est pas du tout mon format préféré. Le jeu demande du monde et des échanges pour que la tension ne reste pas sur les épaules d’un même joueur. Plus on est de fous, plus on rit, comme on dit.
Je ne suis pas fan non plus du dé et en particulier de cette face offrant deux rubis. Je ne doute pas que le jeu nécessite cette face qui a été testée, mais gagner deux rubis met clairement une cible sur le dos du joueur qui y parvient et déchaine quelques actions sur ce dernier. Pas un moment des plus agréables à vivre ou à regarder.
Pour finir, c’est le bijou de famille qui m’ennuie. Quand un joueur le dépense, il envoie le signal : « Je passe à moins de 10 rubis, je ne suis plus la cible prioritaire ». Le jeu nous demande de cacher nos rubis dans un coffre, donc cette information est, je trouve, contre-nature. D’autant que l’on peut aller jusqu’à l’élimination d’un joueur, ce qui me semble logique vu la nature de For a Crown. Cela me donne le sentiment que les concepteurs se sont dits que le jeu allait peut-être trop loin et qu’il fallait rebrousser chemin pour limiter la méchanceté possible.
Le jeu n’en est pas moins un bon retour de ces jeux mesquins et méchants dans un monde ludique où l’interaction est de plus en plus aseptisée. Des règles simples, des émotions autour de la table et un temps de jeu contenu en font un bon jeu si vous êtes client du genre !