Test : Spirit Island

Test : Spirit Island

Tout le monde a connu ça, les doigts gourds, la respiration difficile, l’impression qu’on devient aveugle et sourd, la sensation du cerveau qui coule par les oreilles. Je me rappelle très bien, c’était dans la nuit d’un mercredi 31 octobre avec 2 barbus à la mine patibulaire et trois heures après je m’étais écroulé sur mon lit, vaincu et en pleurs. Oui, la première fois avec Spirit Island est toujours douloureuse. Cela dit, c’est finalement très thématique : nous sommes ici pour passer l’envie à quiconque de venir foutre les pieds sur notre île, on est loin de la promenade de santé une fleur dans les cheveux et une chanson aux lèvres. Il va y avoir des larmes, il va y avoir du sang, et il va y avoir de la peur. Oh oui, il va y avoir de la PEUR.

l

Un esprit vengeur dans un corps en viager

Mais avant d’effrayer le lecteur en parlant portée, éléments, ou encore pouvoirs rapides, lents, majeurs, mineurs et innés, prenons le temps de poser le décor. Spirit Island est tout d’abord un projet Kickstarter lancé en septembre 2015 par Greater Than Games et livré en juillet 2017. Illustré par un ensemble d’artistes, il s’agissait du premier jeu (ou presque) d’Eric R. Reuss et, pour un coup d’essai, ce fut un coup de maitre. Il y a de quoi s’enthousiasmer : coop qui évite le syndrome du joueur alpha, rejouabilité quasi infinie, règles simples mais qui broient le cerveau, propos novateur qui prend le contre-pied de tous ces jeux qui nous invitent à conquérir et à envahir, et soutenu par des mécaniques très thématiques. Il se permet même de rester fun et intéressant quel que soit le nombre de joueurs, même si la durée augmentera forcément en conséquence : plié en 45 minutes en solo, une partie à 4 peut durer jusqu’à trois heures suivant l’expérience des joueurs. Il est indiqué sur la boite que Spirit Island est jouable à partir de 13 ans, et ça me parait effectivement possible, mais à condition de connaitre très bien le jeu et de pouvoir guider Junior tout du long.

Assez logiquement une Version Française est sortie en 2018 par Intrafin, qui ne contenait que le jeu de base (8 esprits, 4 Scénario, 3 adversaires) mais avec plusieurs coquilles dans la traduction, certaines ayant un réel impact sur le jeu. Il faut dire que le puzzle offert par Spirit Island est particulièrement complexe, alors le texte des pouvoirs ou des esprits doit être sans faute si les joueurs veulent espérer s’en sortir. Pourtant, les règles sont paradoxalement assez simples : chaque joueur incarne un esprit endormi avec une présence minimale sur l’île, et qui se réveille suite à l’arrivée d’envahisseurs, bien décidé à nettoyer toute trace des importuns. Et de manière très thématique, une manche va se dérouler ainsi : une phase de croissance des esprits qui traduit leur montée en puissance et leur influence grandissante dans l’île, puis une alternance entre les pouvoirs rapides ou lents des joueurs, et la phase de développement des envahisseurs qui explorent, s’installent et ravagent comme tout bon colon qui se respecte.

l

Ils croient que l’île leur appartient toute entière

Evidemment, cette description très sommaire est un piège grossier. Les joueurs vont tirer la langue lorsqu’il faudra sélectionner une option de croissance parmi trois ou quatre sur leur plateau d’Esprit, ils vont s’arracher les cheveux au moment de choisir et payer les cartes Pouvoirs parmi celles qui composent leur main, et ils seront devenus chauves quand il s’agira de réellement les jouer de la manière la plus efficace possible. La grande difficulté réside principalement dans le déséquilibre initial entre les petits moyens en notre possession et la présence toujours plus importante et solide des envahisseurs sur le plateau. Chaque joueur commence sur l’un des plateaux (un par joueur) qui composent l’ile, qui est donc modulaire et dont la taille est fonction du nombre de joueurs. Sa présence est faible, et il ne pourra initialement intervenir que dans deux ou trois régions (sachant que chaque plateau en compte 8). A l’inverse, les envahisseurs sont déjà bien installés à notre réveil, et vont s’implanter de plus en plus. A chaque manche ils exploreront de nouvelles régions, construiront dans des régions déjà occupées, et surtout ravageront. Ils feront des dégâts dans au moins 2 régions par plateau, et si les dégâts sont trop importants (car non défendus par exemple), la désolation s’étendra sur l’ile, avec une possibilité de réaction en chaine et le risque de rapidement transformer ce petit paradis de nature en caillou désolé. Les joueurs auront encore la possibilité de gagner, mais perdront quelque chose à chaque nouvelle manche (un pouvoir, de la présence sur l’île, etc.), ce qui compliquera forcément la situation. Et si la désolation atteint un nouveau seuil, la partie sera perdue et les envahisseurs auront gagné.

Il est donc facile de se laisser submerger : il se peut que l’île soit désolée au-delà de tout espoir, ou bien qu’un esprit ne soit plus présent sur l’ile, ou encore les envahisseurs soient toujours là au bout des 12 manches. A l’inverse, il n’est pas aisé de gagner, même s’il est possible (et conseillé) de rendre la condition de fin de partie moins contraignante grâce à la mécanique de peur. Au début, c’est simple, il s’agit d’éradiquer tous les envahisseurs, quelle que soit leur taille (Explorateur, Village, Cité). Mais au fur et à mesure que les envahisseurs sont détruits, de la peur est générée (logique), et plus cette peur s’accumule, plus ça déclenche des événements qui nous sont favorables, et plus l’ennemi devient enclin à quitter l’ile. Ainsi, au 3ème niveau de peur, il « suffira » de ne plus avoir de Cité dans l’île pour vaincre. Les approches sont donc variées, et souvent plus ou moins adaptées aux esprits qui présentent des points forts et des points faibles très marqués. L’un sera particulièrement défensif mais ne fera pas énormément de dégâts, l’autre sera extrêmement destructeur mais risquera de participer à la désolation de l’île, un dernier cherchera à générer le plus de peur possible. Tout est possible, et une grande partie de l’intérêt d’une partie réside dans la coopération entre ces différents profils.

l

On va en faire un tapis de poussière

Mais pour arriver à ce plaisir de jeu, la courbe d’apprentissage est rude. Chaque carte pouvoir possède son coût, son texte d’effet, sa vitesse (lent, rapide), son point de départ, sa portée, et ses éléments. Lesdits éléments seront ré-utilisés pendant la manche pour potentiellement déclencher les pouvoirs innés de son esprit, qui sont gratuits, souvent utiles, mais qui nécessitent pour s’activer une liste bien précise d’éléments générés par les pouvoirs payés par le joueur. On a donc une explosion calculatoire : quelle option de croissance choisir ? Que faire progresser sur notre plateau, l’énergie gagnée à chaque manche ou le nombre de pouvoirs jouables ? Quels pouvoirs jouer, combien coutent-ils ? De quelle région s’occuper, quelle région sacrifier ? Quels pouvoirs innés tenter d’activer ? La liste de paramètres à prendre en compte est longue, et cela a l’avantage d’empêcher l’émergence d’un joueur alpha qui dictera quoi faire aux autres. Mais ça va également rebuter certains joueurs, paralyser d’autres, et souvent rendre épuisante la partie de découverte.

