Cette critique a été rédigée à l’aide d’une boite fournie par l’éditeur que nous remercions.
Après l’immense succès rencontré par Ark Nova, l’année 2023 semble elle aussi placée sous le signe des parcs animaliers puisque je vous présente aujourd’hui Caldera Park ! C’est d’ailleurs à se demander si ce n’est pas un thème particulièrement prisé par Super Meeple qui a également édité Savannah Park l’an dernier, et New-York Zoo l’année précédente ! Mais je m’égare… Leur catalogue est pour moi une référence car on y trouve aussi bien de gros jeux que des propositions plus familiales, dont fait partie Caldera Park. Personnellement, j’ai été conquise dès que j’ai vu le token marmotte premier joueur trop mignon, mais je m’égare encore.
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Welcome to the zoo
Dans la lignée de Savannah Park, les auteurs Kramer et Kiesling restent dans la thématique animalière et nous proposent cette fois-ci de créer un parc animalier dans les territoires sauvages d’Amérique du Nord. Si vous avez déjà joué à leur précédent opus, vous ne serez pas dépaysé puisque Caldera Park dispose d’une mécanique très semblable à son aîné, bien qu’un poil plus complexe.
Il s’agit d’un jeu de pose de tuiles dans lequel vous devez réaliser des familles d’animaux les plus grandes possible. Chaque joueur dispose exactement des mêmes tuiles et du même plateau, c’est donc votre capacité d’adaptation, et un peu votre chance, qui vous mèneront à la victoire.
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Pose de tuiles avec contraintes, c’est du classique
Caldera Park se joue en cinq manches de sept tours chacune, au cours desquels vous placez l’une de vos tuiles Animaux disponibles sur votre plateau de jeu. Le premier joueur (celui qui dispose de l’adorable token marmotte) choisit un type d’animal et le type de terrain sur lequel le poser, et tous les joueurs doivent s’y conformer. Puis c’est au tour du joueur suivant de faire la même chose parmi les animaux et terrains restants, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la manche, où les choix possibles sont remis à zéro.
En plus de cette contrainte de tuile à poser, on rajoute une contrainte météorologique. Au début de chaque manche, les joueurs retournent l’un de leurs jetons Météo et le placent face visible sur un emplacement dédié de leur plateau personnel. Elle interdit de poser des tuiles Animaux du type indiqué, ou du nombre indiqué, adjacentes à cette tuile Météo sous peine de devoir les retourner avant le décompte des points, supprimant ainsi des points d’eau ou séparant des familles (Et ça, ça nous fend le cœur.).
Le positionnement des tuiles est donc extrêmement tactique, d’abord parce qu’elles doivent former des familles, mais aussi parce qu’il faut anticiper les contraintes météo et celles de terrain. Tout en n’oubliant pas de marquer le plus de points possible, évidemment.
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Presque pas d’interaction mais un combat contre soi-même
Une fois la cinquième manche terminée, on procède au décompte des points. Les joueurs marquent des points pour la plus rentable de chacune de leurs familles d’animaux, en multipliant le nombre d’animaux de ce type adjacents les uns aux autres par le nombre de points d’eau auxquels ils ont accès. Les joueurs gagnent également des points pour avoir recouvert complètement un type de terrain, ou les tuiles adjacentes des geysers. Le joueur avec le plus de points l’emporte !
Le premier élément frappant dans Caldera Park est son absence totale d’interaction entre les joueurs. On pourrait se dire que l’on va essayer de bloquer son adversaire en l’obligeant à jouer un type d’animal non disponible pour lui, ou sur un type de terrain qu’il a déjà complété. Mais dans les faits, si un joueur ne peut pas poser une tuile correspondant au type demandé, ou s’il n’a plus d’emplacement adéquat, il peut poser ce qu’il veut où il veut, donc impossible de le mettre en difficulté.
Ce paramètre rend le jeu beaucoup plus “positif” et “feel good” à mon sens, puisqu’on privilégie ses propres intérêts plutôt que le blocage des adversaires. Cela rend également le jeu plus agréable à jouer en famille, notamment avec des enfants supportant mal la frustration (ou des adultes d’ailleurs, on en connaît tous). Personnellement, j’aime bien ce côté “je joue dans mon coin et j’essaie de donner le meilleur de moi-même pour faire mon meilleur score”, qu’on retrouve dans des jeux comme Take it easy ou Overbooked par exemple (avec un poil plus d’interaction dans ce dernier). Bref, c’est zen et j’aime ça.
