Candy, spiders and leopards. Un nom bien étrange pour ce petit jeu de plis de Shunsuke Tanabe et Rio Kanya. Le thème est là pour éclaircir votre questionnement, bien que de gros nuages pluvieux s’amoncellent à l’horizon.
La météo annonce de la pluie, mais pas n’importe laquelle, une pluie de bonbons! Chic, chic, chic! Enfin, attendez ! Ils annoncent aussi des araignées et des léopards qui pourraient tomber du ciel. Téméraires, vous et vos amis décidez de braver les interdits pour récolter tout ce qui vous passera sous la main.
Le jeu est un jeu de pli avec une sacrée nouveauté : vous allez diviser pour mieux régner. Votre objectif est de collectionner des cartes de bonbons, d’araignées, de léopards et même d’étoiles filantes ; une carte est à gagner à chaque pli.
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Chaque main que vous jouez se compose de 9 cartes et votre première étape sera de la diviser en 3 sous-mains de 3 cartes chacune. Vous ne pourrez pas tout gagner, à vous de viser les bonnes cartes, celles qui vous rapporteront le plus. Cette proposition de diviser sa main amène énormément de choix, de lecture des objectifs de vos adversaires ; bref, vous n’avez pas fini de vous faire des nœuds au cerveau pour placer vos meilleures cartes dans chaque sous-main.
En plus de notre jeu de plis, on a donc un jeu de collection. Chaque type de carte score différemment avec 2 possibilités pour chacune, de quoi changer la physionomie des parties, où l’on peut même voir une victoire immédiate sur les étoiles filantes. Tout ceci ajoute encore à la tension classique d’un jeu de pli.
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Le jeu réussit à maintenir cet équilibre où chaque pli est intéressant, tout en ayant un suivi de la partie complète. Une mauvaise main peut tout de même apporter quelque chose, et si vraiment vous êtes du genre à ne pas avoir les cartes qui vont en main, vous pouvez tenter d’annoncer que vous ne ferez pas de pli avec votre main de 9 cartes. Cela vous rapportera 7 points. Ça parait peu, mais ce sera toujours mieux qu’une carte par-ci par-là.
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Au final, il y a de quoi faire dans ce jeu. Comme le dit le sticker sur la boite, ce n’est pas pour la famille ; la direction artistique est d’ailleurs un peu trompeuse, on pourrait s’attendre à bien plus basique. Le jeu vous demandera de l’anticipation, des décisions importantes, des choix et de l’engagement, le tout en 4 mains de 9 cartes. Candy, Spiders & Leopards est un jeu de pli technique et exigeant avec un réel plaisir de réussir ce que l’on entreprend, ce qu’il faut de frustration et de chambrage quand on réussit à piquer la carte visée par un adversaire. Un petit ovni venu du Japon, pays qui nous prouve une fois de plus que sa créativité dans ce style de jeu est d’un niveau extraordinaire.
Ne vous fiez pas à son aspect kawaï, ce jeu vous fera chauffer les neurones, et c’est ça qu’on aime !
Avec Shut the books, Taiki Shinzawa prouve qu’il n’a besoin que de 3 bouts de ficelles pour faire un jeu simple et profond, basique et travaillé.
Ici, on dispose de 60 cartes de 1 à 15 dans 4 couleurs, une couleur fixe est atout (le rouge), et nous voilà partis sur le classique pari puis plis.
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Sur votre main de 16 ou 15 cartes (3 ou 4 joueurs) dans l’ordre du tour, vous allez placer de 0 à 5 cartes devant vous qui sont vos prédictions de plis.
Cette phase est centrale : pari quoi, quelles couleurs les joueurs pensent gagner, ça nous fait pas mal d’informations partagées autour de la table !
Ensuite, la phase de pli est bien plus classique, le traditionnel must follow, l’atout pour couper si on le souhaite quand on ne peut pas fournir la couleur demandée.
Le vainqueur du pli prend la carte qui lui a servi à gagner et va venir recouvrir une de ses prédictions avec ; pour cela, les deux cartes, la gagnante et la prédiction, doivent partager la même couleur ou la même valeur.