Il faut cependant persévérer si cela est possible, parce qu’une fois en haut de la courbe, c’est un plaisir coopératif incomparable avec une montée en puissance assez jouissive. On commence la partie en faisant un pauvre dégât par-ci et en repoussant un explorateur par-là, et on finit en enlevant carrément une partie de l’île. Et plus on monte en puissance, plus on peut faire mal, plus on peut générer de menace, bref plus on prend la mesure de l’adversaire, plus on s’approche de ce qui fait tout le sel du jeu, le moment où l’on maitrise suffisamment son pré carré pour aller proposer son aide ailleurs. Il ne s’agit plus alors d’un jeu solo à plusieurs, où chacun fait sa tambouille dans son coin, mais d’un pur moment coopératif lors duquel un joueur sollicite l’intervention d’un deuxième sur ce marécage pendant qu’il va enlever de la désolation dans une montagne qui menace d’exploser et de détruire la présence d’un troisième concentré lui sur l’obtention d’une nouvelle carte Peur. Réellement, je souhaite à tout le monde de vivre ce genre d’instant-bulle où le fameux état de Flow n’est plus individuel mais partagé, la sensation est incroyable. On apprend également à s’accommoder du rythme très particulier du jeu : instinctivement, les joueurs voudront jouer vite, avant l’envahisseur, pour défendre, détruire, bloquer la construction. Mais les pouvoirs lents, qui interviennent après la phase ennemie, sont tout aussi puissants, voire plus, parce qu’ils s’activent en regard d’une situation arrêtée, débarrassée de tout aléatoire.

l

La peur est le chemin vers une victoire bien méritée

C’est là d’ailleurs l’une des deux grandes frustrations de Spirit Island : après des minutes de calcul intense pour gérer les différentes priorités, une dose plus ou moins grande de hasard intervient. A chaque fois qu’un sous-palier de peur est atteint, une carte Peur est gagnée mais ne se révèle qu’au dernier moment, avec des conséquences certes positives dans l’absolu, mais qui peuvent rendre inutile le plan des joueurs ou carrément le contrecarrer. Et c’est encore pire avec les Evénements introduits par l’extension De Branches et De Griffes. A l’inverse des cartes Peur, ces nouveaux événements constituent un module optionnel mais se déclenchent à chaque manche si on choisit de les jouer, et ont également un volet négatif qui peut sérieusement mettre à mal les plans les plus réfléchis. Il reste aux joueurs de l’accepter ou de hurler de rage quand ils apprennent que les envahisseurs feront un dégât de plus pendant cette manche, ruinant du coup plusieurs régions mal défendues.

L’autre frustration, c’est celle d’Obélix, les bras ballants et tout triste de voir que les pirates ont déjà fui ou sombré sous les coups d’Astérix. Après une heure à suer pour protéger ce désert ou cette forêt, il est temps de prendre une revanche éclatante et de faire descendre votre courroux immémorial sur les imprudents qui ont osé poser l’orteil sur votre plage. Ah, sauf que Jean-Jacques vient de jouer le pouvoir qui lui permet de transformer une Cité en Village et hop c’est terminé, belle victoire. Mais ! Et mon courroux immémorial !? Donc oui, il arrive parfois que la partie se termine exactement au moment où les joueurs ont enfin chacun la possibilité de faire tellement de dégâts que les envahisseurs hésiteront à sortir de leur sachet Zip lors de la prochaine mise en place.

l

Poigne Vorace de l’Océan cherche Crocs Acérés Tapis Sous Les Feuilles pour grand nettoyage de printemps

Mais le voyage aura été tellement satisfaisant entre temps ! Et si différent du précédent. En effet, si la rejouabilité du mode de base ne vous satisfait plus, il y a toujours la possibilité d’introduire les scénarios, avec des mises en place de départ différentes et des conditions de victoire (ou de défaite) modifiées, ou encore des adversaires qui apportent leurs petites règles supplémentaires et jusqu’à 6 niveaux de difficulté chacun. On y vient d’ailleurs plutôt naturellement, parce qu’après quelques parties, le mode de base n’est plus si effrayant. Si cela ne suffit toujours pas, la 1ère extension De Branches et De Griffes (inclue lors de la campagne Kickstarter) introduit donc les cartes Evènements, mais aussi de nouveaux jetons et des Esprits et des pouvoirs les exploitant, de nouveaux scénarios et de nouveaux adversaires. Vient ensuite la 2ème et énorme extension Terre Fracturée, qui ne nécessite pas la 1ère pour être jouée, monte le nombre de joueurs à 6, propose des versions alternatives des pouvoirs innés, ajoute des Esprits, des adversaires, des pouvoirs, des Evénements, des cartes Peur, des Eléments permanents, n’en jetez plus, mais si j’insiste, y en a beaucoup plus, je vous le mets quand même. Les deux extensions ont elles aussi été traduites par Intrafin, qui a par ailleurs sorti une 2ème puis 3ème édition du jeu de base pour corriger toutes les coquilles précédemment mentionnées. Enfin, une 3ème extension Nature Incarnate a d’ores et déjà été annoncée et fera l’objet d’une campagne de financement participatif le 18 octobre. Nul doute qu’Intrafin localisera cette extension également. Et on attend toujours plus d’informations sur la mystérieuse extension centrée sur les Dahans, autochtones présents sur l’île et victimes collatérales de notre combat contre les vils colons …

l

Entends-tu chanter les esprits de la montagne ?

Pas étonnant donc qu’un tel jeu soit si bien noté, en solo ou à plusieurs, et qu’il ait rejoint en seulement quelques années un club très fermé de classiques. C’est un jeu unique, avec une vraie proposition de jeu coopératif, un défi relevé, sans oublier son thème original et particulièrement bien exploité. Il suffit pour s’en convaincre de lire les différents Designer Diaries de l’auteur, ou ses passionnantes interventions sur les forums de BoardGameGeek, notamment sa réflexion autour des Dahans, dont la survie n’est en rien une condition de victoire, mais que les joueurs auront naturellement tendance à vouloir protéger. L’esthétique souvent réussie des cartes et des plateaux, les différents tokens et figurines viennent d’ailleurs brillamment illustrer l’idée qui a mené à Spirit Island et finissent de le différencier. Mais c’est aussi un jeu ardu, parfois injuste, et qui nécessite calcul, vue d’ensemble et gestion des priorités. Il serait dommage cependant de rester à l’entrée du grand 8 et de ne pas oser monter dans le wagon. Parce que finalement, un bon guide et l’envie de se faire un peu mal aux neurones sont souvent suffisants pour faire le premier pas et découvrir ce qui se fait de mieux en matière de jeu coopératif. Rien que ça.

l

Disponible ici :

Prix constaté : 79.95€

Test : Complices

Test : Complices

L’avis de Romain B. :

l

Un jeu d’ambiance pour 2, ça n’existe pas. Alors, chez Old Chap Games, ils ont travaillé le sujet et ils nous proposent Complices ! 