À signaler aussi que les joueurs jouent en simultané, ce qui rend le jeu très fluide et plutôt rapide, et ce quel que soit le nombre de joueurs. Les plateaux joueurs sont recto-verso pour apporter un renouvellement bienvenu après quelques parties.
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La satisfaction d’un monde bien ordonné
Caldera Park est donc un jeu dans lequel, à la manière d’un puzzle, vous essayez d’agencer vos tuiles de la façon la plus efficace et rentable possible, en évitant les pièges tendus par la météo et en composant avec les choix de placement parfois discutables de vos adversaires. Quel plaisir en fin de partie de contempler nos animaux réunis en famille, à part cet élan exilé à l’autre bout du parc, faute d’un meilleur emplacement.
Cette satisfaction se retrouve dans l’excellente idée de proposer des boîtes à monter soi-même pour ranger les tuiles des joueurs, facilitant ainsi la mise en place tout en apportant un côté thématique au jeu. Adieu les sachets en plastique et bonjour le moment convivial lors de la première partie pour monter les boîtes ensemble !
Rien de très original dans le matériel en-dehors de ces belles boîtes de rangement, on est sur des jetons en carton épais et solide avec des illustrations sympathiques sans être extraordinaires. Et je vous ai déjà parlé du très choupinou token premier joueur marmotte qui suffit à lui seul à faire mon bonheur, je sais, il m’en faut peu.
Si vous appréciez les jeux de pose de tuiles dynamiques, faciles à prendre en main et les marmottes, et que l’absence d’interaction est un plus pour vous, alors je ne peux que vous recommander Caldera Park que nous avons beaucoup aimé à la maison !
Le dernier jeu livré de chez Holy Grail Games, éditeur nancéen, appelle au voyage. Un point positif que je retiens avec eux, c’est les thèmes souvent différents et tranchés qu’ils proposent. Récemment j’ai pu jouer à leur dernier projet, Copan, et le déclin d’une cité aztèque. Dominations nous mettait aux prises avec un thème de civilisation de tribus primitives. Rallyman Gt et Dirt, bah vous avez compris le thème normalement. Museum est celui qui se rapproche le plus de Encyclopedia, avec cette patine historique, ce côté découvertes artistiques et/ou culturelles, et ce rôle de chercheur/explorateur.
J’aime quand un thème n’est pas seulement plaqué mais partie intégrante du jeu et de la proposition. Copan m’avait particulièrement séduit en ce sens.
Concernant Encyclopedia, le côté mécanique du jeu va prendre le dessus plus ou moins vite selon les joueurs, mais la qualité du matériel et des illustrations va tout de même nous maintenir dans ce thème de la création de cette encyclopédie de l’histoire naturelle.
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Mécanique naturelle
Ce ne sera pas faire injure au jeu de souligner l’importance des mécaniques qui vont vous driver tout au long des parties. D’ailleurs il suffit de dérouler les actions disponibles sur le plateau de jeu lors de l’explication de règles pour bien comprendre la suite logique, et ce que vous devrez faire. Vous allez préparer votre exploration en recrutant des experts et récolter des fonds, sélectionner des spécimens à étudier, partir à leur rencontre, et enfin publier vos travaux. Tout cela est bien indiqué sur le plateau où vous placerez vos dés d’actions, dans une logique presque sans faille et assez routinière. Non pas comme un fleuve tranquille non plus, puisque vos adversaires pourront un peu vous gêner, mais voici votre chemin vers la victoire. Optimisez cette route tracée et vous serez consacré.
Le thème est chouette, les illustrations vraiment soignées et le matériel de très bonne qualité (en même temps j’ai la version deluxe donc heureusement ^^). On comprend bien la suite logique des actions, de la préparation à votre expédition et la publication. Par contre, j’ai trouvé que ce thème passait assez vite quand même au second plan et les mécaniques passent au premier. Valeur du dé, couleur, types des cartes, ressources, optimisation. Je n’ai pas trouvé cela dérangeant, car c’est le cas la majeure partie du temps dans des jeux similaires. Ne vous attendez juste pas à être transportés d’un continent à l’autre à observer la faune dans son habitat naturel, et tout ira bien.
Ensuite, le « reproche » que je ferai à Encyclopedia est que ça manque un peu de rebondissements et ça ronronne quand même par moments. Il n’est pas le jeu le plus trépidant du monde, mais là n’est pas son propos. Soyez-en juste conscients pour ne pas être déçus.