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Cas particulier : si c’est en coupant que vous gagnez, vous pouvez utiliser la première carte jouée pour matcher une prédiction de même couleur.
Nouvelle particularité : la manche s’arrête si un joueur n’a plus de cartes en main. C’est malin ici aussi, et on en revient à la partie pari ; vous devez en effet prendre en compte également que si un joueur parie 5 plis, il compte les faire sur les 11 ou 10 plis (3 ou 4 joueurs) que durera la manche.
Votre but est bien évidemment de compléter exactement vos prédictions. Se louper d’un pli passe encore, mais au-delà, ce sera des points en négatif que vous allez accumuler.
Un jeu malin, qui pousse la réflexion de début de manche pour effectuer une prise de risque cohérente. Shut the books n’est pas du côté fun, vous l’aurez compris, on se retrouve ici du côté calculatrice et froid que M. Shinzawa maitrise si bien.
Bien entendu, le jeu privilégie les joueurs qui ont l’expérience pour jauger leur main. L’ascension dela courbe de progression sur ce jeu existe ; elle peut être conséquente. Si vous découvrez cette mécanique, je vous conseille de passer chez Skull King avant, ça sera bien moins rude.
Shut the Books est encore une fois une réussite pour l’auteur japonais qui ravira les joueurs de plis qui privilégient la réflexion, un tour de force de proposer un tel niveau de profondeur en simplement 60 cartes.
Tornei est un jeu de pli avec, à chaque pli, un pari. Le jeu de Totsuca Chuo nous plonge dans un univers de joutes et de tournois où, à chaque pli, une carte d’écuyer vous sert à parier la position que vous envisagez et une seconde carte sera votre joute, la carte qui prend part au pli.
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Quatre couleurs de 1 à 14, du must follow et pas d’atout, mais des couleurs hiérarchisées. Vos cartes vous servent donc à jouer les plis, mais également à parier sur votre position, chaque couleur correspondant à une position.
Gérer sa main, conserver les différentes couleurs pour conserver par la même occasion les différentes positions est une façon un peu contre-nature de jouer des plis. Habituellement, on cherche à avoir une coupe, une couleur absente de sa main pour avoir plus de possibilités de manœuvre pour les plis suivants. Ici, c’est aussi se condamner à ne plus pouvoir parier une place.
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Tornei n’est pas un jeu fun, on est du côté cérébral de la balance, le jeu peut même paraître froid au final. Ce système de pari + carte atténue le sentiment d’interaction autour de la table, on est plus le nez dans son jeu qu’avec les autres. C’est dommage, le jeu apporte une bonne idée mécanique, mais il lui en manque un peu pour vraiment passer une tête devant les autres.
Il ne manquera pas de plaire pour autant, le jeu reste intéressant et particulier par ses mécaniques. À trois joueurs, c’est un automa qui simule le 4ᵉ, pratique, et ça laisse un jeu tout à fait jouable.
Une petite déception avec Tornei, je reste content de l’avoir essayé, mais j’en ressors sans conviction.
Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Un jeu de pli post-apocalyptique , c’est cool, avec plein de zombies. En plus, un jeu de plis thématique, alors là, bravo !
Dans Happy Dayz, Benoit Gallot nous propose un jeu de plis, donc avec deux boites pour encore plus de fun, le tout illustré par Goupil et édité chez Origames.
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On va donc jouer des survivants. Chaque type de personnage correspond à une couleur avec un effet associé. Gang de bikers, survivalistes, cheerleaders, gouverneurs, policiers, infirmières ou encore les sempiternels zombies, tous sont présents comme dans un bon film de série Z. Vous commencerez avec 66 personnes dans votre communauté, à vous de les garder en vie ou tout du moins d’en avoir le plus en fin de partie.
À chaque manche, vous allez jouer les zombies, car sans eux, pas d’histoire, et 3 autres couleurs. Les zombies vont de 1 à 20, les survivants de 1 à 13. Le jeu est un must follow (on doit suivre la couleur demandée) avec un plateau central où la personne qui ouvre le pli a un choix : d’un côté, la carte la plus faible, et de l’autre, la carte la plus forte remporte le pli.