Le jeu d’Antonin Boccara (Par Odin, Fiesta de Los Muertos …), Jules Messaud (Akropolis) et Arthur Anguilla est donc un jeu pour 2 joueurs où il va y avoir de la rigolade, des engueulades et pas mal d’incompréhensions mais le tout dans la bonne humeur ! 

Le principe de complices est simple : vous êtes une équipe de voleurs et allez enchainer les casses pour accumuler des richesses dans le but d’atteindre la gloire ! 

Pour cela, chaque joueur dispose de super lunettes lui permettant de voir 50% des lasers du lieu. Un joueur voit les bleus, l’autre les rouges. 

A vous de vous entendre pour réussir ! Un joueur trace le parcours de la fine équipe sur le plateau à l’aide d’un crayon effaçable et bien entendu le tout en temps réel avec le stress du sablier (ou de la musique d’ambiance).  

Complices est un vrai jeu d’ambiance à deux. C’est assez dingue mais n’avoir que 50% des infos et devoir communiquer en permanence rend le jeu vivant et on s’y croit !  

Mention spéciale pour les joueurs alpha : ces gros relous qui veulent tout maîtriser dans les jeux coopératifs, tout diriger, être le leader quoi. Avec Complices, pas d’alpha ! On ne peut pas tout diriger sans connaître toutes les infos.  

l

Si vous êtes plus de deux, si votre famille ou des amis ne sont pas très jeux, je vous conseille de jouer une manche en les laissant regarder. Effet « Hey je veux essayer ! » garanti ! Complices est aussi marrant pour les joueurs que pour ceux qui regardent autour. 

Bien évidemment, il est accessible par les plus jeunes ! Une fois droite et gauche connues, c’est parti. Si jamais vous jouez avec des enfants, vous pouvez mettre le sablier de côté pour les premières parties, le temps qu’ils comprennent bien les principes et le gameplay. 

Pour les joueurs plus aguerris, les anciens du gaz, pas de souci non plus puisque les premiers niveaux sont accessibles, mais ensuite l’affaire se corse, et si vous recherchez du défi, vous allez en trouver ! 

La rejouabilité est aussi au rendez-vous. Retenir l’emplacement de chaque laser est déjà bien compliqué, mais quand ces derniers sont courbés, vous pouvez abandonner l’idée de vous rappeler de tout. 

Complices c’est un super jeu. De ces jeux innovants, que l’on peut jouer avec n’importe qui quel que soit l’âge ou le niveau. Le genre de jeu qui reste dans une ludothèque. 

Alors, à vous les missions impossibles, les casses à la Hudson Hawk (Il est pas tout jeune celui-là.), ou de Haute Voltige ! Avec Complices, communiquez, engueulez-vous et surtout n’oubliez pas de rigoler. 

l

L’avis de Dirgaw :

l

Vous avez toujours rêvé de virevolter pour esquiver les lasers tel Francois Toulour/Vincent Cassel dans Ocean’s 12 ? Malheureusement, vos lombaires vous font souffrir le martyr dès que vous portez un peu trop lourd ! Rangez votre Voltarène, armez- vous simplement d’un complice, le jeu éponyme est un jeu pour vous !


Ce jeu familial est très divertissant. Basé sur un concept fort, avec une bonne rejouabilité, il saura régaler les amateurs de larcins en duo organisé. La difficulté des missions est très largement crescendo, voire très compliquée à optimiser (au point de presque de parfois décourager les moins acharnés d’entre nous). Si les missions du manoir sembleront accessibles – quoique parfois périlleuses lorsqu’on est sous le joug d’une carte police -, celles du casino, du musée, ou de la station lunaire seront… Beaucoup plus ardues !


Si les illustrations sont d’excellente facture, on déplore cependant la finesse de certains traits qui, une fois les lunettes bleues revêtues, deviennent illisibles (pas pratique pour donner des indications au joueur qui porte les lunettes à filtre rouge). Puisque montrer la direction où aller est interdite, peut-être aurait-il été intéressant d’y ajouter des mentions des points cardinaux ? On peine d’ailleurs aussi à voir précisément l’état du sablier avec ces lunettes bleues. De manière générale, le contraste  des lignes bleues ou rouges aurait pu être un poil plus poussé.


Côté atout, une bande-son a été créée pour davantage d’immersion. Du reste efficace, on aurait apprécié une notification qui indique qu’il nous reste peu de temps (par une accélération du rythme, un son spécifique, par exemple…)
Quoi qu’il en soit, ce jeu reste tout de même surprenant et vaut clairement le détour. Trouvez-vous vite un complice du vice, et à vous les pièces de monnaie ! Gare aux lasers !

La bande son pour s’immerger un peu plus dans le jeu est disponible sur le site de l’éditeur

l

Disponible ici :

Prix constaté : 26,90 €

Test : Gorynich

Test : Gorynich

Jusqu’au bout j’y aurai cru. Avant même de le recevoir, j’étais plutôt saucé, j’avais beaucoup aimé l’une des précédentes productions de l’éditeur, un petit jeu de course et d’adresse pour enfants très sympa du nom de Roulapik. Ensuite, le pitch me plaisait bien. Incarner l’une des têtes d’un dragon pluricéphale issu du folklore russe pour aller cramer du chevalier me paraissait plutôt cool et original comme proposition ludique. Même enthousiasme à la lecture des règles. Ce mélange de tower defense et de programmation coopératifs me semblait fun sur le papier.

Malheureusement, une fois le carton sorti, ça n’a pas beaucoup rigolé autour de la table.

Gorynich est un conte de fée pour 3 à 7 têtes de dragons âgées de 8 ans ou + pour une durée de 15 à 20 minutes au coin du feu.

Cette histoire nous est contée par Arthur Viennot, illustrée par Sebastien Leboeuf, Sergey Kardakov et Victoria Volina-Lukian aux éditions Lifestyle Boardgames Ltd. Elle est arrivée jusqu’à nous grâce aux bons soins de Blackrock games.

l

Tout feu, tout flamme

Le but du jeu : protéger la princesse venue en villégiature dans notre beau château afin de s’éloigner des vilains chevaliers qui ne font rien que la harceler (#balancetonnoble). Au début du tour, le premier joueur indique le chevalier dont il faudra chatouiller les miches au lance-flamme (seule communication autorisée du jeu) et ensuite chacun choisit secrètement une direction.