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Surmonter la confusion de l’action la plus importante du jeu
L’un des plus gros écueils que j’ai pu lire ou observer concernant Encyclopédia, est le fait de comprendre le fonctionnement de cette dernière action indispensable dans ce jeu, à savoir la publication de vos écrits. Les actions précédentes sont plutôt simples et logiques, mais cette phase de publication a ce je-ne-sais-quoi de déroutant qui peut vous faire perdre le fil. La règle n’est pas pour autant mal rédigée, mais rien ne remplacera la pratique pour cette action. Certains ne passeront pas le cap et ne retiendront que cette incongruité. Cela peut demander un peu d’effort, mais une fois intégrée, ça fonctionne. Cela peut juste paraitre contre intuitif.
Cela a aussi pour effet de rallonger artificiellement les premières parties, et le jeu peut vite être catalogué au rang de « tout ça pour ça ». Cela va très clairement en s’améliorant, mais il faudra y passer 1 ou 2 parties complètes pour l’ensemble des joueurs. Et comme bien souvent, le nombre de parties sur un jeu se limite à 1 ou 2, certains n’auront pas la patience d’y revenir pour faire passer la durée de jeu sous l’heure, qui est le bon format pour ce jeu. Suivant les joueurs, leur expérience, leur envie, leur assiduité, la 1ère partie peut leur paraitre assez pénible avec cette phase de publication, et peut gâcher l’expérience de jeu. Si vous la comprenez du 1er coup, ou si à la 2ème partie ça roule pour vous, alors la voie est dégagée et Encyclopédia devrait vous convaincre et vous faire revenir à sa table.
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Optimisation et frustration
Encyclopédia va vous endormir un peu avec un rythme assez tranquille, des actions qui se déroulent assez sereinement (préparation, récupération de cartes animaux, expédition et publication) la plupart du temps dans le même ordre. Par contre ne croyez pas que la partie sera un fleuve tranquille. La faute a cette **** d’action de publication qui vous fera rager régulièrement.
Pour l’optimiser, il faudra que les astres soient alignés. Comprendre que vous devrez mettre la main sur les animaux qui combinent entre eux (au mois 2 types en commun). Le problème c’est que dans ce jeu de société … bah il y a société et vous ne serez pas seuls. Du coup vous allez maudire vos adversaires qui vous raflent sous le nez ce reptile qui aurait combotté comme pas 2 avec ses autres potes à sang froid que vous gardiez bien au chaud.
Bon, vous irez quand même publier, mais ça n’aura pas la même saveur car ça sera forcé, et sacrément pas optimisé. Vous y repenserez souvent à ce combo de fou qui vous tendait les bras. Et oui, pour viser les + de 300 points à ce jeu, il faudra y jouer, y rejouer, et croiser les doigts et tout ce qui traine aussi 😉
Quel calvaire quand on va publier, et que l’on défausse des cubes chèrement acquis précédemment et qui ne rapportent pas un point … ^^
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La hype de la nature
Encyclopédia est un format de jeu pour « initiés » telle que cette catégorie semble être nommée depuis quelques temps déjà. Un peu complexe et long pour être joué en famille avec des non-joueurs, et un peu trop léger pour ceux habitués à se triturer le cerveau pendant des heures. Avec la faune et sa découverte pour thème, il pourra faire penser à Wingspan, le fameux jeu mettant en scène les différentes espèces d’oiseaux du monde. Encyclopédia a été le plus gros succès sur Kickstarter pour Holy Grail Games avec plus de 5.000 backers. On verra comment se déroule sa vie en boutiques, et s’il peut obtenir une petite partie du succès mondial de Wingspan.
Avec d’autres jeux comme Cascadia, Living Forest, Meadows, et bien d’autres, le thème nature, contemplatif, et reposant remporte clairement du succès depuis quelques temps. Les vikings, zombies et autres thématiques qui cartonnaient il y a quelques années semblent avoir pris un peu de recul, et c’est pas plus mal de voir un renouvellement. Quel sera le prochain thème qui aura la cote ??
D’ailleurs, l’auteur Bruno Faidutti a mis en ligne un article intéressant sur le sujet que vous pouvez lire ici.
Critique rédigée à l’aide d’un jeu fourni par l’éditeur.