Avant chaque manche, vous passez une carte à chacun de vos deux voisins qui formeront sa main publique pour la manche.
Le talon du deck non distribué est au centre du plateau de jeu et une carte est ajoutée à chaque pli ; elle sera gagnée en plus des cartes du pli.
Les zombies font perdre de la population, 3, 6 ou 9. Les survivants… bah, c’est des survivants, ils viendront donc grossir vos rangs. De plus, la couleur qui ouvre le pli déclenche son effet en fin de pli ou de manche.
Les survivalistes vont pouvoir échanger la carte du talon de deck avec une de leurs mains, les cheerleaders vont faire circuler une carte de chaque joueur au joueur suivant, les policiers peuvent être utilisés comme atout… Y’a de tout pour tous les gouts.
À la fin de chaque manche, on fait les comptes et en général, tout le monde n’a pas survécu dans la communauté. La plus touchée (celle qui a le plus de pertes) peut échanger une couleur jouée contre une des couleurs en réserve. On joue 4 manches, sauf si un joueur se retrouve avec sa communauté à 0, et bien entendu, le joueur avec le plus de population gagne la partie.
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Happy Dayz est un jeu bien malin avec des mécaniques connues, mais qui sont ici associées à une couleur en particulier : c’est vraiment bien vu et c’est nouveau. Le fait de définir quelle carte va gagner le pli permet de donner du contrôle aux joueurs, mais surtout, je ne sais pas si ce jeu est un trick taking ou un trick avoidance. est-ce que l’on cherche à gagner des plis pour récupérer quelques survivants, mais surtout profiter des effets. Le risque, bien entendu, c’est de se retrouver avec quelques zombies dans les pattes.
Le jeu peut être frustrant quand vos adversaires vont lâcher des zombies dans des plis que vous avez durement gagnés, ça reste un jeu où il y a une majorité de points négatifs, donc tout le monde y perd de la population.
Par son thème, le jeu est fun et on se prend dans le thème, il n’en reste pas moins un jeu de plis assez fin et avec une forte rejouabilité vu que chaque couleur dispose de 2 variantes de son effet de base.
Le jeu propose 2 boites, cela permet de garder un prix de vente correct et surtout de proposer 6 nouvelles couleurs dans la seconde boite avec 6 pouvoirs supplémentaires et leurs variantes.
Si je peux vous conseiller, partez sur American Dream pour du plus basique, mais très efficace, et Woodstock Fever pour plus de possibilités et de folie.
Ce Happy Dayz mérite vraiment le détour : un jeu de pli différent, thématique et accessible, c’est l’occasion de se faire quelques zombies entre amis, mais pas trop !
Cette critique est réaliséé à partir d’un prototype fourni par l’éditeur
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Oniria, une invitation à la rêverie ou au cauchemar ?
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Je parlerai en premier de la thématique, donc pas de panique, le rêve ou le cauchemar n’est pas pour la mécanique, mais pour expliquer comment fonctionne le jeu et sa thématique intégrée au service de la mécanique. Dans Oniria, vous allez incarner tour à tour une rêveuse, appelée la Soñadora (qui se prononce Soniadora) et l’un des 3 cauchemars, appelés Sombras. Le but de la Soñadora est de faire des rêves paisibles et de se débarrasser des Sombras, qui, eux, vont essayer de l’enfermer dans ses rêves infernaux.
Au fil des 7 plis que comporte une manche de jeu, la Soñadora et les Sombras vont jouer des cartes, face cachée et à la révélation on compte les valeurs des cartes pour savoir qui de la Soñadora ou des Sombras remporte le pli. Les valeurs des cartes des Sombras sont cumulées et si elles sont plus élevées que la valeur de la carte de la Soñadora, les Sombras remportent le pli, le chemin vers le rêve s’assombrit et la victoire de la Soñadora s’éloigne. À contrario, si la Soñadora remporte le pli, son rêve reste lumineux et le chemin vers la victoire se trace.
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Ah donc, c’est un jeu en 1 contre tous ?