Le premier souci se révèle dès cette étape. Imaginons que le chevalier à abattre se trouve en bas à droite de notre position. Comment savoir quand on passe en deuxième si le premier joueur est parti à droite ou vers le bas ? Maintenant, s’il faut pour le rejoindre deux mouvements vers la droite et un vers le bas, comment le troisième joueur va-t-il savoir si les joueurs précédents ont fait : droite-droite ou bas-droite ? Tout ça est très vite soumis au hasard. Et pas un hasard rigolo comme dans certains jeux d’ambiance. D’autant que le jeu est calibré pour ne pas nous laisser le droit à l’erreur. En gros, on a la possibilité de passer un tour sans faire du méchoui de nobliau. Au-delà, on sait déjà que la partie est perdue.

l

Comme un dragon sans ailes

Malheureusement, les pouvoirs spéciaux proposés par le jeu ne nous offrent pas tellement de répit puisqu’ils sont systématiquement assortis d’un bonus pour nos assaillants. Ce sont des épées à double tranchant qu’il va falloir utiliser avec parcimonie, bien qu’elles soient souvent indispensables pour gagner. Si ça aurait pu être sympa comme proposition, dans les faits ça vient surtout alourdir un jeu qui aurait justement eu tout intérêt à nous laisser un peu plus respirer.

Celui qui avait réussi à rendre la programmation fun dans un jeu de ce format, c’est Roberto Fraga avec son River Dragon (Dragons et programmation, apparemment ça va de pair.). Mais c’était un jeu compétitif. Tout le sel du jeu était d’essayer de deviner les intentions des autres joueurs et si on se trompait, plouf, nous et notre plan, on tombait à l’eau ! Là, il n’y a pas ce côté fun. Parce que se planter c’est s’assurer de se faire pourrir par le reste de l’équipe, prendre du retard sur le génocide de sang-bleu et également risquer de nous envoyer dans le décor. Parce que, oui, je ne vous l’ai pas encore dit mais en bon coopératif retors, le jeu a prévu d’autres manières de perdre. Si, par erreur, on sort du plateau ou on crame notre château, c’est game over.

Dernière déconvenue, s’il en fallait une. A certains tours, le jeu prévoit que le dragon se déplace de -1. Cela signifie que si je programme qu’il aille à gauche, il ira au contraire d’une case vers la droite. Pendant mes parties, j’ai joué avec un enfant de 8-9 ans… Qui a à peine survolé la notion de nombre négatif à l’école et n’était donc pas du tout familier du concept.

l

Je n’ai pas trouvé le sourire du dragon

Gorynich part de bonnes idées mais se révèle trop punitif pour son propre bien. ll aurait pu être un petit jeu de programmation sympa à sortir en famille mais sa difficulté mal dosée basée sur des décisions parfois arbitraires le rend finalement pénible à jouer. Dommage.

l

l

Disponible ici :

Prix constaté : 20€

Test : World of Warcraft – Wrath of the Lich King

Test : World of Warcraft – Wrath of the Lich King

Parfois on est étonné des cross-overs pas toujours logiques, et parfois on se dit que ce n’est pas trop mal trouvé. Et d’autres fois, ça n’enthousiasme pas vraiment…

On se retrouve ici avec d’un côté une licence de jeux présente dans le paysage ludique depuis plus d’une dizaine d’années, qui a vu de nombreux opus se succéder, certains avec du legacy, du temps réel, une rethématisation, etc … j’ai nommé Pandémic.

De l’autre, une licence jeu vidéo qui a marqué l’Histoire avec des jeux au début solo (Warcraft) puis massivement multijoueur avec WoW. Il y a un avant et un après WoW dans le jeu vidéo. La licence s’est même portée au cinéma. A noter que World of Warcraft avait déjà fait une incursion dans le jds avec WoW le jeu de plateau.

Le jeu qui nous intéresse aujourd’hui est l’œuvre de Alexandar Ortloff, Justin Kemppainen, Michael Sanfilippo, illustré par Atha Kanaani. Il est édité par Z-Man Games, et distribué par Asmodée.

Il est prévu pour 1 à 5 joueurs, à partir de 14 ans et pour une durée comprise entre 30 minutes et 1 heure.

l

A quoi ça ressemble ?

l

l

Si vous connaissez déjà les jeux Pandemic, vous ne serez pas surpris dans cet opus.

Si vous n’y avez pas joué, je vais vous décrire rapidement ce qui vous attend. Pandemic utilise une mécanique de coopération entre les joueurs afin de circonscrire une infection et la propagation du virus. Vous devrez intervenir dans les différents lieux du plateau, chaque joueur utilisant au mieux ses propres compétences, afin de stopper la propagation. Dans cet opus, c’est l’emprise du roi Liche qu’il faudra combattre, et survivre aux hordes d’ennemis qui ne manqueront pas d’apparaitre partout sur la carte, avant d’aller affronter le roi lui-même.

Comme tout jeu coopératif, il est grandement soumis aux joueurs autour de la table, et le fameux joueur alpha peut vous gâcher l’expérience de jeu. Mais si, vous savez, ce joueur qui sait tout mieux que tout le monde et qui veut tout contrôler. Avec lui dans votre équipe, vous êtes sûr de n’être que spectateur de la partie, et vous n’aurez qu’à exécuter ce qu’il vous dit.

Par exemple, et pour respecter son anonymat, nous allons le renommer Romain B. ^^

« Non mais attends, là il faut aller à cet endroit en premier et tuer tous les ennemis, sinon on se fera déborder. En + tu peux utiliser ta compétence d’attaque, et si tu te prends trop de blessures je ne serai pas loin pour t’aider, t’inquiète. Si tu ne fais pas ça, c’est sûr on va perdre la partie. »

Il ne s’agit bien sûr que d’une fiction et tout n’est purement que fiction dans cet exemple 😉

World of WarCat

l

Pour en revenir au jeu, vous devrez donc réaliser 3 quêtes dans 3 zones différentes avant de pouvoir aller défier le roi Liche. Déplacez-vous, buttez les monstres, lancez les dés pour avancer dans la quête, soignez-vous, et… recommencez.

Pandémic m’a toujours semblé bien trop mécanique pour être palpitant, et je décroche très souvent à la moitié de la partie. Cet opus ne déroge pas à la règle, même si le thème est bien retranscrit, et utiliser les différents héros pour se promener dans l’univers de WoW est très plaisant.

Evidemment il faudra lutter contre ce fléau qui progresse et se renforce à chaque tour, vous aurez la pression qui s’accumule au fur et à mesure des tours, et si vous vous laissez déborder, vous le paierez cher assez vite. Mais une bonne organisation (et de la chance puisque vous lancerez souvent les dés), vous permettra de juguler cette épidémie et d’arriver à vos fins.

Encore une fois, vous vous déplacerez sur un nouveau foyer où sont apparus les ennemis, vous leur mettrez la misère, et vous repartirez ailleurs. Vous gérez vos points de vie avec des actions de récupération, vous avez quelques cartes en main qui vous aideront à vous déplacer/soigner/attaquer/progresser dans les quêtes.

l

Extrêmement mécanique je disais. Pas grand-chose de plus.

Mais ça fonctionne ! Avec ce genre de licence, il est rare de voir un produit sortir qui dénaturerait totalement l’œuvre. Le cahier des charges et les différentes étapes de validation des ayants-droits doivent être tellement lourds que j’imagine aisément le casse-tête que représente la conception du jeu. Mais c’est un mal pour un bien, puisque dans le cas de ce jeu, l’univers est respecté, le matériel qualitatif, les illustrations, le plateau, la boite et les éléments du jeu vous immergeront dans WoW et rappelleront des souvenirs à certains.