Combien de fois faudra-t-il le répéter ? Les règles, c’est important. C’est bien souvent la seule porte d’entrée pour le jeu proprement dit. Un outil qui doit allier la précision d’un objet technique et l’abord agréable d’un élément ludique. Le mot “paire”, pour vous il veut dire quoi ? Pour moi, il signifie deux cartes identiques. Il peut aussi vouloir juste dire “deux cartes”, ça ne me dérange pas tant que c’est précisé. Mais quand le terme est utilisé un coup pour l’un, un coup pour l’autre, ça ne va pas. Ça crée des confusions inutiles surtout pour un jeu qui, en réalité, est d’une simplicité confondante.
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Une fois cet écueil franchi, Micronimo est… c’est un jeu de collection quoi.
On pioche parmi un panel de paires visibles (deux cartes qui peuvent être différentes) et on essaye de rassembler des paires (deux cartes identiques) pour gagner de partie. Il y a d’autres sources de points de victoire qui changent d’une partie à l’autre et sont là pour créer du dilemme.
C’est d’un classicisme assumé et pour cause, ça se présente comme un jeu d’initiation visant notre chère progéniture. Tiens, c’est marrant c’est la mode ? Super Peluches, sur lequel j’ai aussi écrit, portait la même ambition pour la gestion de ressources. J’en avais peu parlé dans ma précédente critique mais je me permet de développer ici. En quoi, être un jeu “de découverte” est un bon argument marketing ? En quoi serait-il meilleur qu’un autre ? En quoi serait-il plus intéressant, plus amusant, plus… ludique ?
Je pense que c’est le contraire. En se présentant ainsi, ces jeux louchent méchamment vers le jeu pédagogique. Simplifiant à outrance et oubliant au passage qu’un jeu existe avant tout pour être une expérience plaisante. Un jeu doit nous titiller, stimuler notre intellect, notre imagination ou notre créativité. Un jeu se doit d’apporter une plus-value à notre capacité naturelle à jouer. Et, par extension, offrir une expérience différente de tous les jeux qui existent déjà se bousculent sur les étals de nos boutiques préférées.
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J’ai beau de ne pas apprécier cette pratique, j’y vois quand même un élément positif. Il instaure insidieusement l’idée d’une culture ludique. Des mécaniques, des jeux qu’il faudrait transmettre à la génération future.
Mais de ce point de vue là, je préfère encore les versions enfant ou famille qui suscite notre attention en utilisant des noms de jeux déjà installés. Une méthode marketing un peu sale qui cache parfois de petites perles d’originalité. Comme l’excellent Âge de Pierre Junior. Si, par exemple, vous cherchez à initier votre gamine à la gestion de ressource, il est autrement plus inventif que Micronimo. En plus, la préhistoire mignonnisée est bien plus attrayante que l’univers de la collection entomologique.
Je l’admet, je suis un peu dur avec Micronimo. Il n’est pas foncièrement mauvais, c’est juste un énième jeu condamné aux oubliettes du monde ludique. Il faudrait peut-être penser à faire quelque chose d’ailleurs car on commence à manquer de place dans les cellules du donjon.
Critique rédigée à l’aide d’un prototype fourni par l’éditeur.
OK Game
Jeu irréprochable sur le plan de la jouabilité ou de l’édition mais qui peine à se distinguer dans la masse des sorties et des jeux déjà existants.
Je ne sais pas vous, mais moi je n’en peux plus des super-héros. En 2022, j’ai bien du mal à m’émoustiller pour un film me narrant une nouvelle fois l’histoire d’un type qui se découvre à la fois des super-pouvoirs et la vocation de sauver le monde.
Pour les jeux de société, je n’ai pas encore atteint le même degré de ras-le-bol. J’en suis encore au stade du soupir. Tiens, prenez Super Peluches. Le jeu est mignon et plutôt bien édité. Il est surtout sans surprise.
Au moins, il ne ment pas sur sa promesse ludique
Il est vendu comme une initiation au jeu de collection. C’est exactement ce qu’il est. Au point que j’avais deviné 9/10e des règles avant même d’ouvrir la boîte. On lance des dés, on récupère des ressources qu’on va ensuite dépenser pour des points de victoire. Deux “stratégies” possibles, rusher la fin de partie en achetant beaucoup de cartes faibles en points ou thésauriser pour s’offrir les plus rentables sans se les faire chiper par ses adversaires. Il y a bien deux ou trois subtilités mais franchement pas de quoi surprendre un joueur un minimum aguerri.
Même la thématique est archi-classique
Les peluches, d’Attrape Rêve à Histoire de Peluche, on a déjà vu ça cent fois. Des illustrations aux couleurs choisies, Super Peluches partage d’ailleurs avec ce dernier une ambiance artistique vraiment très proche.