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Oui et non. Oui car c’est à la fois un jeu où l’on joue contre tous et non car c’est aussi un jeu où les Sombras sont en compétition entre elles. Car dans le cas où les Sombras remportent le pli, c’est la (ou les en cas d’égalité) Sombra qui aura posé la carte de plus forte valeur qui marquera des points.
Et c’est très bien pensé car les Sombras ont des cartes de valeur 0 à 5 et la Soñadora a des cartes de valeur 7 à 11. Donc la Soñadora n’est pas assurée de perdre tous les plis, même si c’est quand même plus compliqué pour elle de remporter un pli que pour les Sombras.
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Donc, le jeu n’est pas équilibré ?
Eh bien si ! Car non seulement certaines cartes des Sombras et de la Soñadora ont des capacités spéciales qui se déclenchent dans certaines conditions pour permettre de remporter le pli, pour augmenter la force de notre prochaine carte, pour remporter un pli précédemment perdu et j’en passe, mais aussi parce que pour jouer une partie complète lorsque vous êtes à 4, chaque personne jouera la Soñadora une fois et sera Sombra 3 fois. 4 manches et le score final est connu. Mais de cette manière, même s’il est plus compliqué pour la Soñadora de scorer dans les premières parties, quand on ne connaît pas encore très bien le jeu, ça permet de se rattraper au score avec les moments où on va jouer une Sombra.
Ce qui fait que le score s’équilibrera et que ça pourra se départager avec des égalités à la fin et des scores très proches les uns des autres.
Donc le jeu est au final équilibré et tendu, car les Sombras ont la possibilité de jouer des cartes sous forme de « symbiose ». Si les 3 Sombras posent la même valeur de carte, la capacité de la carte s’active. Mais comme toutes les cartes sont jouées face cachée, il faudra qu’elles se comprennent ! Et une chose qui peut les aider c’est que les auteurs ont été malins : sur chaque pli, il y a des contraintes de pose de cartes. Les Sombras n’auront pas le droit de poser de cartes de valeur 2 et 3 sur certains plis, de valeur 4 sur un autre etc… Il en va de même pour la Soñadora. Avec ces restrictions, il est plus aisé de pouvoir se comprendre sans parler et d’essayer d’anticiper ce que la Soñadora va poser et ce que les Sombras vont poser aussi pour essayer de tirer parti de chaque pli au mieux.
Et sans jouer avec la variante experte, toutes les cartes jouées restent face visibles, donc il est tout à fait possible de savoir ce qui reste dans les mains de chaque Sombra ou de la Soñadora pour anticiper !
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Au final, bon jeu, ou cauchemar ?
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Je penche pour le bon jeu ! On sent la courbe d’apprentissage et la possibilité de mieux maîtriser les combos possibles et de varier les parties. Déjà parce qu’on joue 7 plis et qu’il y a 9 cartes de contraintes de pose, ce qui fait que ça varie assez les parties et qu’elles ne sont jamais dans le même ordre. Ensuite parce que sur les 2-3 premiers plis, si vous n’avez pas connaissance des cartes de la Soñadora si vous jouez une Sombra (ou inversement) vous allez tâtonner pour savoir quoi faire, puis vous allez commencer à apercevoir les possibilités offertes et vous allez vous améliorer dès la manche suivante. Ensuite (et c’est purement subjectif), la beauté des illustrations aide à avoir envie de jouer. Alors c’est étrange de dire que c’est beau alors que l’on voit des cauchemars sur la table, mais leur mise en valeur est faite de manière à ce que ce soit un cauchemar qui soit visuellement agréable, c’est curieux, mais ça le fait, de la beauté dans le macabre et la peur. Une belle inspiration de Vianney (je suis fan de son travail et je souhaite vraiment qu’il continue à faire ce qu’il fait et qu’il gagne en notoriété aussi, pour moi il propose des illustrations qui me plaisent autant que de très grands noms comme Vincent Dutrait ou Ian O’Toole) qui participe au plaisir de jeu !
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Le jeu est actuellement en financement participatif sur Kickstarter et Ulule et je vous laisse les liens ici :