On a donc un savant mélange entre un jeu coopératif multi-primé et mis à toutes les sauces, et un univers médiéval fantastique qui ravivera la nostalgie de certains. Tout cela pour un jeu familial efficace bien édité. N’en attendez pas +, mais ce fan service fera son boulot et c’est déjà pas mal.

En témoigne le commentaire sur une des photos publiées sur notre Facebook et que je reprends tel quel puisqu’il résume bien ce que vous pouvez en attendre : « Testé ici aussi. C’est pas mal. Ça me permet de faire de la coop avec ma fille de 7 ans. ». Un jeu sympa à partager en famille, entre amis, qui ne réinvente pas la roue et qui fait surtout du fan-service, mais la démarche est de qualité. Si vous ne connaissez pas Pandemic et que ce système vous intéresse, et que vous avez passé des nuits sur Wow, ce jeu mérite votre attention. Pour les autres, bah vous savez maintenant à quoi vous en tenir !

l

Nous faisons partie du programme d’affiliation mis en place par Philibert sur leur site. Cela signifie que si un jeu que nous avons chroniqué vous plaît, et que vous l’achetez en cliquant sur le lien Philibert que nous proposons en bas de chaque article, nous percevrons une modeste contribution nous permettant de nous acheter d’autres jeux, pour pouvoir les chroniquer et vous donner notre avis. C’est une forme de soutien, et nous vous en remercions par avance! C’est grâce à vous que nous pouvons continuer à abreuver ce modeste blog avec toujours + de contenu.

l

Disponible ici :

Prix constaté : 55€

Interview – Test : Nouvelles ContRées

Interview – Test : Nouvelles ContRées

Un jeu qui demande de vous munir d’un livre, de n’importe quel livre, ce n’est pas banal !

Nouvelles Contrées est un jeu onirique et original qui va vous faire utiliser vos oreilles et votre imagination avec une simplicité et une finesse rarement vues.

Avant de nous intéresser à ce jeu magnifique, je vous propose de découvrir des livres étranges et particuliers. Je vous souhaite une agréable ballade à travers ces ouvrages si singuliers et énigmatiques.

l

La disparition

Prouesse pour les uns, coup de frime stérile pour les autres, La disparition de Georges Perec est un roman fou entre polar métaphysique et expérience surréaliste où les mots délestés de la lettre « e » sont expropriés de leur sens.

Membre de l’Oulipo, Georges Perec considérait que les contraintes formelles sont un puissant stimulant pour l’imagination. Il a donc choisi dans ce roman l’utilisation du lipogramme pour écrire une œuvre originale, dans laquelle la forme est fortement liée au fond. En effet, la disparition de cette lettre e est au cœur du roman, dans son intrigue-même ainsi que dans son interrogation métaphysique, à travers la disparition du personnage principal, au nom lui-même évocateur : Anton Voyl.

Le lecteur suit les péripéties des amis d’Anton qui sont à sa recherche, dans une trame proche de celle du roman policier.

l

Marelle

C’est en adepte des délires dadaïstes et surréalistes que le romancier franco-argentin Julio Cortázar a écrit Marelle, un roman bien connu pour pouvoir être lu dans l’ordre ou dans le désordre. Dans ce conte truffé de digressions jubilatoires où l’on passe du rire aux larmes comme de Buenos Aires à Paris, plane incontestablement l’ombre inquiétante de la junte militaire argentine à laquelle Cortázar s’opposait avec force.

Marelle a inspiré le groupe de musique franco-argentin Gotan Project pour son titre Rayuela, extrait de son 3ème album studio Tango 3.0 sorti en 2010. Exilé dans le 10ème arrondissement de Paris, l’écrivain argentin habitait rue Martel, là même où le groupe est né.

Certains théoriciens et programmeurs de jeux comme Greg Costikyan, estiment que Marelle (Hopscotch ; traduction anglaise de 1966) et Un Conte à votre façon de Raymond Queneau sont les précurseurs des livres-jeux.

l

Festin nu

Le livre a été composé entre 1954 et 1957 par Burroughs, qui résidait alors à Tanger, au Maroc. Écrit largement sous l’influence de drogues hallucinogènes, d’héroïne et de cocaïne, la première mouture du Festin nu se présente sous la forme de notes éparses informes et obscènes, réarrangées parfois par la technique du cut-up (reformulation physique des chapitres après les avoir découpés, mélangés, et recollés ; dans une procédure inédite que l’on peut apparenter aux transes créatrices des surréalistes). Burroughs mêle drogue, politique, homosexualité, hallucinations, délire paranoïaque dans une danse de mots et de verbigérations déchaînés et puissants, cette forme délirante se voyant scandée par une sorte de satire sociale nébuleuse directement issue des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift.

Le manuscrit composé d’un assemblage de pages sous le titre « Interzone » est d’abord lu à Tanger par Ginsberg et Kerouac. Mais c’est seulement en 1959, au n° 9 de la rue Gît-le-Cœur au « Beat Hotel » que Burroughs, Ginsberg et Kerouac assembleront et remanieront le texte sans en altérer la substance. L’éditeur Maurice Girodias juge en effet la prose de Burroughs « éblouissante » mais exige que le texte soit sérieusement remanié afin de le rendre publiable. C’est d’ailleurs J. Kerouac qui donnera le titre définitif « The Naked Lunch » à cet ouvrage. D’abord publié en France par Olympia Press, le Festin nu touche l’Amérique en 1962. Il y est très rapidement interdit pour près de 10 ans, tombant sous les lois sur l’obscénité (qui concernèrent aussi Henry Miller et son Tropique du Cancer) dans un procès qui, lorsque ses attendus furent cassés, servit la cause de la lutte contre la censure aux États-Unis.

l

Le Codex seraphinianus

Reconnu comme un des plus étranges et des plus beaux livres jamais écrits depuis sa publication en 1981, le Codex seraphinianus est une encyclopédie fantastique qui comporte environ 360 pages. Elle fut conçue dans les années 1970 par l’artiste italien Luigi Serafini.

À travers ces pages, l’artiste dépeint un monde surréaliste au moyen d’une écriture qu’il a inventée et demeure indéchiffrée jusqu’à aujourd’hui. C’est peut-être l’un des éléments les plus perturbants de ce livre.