Alors j’ai passé un bon moment avec mon môme. J’y rejouerais sans déplaisir, mais ça sent tellement le jeu qui va sortir une ou deux fois avant d’être oublié au fond d’un carré de Kallax.
Super Peluches est un bon jeu à emprunter en ludothèque. Il fonctionne tout de suite et est plutôt plaisant. Mais une fois l’attrait de la nouveauté passé, que lui reste-t-il face aux ténors du genre ? Pas grand-chose malheureusement.
P.S. : La mode des jeux de société qui peuvent se jouer en solo commencent à envahir les jeux enfants. J’en avais déjà parlé auparavant, j’en rajoute une couche. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, mais il ne faut pas que le jeu seul devienne la norme. Le jeu de société doit rester un moyen de réunir la famille, les amis autour d’une activité durant laquelle tous puissent prendre du plaisir…
Quand un jeu se retrouve à remporter 2 grands prix ludiques à quelques mois d’écart, et que ces prix sont ce qui se fait de plus « représentatif » ou tout du moins visible, cela apporte forcément un éclairage supplémentaire sur un jeu. La question de savoir si un prix ludique garantit un succès commercial mérite d’être posée, mais ça n’est pas totalement le sujet ici, puisqu’on va s’intéresser au jeu en lui-même (et la réponse est certainement oui).
Même si j’essaie de me tenir au courant de l’actualité ludique avec les réseaux sociaux, mes amis, ma boutique etc., il n’est tout simplement pas possible de jouer à tout. J’achète la plupart de mes jeux (oui, oui, je vous assure) et cela représente un budget qu’il faut maitriser (même si c’est dur, comme pour toute passion ^^). Du coup j’étais passé à côté de Living Forest.
La curiosité ayant pris le dessus, j’ai acheté la boite à ma boutique et j’ai joué à Living Forest, le jeu qui a remporté l’As d’Or et le Spiel 2022. Il est l’œuvre de Aske Christiansen (1er jeu pour cet auteur, pour un coup d’essai c’est un coup de maître), illustré par Apolline Etienne, édité par Ludonaute.
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Histoire de couches
Ce que j’ai retenu après la lecture des règles et ma 1ère partie de Living Forest, c’est que ce jeu emprunte à diverses mécaniques, mais toujours en restant sur la 1ère couche.
Vous aurez une main de cartes que vous pourrez améliorer en achetant des cartes dans la rivière. Deckbuilding.
Vous aurez à jouer des cartes de votre main, et choisir de vous arrêter quand vous le souhaitez afin de ne pas avoir 3 symboles négatifs visibles. Stop-ou-Encore.
Vous aurez à acquérir et placer sur votre plateau principal des tuiles qui vous donneront des ressources. Collection.
Sur le plateau central vous pourrez déplacer votre personnage, et en fonction de l’endroit où vous vous arrêterez, vous récolterez un bonus ou exécuterez une action. Déplacement.
Mais vous n’aurez pas grand-chose de plus concernant ces mécaniques puisque ce jeu s’adresse surtout à un public familial, ou initié comme les prix qu’il a remportés. Si vous ne jouez qu’aux Aventuriers du rail, et à , vous sentirez que ce jeu est tout de même plus complexe et profond que ces derniers. Après ça reste très léger pour du joueur habitué, il faut bien le dire.
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L’incommensurable légèreté
Là où Living Forest reste intéressant, c’est que malgré cette « simplicité » dans les mécaniques proposées, il n’en est pas du tout dénué d’intérêt. Je comprends l’attribution des prix pour un jeu qui coche toutes les cases à destination de ce public. A part le fait de devoir compter presque sans arrêt les ressources dont nous disposons pour ce tour (et cela devient parfois long quand vous avez 10 cartes devant vous, votre plateau individuel avec les icônes sur les tuiles), l’ensemble est léger et c’est bien agréable. Les illustrations et la qualité du matériel participent à cette homogénéité et ce thème bien présents. On se fiche assez vite de savoir que le méchant s’appelle Onirim, et que nous sommes des esprits, etc. Il n’empêche que, visuellement, le jeu dégage une belle atmosphère et le matériel agréable à manipuler et diversifié est un vrai plus, et un beau travail d’édition de Ludonaute.