La langue inventée par l’artiste semble être parfaitement codée. Seulement, les mathématiciens, philosophes et linguistes qui se sont penchés sur cette écriture n’ont jamais réussi à la déchiffrer… Ces pages sont remplies d’illustrations déroutantes et énigmatiques. Mais l’artiste a tout de même laissé un indice, ou plutôt un mystère de plus, au milieu du Codex Seraphinianus- L’indice laissé par l’artiste est une citation de Marcel Proust écrite en français : « Fille orgiaque surgie et devinée, le premier jour sur la digue de Balbec »

« Ce livre vous donne un sentiment d’analphabétisme qui, à son tour, encourage l’imagination, un peu comme les enfants qui se plaisent à imaginer une histoire en tenant un livre à l’envers », disait Luigi Serafini. Source : Luigi Serafini, Quand un génie du crime trafique des faux manuscrits antiques.

l

Le Livre de Soyga

Le 10 mars 1552, le mathématicien John Dee a eu une conversation avec un ange. En tant que fervent partisan de la science et de l’occultisme, la vie de Dee se situait à cheval entre la réalité et le monde des esprits. Il avait déjà amassé la plus grande bibliothèque de Londres, mais c’était l’anonyme Livre de Soyga auquel il a consacré sa plus grande attention.

Le livre était une énigme – plus de 40 000 lettres recouvraient ses pages, mais elles étaient arrangées de manière aléatoire, sans aucun sens. Alors que Dee travaillait sans relâche pour traduire le code, il réalisa lentement que le Soyga était une liste détaillée d’incantations magiques. Le plus grand mystère de tous était contenu dans les 36 dernières pages. Chaque page était consacrée à un tableau de lettres – un code que Dee n’a jamais réussi à déchiffrer. Il a donc décidé d’aller au-delà de notre monde pour obtenir une réponse.

Lors d’un voyage en Europe continentale, Dee a fait appel à un médium spirituel pour convoquer l’archange Uriel. Dee a ouvert la conversation en demandant si le livre voulait dire quelque chose. Uriel a répondu que le Livre de Soyga avait été donné à Adam dans le jardin d’Eden. Lorsque Dee a demandé de l’aide pour la traduction des tableaux, Uriel a répondu qu’il ne disposait pas de l’autorisation nécessaire. Seul l’archange Michel connaissait le secret.

Dee n’a jamais réussi à atteindre Michael et, après sa mort, le livre a été perdu pendant près de 500 ans. Il existe maintenant deux copies connues du Livre de Soyga : un à la British Library et un à la Bodleian Library d’Oxford. Le code n’est toujours pas résolu.

l

L’histoire des filles Vivian

Pendant tout le temps où Henry Darger travaillait comme concierge au centre-ville de Chicago, personne ne savait qu’il était en train d’écrire secrètement l’un des livres d’histoires les plus étranges et les plus complexes de tous les temps. À sa mort en 1973, le propriétaire de Darger découvrit un manuscrit de 15 000 pages intitulé L’histoire des filles Vivian, dans ce qu’on appelle les royaumes de l’irréel, de la tempête de guerre glando-angélinienne, causée par la rébellion des esclaves enfants.

Le livre était immense, une épopée tentaculaire composée de plus de neuf millions de mots et de plus de 300 illustrations à l’aquarelle, dont la plupart ont été créées en juxtaposant des images de magazines et de journaux et en les retraçant. Certaines des illustrations finales ont été disposées sur d’énormes feuilles de papier d’une largeur supérieure à 3 mètres. Personne ne sait vraiment combien de temps Darger a travaillé sur le livre, même si on pense que cela fait des décennies. Il a vécu dans le même appartement d’une pièce à l’étroit pendant plus de 40 ans et il n’a jamais raconté le rêve de sa vie à qui que ce soit.

l

Cours de danse pour les plus avancés

Cours de danse pour les plus avancés est un roman tchèque écrit en 1964 par Bohumil Hrabal. C’est l’histoire d’un vieil homme qui marche jusqu’à six femmes prenant un bain de soleil au milieu d’une ville et commence juste à parler de choses qui lui sont arrivées dans sa vie. Cela ressemble à un réglage moyen pour toute œuvre littéraire normale, à une exception près : le livre entier ne contient qu’une phrase. Et nous ne parlons pas d’une phrase « À vendre : des chaussures pour bébés, jamais portées » de Hemingway. Le livre de Hrabal comprend 128 pages, ce qui le rend un peu plus court que Gatsby le magnifique.

Hrabal était connu pour utiliser de longues phrases dans ses romans, un style qui lui permettait de combiner un sentiment de tristesse et de comédie dans un seul événement. Il est considéré comme l’un des plus grands auteurs tchèques de l’Histoire. Cours de danse a été défini comme « le meilleur livre que vous n’avez jamais lu ».

l

l

Après avoir refermé cette bibliothèque de l’étrange, découvrons maintenant le jeu Nouvelles ContRées .

Nouvelles ContRées est un jeu créé par Germain Winzenschtark (Unlock Exotic Adventures), illustré par Jeanne Landart (Cartaventura, Montmartre), édité par Olibrius Editions.

Un jeu à partir de 10 ans, pour 2 à 6 joueurs, pour un voyage de 30 à 60 min.

l

Pour explorer les pages et les mots utilisés par Nouvelles ContRées, je vous présente nos invités : Germain, Jeanne et Olibrius. Et pour pimenter cette rencontre nous allons utiliser certains éléments du jeu pour nous conduire jusqu’à la Cité Perdue : Les Missions !

l

  • Bonjour, en utilisant au moins 2 verbes différents précédés d’une apostrophe, pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous dans la vie ? Parlez-nous de votre « CV ludique », et de vos passions en dehors du jeu ?

Olibrius : Et voilà deux olibrius qui passent leur temps à s’échiner à éditer des jeux.
L’un, David, a l’incroyable caractéristique d’être un ‘créactif’ et d’avoir effectué par le passé de nombreux métiers au sein du monde du jeu (animateur et ludicaire notamment) et de s’être épris de trop nombreuses passions comme la photographie, le théâtre, l’improvisation, l’écriture et quelques autres. L’autre, Thibaut, a un passé de dessinateur industriel avant d’avoir plongé dans le monde du jeu en étant pendant plusieurs années Responsable de l’événementiel chez Blam Editions. L’escalade fait partie des loisirs de ces années de confinement.

Jeanne : Salut, moi c’est Jeanne, illustratrice en freelance depuis maintenant 4 ans.

J’ai étudié à Lyon pour un diplôme de dessinatrice praticienne, c’est à dire que je suis formée aux divers domaines de l’image fie et animée. Concernant mon CV ludique, le premier jeu de société que j’ai illustré était pour Blam Editions, ça m’a permis de m’installer dans ce domaine que j’ai trouvé plutôt sympa et accueillant. C’est après mon premier salon de Cannes qu’Olibrius m’a contactée pour faire un essai sur Nouvelles Contrées. En dehors du dessin, j’adore faire de petites sculptures, souvent je prends en référence des dessins que j’ai particulièrement aimé pour leur donner une nouvelle dimension ou bien tout simplement refaire des personnages de film/jeu vidéo qui m’ont marquée.

Germain : S’extirper d’une question pareille ne s’avère jamais chose aisée, car si j’escompte être exhaustif, nous en avons pour une heure. La meilleure réponse est d’avouer que je m’escrime à être un créatif, touchant à des mediums très divers (vidéo, texte, peinture, photo, dessin, arts de la scène, et bien sûr jeux de société), incapable de m’intégrer dans des métiers ou rythmes de vie plus stables. L’on m’a surtout vu œuvrer cinq ans durant chez Tric Trac, par devant et derrière la caméra, par textes, images et autres trucs fumeux comme la gestion du rythme des mises en avant de la Une et de la page Facebook, ou la création de visuels claqués pour les articles.

l

  • Olibrius Games est une « jeune » maison d’édition de jeux de société, et en utilisant une réplique de personnage de film,  pouvez-vous nous la présenter ? Avez-vous une ligne éditoriale particulière ?

Olibrius : Olibrius est effectivement toute jeune puisque notre premier jeu est justement Nouvelles ContRées ! Olirbius est née de l’idée de proposer des jeux réellement innovants à chaque fois, c’est à dire suffisamment originaux pour qu’ils ne soient pas la déclinaison d’un autre ou n’utilisent pas de mécanismes déjà bien éprouvés.

« La vie c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. »Forest Gump

Alors, voilà, à chaque nouveauté que va proposer Olibrius, on arrivera avec une réelle proposition ludique, innovante, mais bien que nous y ayons mis tout notre cœur, ce sera comme un chocolat, on ne sait pas quel goût ça aura ! Et Nouvelles ContRées semble avoir bon goût…

l

  • Nouvelles ContRées est un jeu mêlant communication, écoute et originalité, ce qui, je crois savoir, sont des éléments importants pour vous. Comment est née cette idée de jeu ? (En utilisant au moins deux mots avec le son [oi].)

Germain : C’est toujours bizarre de chercher à remonter au foyer d’une idée. Je sais que j’entrevois des éléments qui tournent dans ma tête, et j’attends qu’au moins trois d’entre eux, sans liens apparents, se rencontrent, pour les exploiter afin de former un projet. Clairement, l’idée « y’a pas de jeux avec des marque-pages » est un point de départ de cette histoire. De là, a découlé toute une réflexion sur ce qu’est cet objet, ce qu’il représente, permet, sert à quoi… et comment transposer ça en jeu.

Il y a Dungeon Fighter, un jeu de cœur, pour l’aspect « action simple et répétée qui se déforme par le biais de contraintes foireuses et marrantes » qui entre en jeu, et en collision avec un travail d’art graphique sur les « mots sauvages » que je mène depuis longtemps.

En ça, Nouvelles ContRées s’assoit dans cette suite logique d’inscrire mes travaux dans les jeux surréalistes et l’Oulipo. Et puis, à un moment, tout ce bazar a trouvé un terreau où croître : le dix-neuvième siècle, une période riche, aussi révoltante qu’innovante, multiple et abracadabrante, et qui me fascine.

Sans que je puisse bien dire pourquoi, tout ça a fini par s’assembler logiquement, et s’est mêlé à un mantra : si je crée quelque chose, surtout si on va couper des arbres pour, il faut que ça se démarque, que je considère que ce truc a un « intérêt à exister ».

L’aspect communication, toutefois, c’est vachement plus flou. Je vois que c’est régulier et protéiforme dans mon travail, mais je ne sais pas d’où ça vient. Par exemple, j’aime l’idée de créer des fictions avec des personnages dégoisant dans différentes langues. Ils semblent tous se comprendre sans utiliser de moyens de traduction. Pour autant, ils triment à échanger vraiment, sur leurs émotions, leur moi intérieur. Ils sont à la fois hyper doués et hyper nuls en communication. Je trouve ça très drôle à faire, mais je ne sais absolument pas ce que je peux bien vouloir signifier par-là, haha !

l

  • On remarque de plus en plus dans le jeu de société moderne l’envie des éditeurs de placer les thématiques, à l’aide des illustrations, au cœur de l’expérience ludique. Ici les illustrations sont au cœur du jeu, comment s’est passé cette aventure pour vous ? (Avec 2 mots différents qui finissent par le son [i])

Jeanne : Pour Nouvelles Contrées, c’est vrai que les illustrations sont très importantes et doivent remplacer les mots et même des champs lexicaux entiers. Je ne cache pas que ça a été compliqué et que ça nous a tous retourné le cerveau à des moments. C’était aussi beaucoup de pression pour être à la hauteur et habiller les merveilleuses idées du jeu. Je ne l’ai d’ailleurs pas vraiment partagé avec Germain, Thibaut et David, mais j’ai été très angoissée pendant la réalisation du jeu.

Pour les sons en [i], je n’ai pas réussi, alors je vous raconterai l’histoire d’une fourmi qui grimpait sur un radis, une prochaine fois.

l

  • Avec au moins un mot qui est un numéro (hors un et une) expliquez-nous comment est née l’idée d’utiliser des vrais marque-pages et quels ont été les spécificités rencontrées lors du développement du jeu ?

Olibrius : Eh bien, sans y allez par quatre chemins : au début de Nouvelles ContRées, il y avait surtout l’idée incroyable d’aller jouer dans les livres en y insérant des marque-pages. Après, mille possibilités se sont offertes à nous et ce qui a fait notre force dans le développement, c’est l’entente autour de l’amour de la langue, de sa distorsion, de son respect, de l’onirisme que l’on pouvait y trouver. Je crois fondamentalement que c’est cela qui a rendu Nouvelles ContRées possible !

Germain : Toute la réflexion du développement repose sur l’idée d’utiliser des marque-pages. Du moins, c’est l’idée maîtresse autour de laquelle les trois autres se sont rassemblées.

Il y avait toute une liste d’options qui paraissaient importantes et logiques avec cet objet : il marque une page (littéralement), et donc le lieu d’une découverte, d’un événement, d’un paysage, et on peut revenir en tout instant à chacun de ces 1001 points (ça m’a toujours semblé important, et ça le sera encore plus dans les quatre extensions à venir) ; on peut figer nos aventures, un espace et un temps avec, et embrasser d’un coup d’yeux tout ce qu’on a vécu dans la partie ; c’est aussi un canevas évident d’expression visuelle, et ça, des dizaines d’éditeurs de marque-pages l’ont compris.

En outre, on peut en prendre un pour repérer les lignes à lire, voire cacher deux ou trois lignes pour modifier le texte. Une grande partie des réflexions autour du jeu venant de là, c’était important qu’on s’accroche à cet objet, et qu’on le place dans le livre. Et puis c’est logique quelque part : si le plateau de jeu est un livre, les cartes qu’on y jouent doivent être des marque-pages.

. Lors de ma première partie de Nouvelles ContRées, j’ai ressenti comme un sentiment de découverte à devoir lire aux autres le passage d’un livre et le challenge ludique de devoir se concentrer à la fois sur le fond et la forme du texte. Quels sont les éléments qui vous ont plu de prime abord dans ce jeu pour avoir pris la décision de l’éditer ? (En utilisant un mot d’une longueur minimum de 10 lettres.)