On touche donc la surface de plusieurs mécaniques de jeu, mais elles sont bien imbriquées entre elles. Acheter une carte va me donner les ressources indiquées sur cette carte quand je la jouerai, il n’y aura pas d’effets de combos dévastateurs ni d’enchainements en boucle. Cependant cette carte va aussi potentiellement vous donner un symbole qui permet d’obtenir la victoire. Il y a 3 façons de l’emporter, et non 1 seule comme c’est généralement le cas pour ce calibre de jeux. Pour avoir les 12 symboles fleurs nécessaires, vous pouvez les avoir sur les cartes jouées, sur les tuiles achetées, et sur votre tuile bonus que vous aurez peut-être volée à un adversaire en déplaçant votre personnage sur le plateau central. Plusieurs choses à surveiller donc.
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Pas non plus exempt de défauts
La lisibilité immédiate des ressources disponibles n’est pas optimale. C’est le double effet kiss cool du point positif qui fait que vous avez plusieurs éléments à prendre en compte dans ce jeu. Les symboles sont présents à plusieurs endroits, vous venez de le lire au paragraphe précédent. Cela devient malheureusement un point négatif à ce moment-là… Contradictoire vous avez dit ?
Disons qu’un compteur permettant de suivre les ressources, ou même (et surtout) de suivre en temps réel les 3 pistes de victoire possibles serait un sacré plus pour la lisibilité, et l’anticipation. Sur BGG, un tel document est disponible en photo, mais cela aurait été appréciable de l’avoir dans la boite de base, tant la tension de fin de partie culmine lorsque l’un ou souvent plusieurs joueurs sont à 2 doigts de l’emporter.
Notons que la boîte est déjà bien fournie en matériel, et que l’absence de tracker était peut-être un souci éditorial ou de fabrication, mais comme je suis joueur et pas éditeur, je dis ce qui aurait bien été utile selon moi.
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Enfin, et c’est ce que j’ai observé sur plusieurs parties, la fin de jeu se déclenche lorsqu’un joueur a atteint 13 sur l’une des 3 pistes de victoire. Le problème est que les autres joueurs vont (normalement) vérifier cela comme le lait sur le feu, et que lorsque l’un des joueurs y est, les autres joueurs auront logiquement la possibilité de l’en empêcher. Je m’explique : les joueurs révèlent leurs cartes simultanément au début du tour. Avant de commencer les actions, on peut déjà faire un état des lieux sur les symboles présents, notamment pour les fleurs sur les cartes. Du coup, il arrive fréquemment que les autres joueurs fassent leur possible pour empêcher le joueur d’obtenir le ou les symboles manquants. Par exemple en éteignant les feux avant lui pour l’empêcher d’avoir les jetons feu si c’est possible. Ou en le dépassant sur le plateau central afin de lui voler le jeton bonus nécessaire.
Cela a eu pour effet de rallonger assez artificiellement les parties je trouve, car cela permettait presque à chaque fois à autre joueur d’atteindre aussi l’une des 3 pistes de victoire, pendant le ou les tours supplémentaires. Du coup la victoire se décide à l’addition des scores des 3 pistes, et cela manque un peu de panache je trouve.
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Un bien beau résultat tout de même
Pourtant ce Living Forest est très agréable et il mélange efficacement plusieurs (1ères couches de) mécaniques bien connues des jeux de société, et qui pourraient donner envie aux joueurs de les découvrir plus en profondeur et plus développées dans d’autres jeux. A part avec cette fin de partie qui s’éternise un peu parfois, le ressenti en jeu est très bon, il y a du rythme et chaque joueur effectue 1 ou 2 actions à son tour, ce qui est suffisant pour ne pas endormir les autres joueurs qui attendent leur tour. Bien sûr, vous pouvez avoir des joueurs très lents dans vos connaissances et à votre table, mais dans Living Forest, cela ne doit pas ralentir le jeu à chaque tour de manière insupportable, sinon changez de joueurs.
C’est suffisamment développé pour ne pas vous laisser uniquement le choix entre A ou B à votre tour, 3 pistes de victoire possibles vous permet de mettre en place une « stratégie » ou tout du moins d’en changer si la partie ne s’oriente pas comme vous le souhaitez. Vous n’êtes pas limité et enfermé dans un cadre que vous pose et impose le jeu, sans pour autant avoir la profondeur d’un jeu dit expert, mais là n’est pas le but et c’est très bien comme cela.
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Enfin, pour être complet, une extension intitulée Kodama pointe le bout de son nez, et est annoncée pour 2023.