Olibrius : Quelquefois, il faut suivre son intuition, son irraisonnable intuition…

l

  • Très récemment j’ai fait la connaissance avec votre travail par le biais des jeux Cartaventura chez l’éditeur Blam, illustrations qui relèvent la difficulté d’embarquer le joueur dans l’univers et l’aventure du jeu. Ici le joueur vit une aventure à travers de la rencontre avec des passages littéraires et vos dessins, comment avez-vous travaillé ? Quels sont les avantages et inconvénients de ce support spécial (ndlr : des marque-pages) ? (En nommant au moins 2 personnages.)

Jeanne : Cartaventura est effectivement très différent, et c’est difficile de comparer pour moi car c’est Guillaume Bernonqui s’est occupé d’embarquer les joueurs dans les univers proposés à travers ses illustrations, ma part se résume seulement à proposer les objets sur lesquels les joueurs tomberont dans leur quête.

Pour Nouvelles ContRées, l’idée est de laisser le lecteur interpréter ce qu’il voit et non de lui montrer ce qu’il doit voir car nous ne nous basons pas sur des faits historiques et nous n’essayons pas d’être fidèles à la réalité. C’est un univers onirique qui veut seulement vous faire voyager entre les lignes et les livres que vous allez choisir.

Les avantages du format marque-page ? C’est une bonne question, je ne sais pas, c’est joli et différent mais ça n’en fait peut-être pas des avantages. Par contre, pour les illustrer il y a des inconvénients. C’est très petit pour faire des paysages compréhensibles et compliqué aussi de faire un paysage étiré en hauteur. Il a souvent fallu ruser avec des perspectives étranges pour les remplir. On s’était aussi ajouté comme contrainte de faire apparaître dans chacun des marque-pages, une référence littéraire. Pas toujours simple à placer ni à trouver mais il y en a de très évidentes comme Harry Potter ou bien Sherlock Holmes. Je vous laisse les chercher.

l

  • En tant qu’auteur, je vous connais avec l’écriture d’un scénario d’Unlock ! (ndlr : La Nuit des Croquemitaines), et je vous sais aussi engagé dans d’autres domaines artistiques, pouvez-vous nous en parler? Est-ce que votre démarche de création est identique ou bien différente en fonction du domaine ? (Sans utiliser les mots « je » et « moi »)

Germain : Oufti ! D’une approche personnelle, chaque medium d’expression créative est abordé de la même façon, sans échelle de valeur. Des idées vont et viennent, se conglomèrent, et donnent naissance à un projet (toujours minimum trois idées, c’est une règle d’or). Parfois le médium sur lequel ce projet va exister est évident, d’autres fois il faut le chercher, d’autres fois encore, il est la source même de ce qui va naître (et si on faisait un jeu avec ça, et s’il se passait ça sur scène, et si tout était basé sur un effet de montage…).

Des gimmicks et des patterns, des obsessions et des récurrences font souvent surface, prenant plus ou moins de place dans les créations : la confrontation de l’ordre et du chaos (spoiler : c’est souvent ce dernier qui l’emporte) ; l’usage de mots pour leurs aspects sonore et visuel, plus que leur signification ; le fait d’amener les codes d’un médium dans un autre (du genre comment faire une sculpture avec les codes de la peinture, un jeu avec les codes de la danse, un film avec les codes de la BD…) ; la tentative de toujours se renouveler et se mettre en danger en bricolant des trucs auxquels le cerveau et les doigts qui m’habitent ne se sont pas confrontés, sur des médiums pourtant déjà explorés (ou pas) ; le fait de vouloir rendre le spectateur actif dans l’existence de la création (d’où un amour évident pour le jeu, qui n’existe que par le vous).

En ce moment, c’est surtout la vidéo et la scène qui reviennent en force : des clips pour des musiciens de talent (allez écouter et voir en concert l’ami Vaslo), des projets pour le cinéma, et pas mal de scène ! De la marionnette qui chante en duo, et le retour pour 2022 au théâtre d’impro, tout ça au sein d’une troupe de cabaret burlesque, remplissent de plus en plus l’emploi du temps (viendez voir La Flaque).

l

  • Nouvelles ContRées est un jeu que j’appelle « punitif », en cela que les erreurs se payent cash, ce qui vient rajouter au jeu, un côté difficile à gagner. Comment avez-vous procédé à l’équilibrage du jeu, en particulier sur le nombre de lettres perdues en cas d’échec ? (Avec au moins trois mots qui comportent 2 lettres identiques qui se suivent.)

Olibrius : Il y a un étrange rapport entre la difficulté du jeu et son aspect punitif ; nous croyons que cela procède au jeu. Dans sa version simplifiée, il est plutôt facile de l’emporter. Dans le secteur des éditeurs, on dit souvent qu’un jeu de coop’ doit être difficile pour que les joueurs perdent la première partie afin de vouloir « gagner sur le jeu ».

Nous, c’est l’inverse qui se produit. Il est facile de l’emporter pour mettre en avant l’aspect onirique de Nouvelles ContRées. Par contre, chaque erreur se paie cash, et on se rend alors compte alors que l’onirisme cohabite avec le danger… Que l’on vit la légèreté de l’acte d’aller jouer avec les mots tout en vivant la difficulté d’une aventure.

l

  • Quels sont les émotions, les sensations, que vous avez imaginé créer chez les joueurs avec Nouvelles ContRées? Quelles sont, peut-être est-ce un peu prématuré de ma part, les évolutions possibles dans l’avenir de ce jeu ? ( Avec au moins 3 mots comportant le son [o].)

Olibrius : Je dirais qu’il y a la surprise comme élément fondamental de ce jeu : la surprise déjà de la promesse d’aller jouer dans les livres, la surprise ensuite de rencontrer des morceaux du bouquin qui prennent une existence en dehors de toute chose, la surprise de toucher du doigt (de l’oreille) directement le style de l’auteur, comme s’il était là, assis au bout de la table, et puis la surprise de vivre quelque chose d’onirique au travers des mots.


Nouvelles ContRées va connaître des extensions déjà et puis certainement quelques déclinaisons, mais avant toute chose, laissons-le vivre un peu sa vie de jeu qui va à la rencontre des gens ; profitons de maintenant, de Nouvelles ContRées, tel qu’il est là.

Germain : Avec cet opus, il y a vraiment l’envie forte de transmettre la notion de découverte. On a tout pensé pour que les joueurs se sentent explorateurs : le matos, les illus, le lore, les ambiances, les règles, la thématique. Le groupe explore une mécanique étonnante, explore une jungle de mots à la recherche de découvertes à ramener (lieux, missions, sens caché…), explore la façon de penser de leurs acolytes dans la partie.

Mais surtout, et c’est quand ça ça fonctionne qu’on a véritablement réussi : ils découvrent des livres, des romans, des mondes, que, peut-être, ils ne connaissaient pas ! Personnellement, jouer dans des livres qui m’étaient inconnus m’a donné, par cette espèce de bande-annonce étrange qu’est une partie, l’envie d’aller les lire ensuite. Et en ce moment, j’en découvre de nouveaux via les sens cachés que les gens peuvent mettre en ligne sur le site d’Olibrius.

Pour la suite, on voudrait plus s’appuyer sur un de mes autres espoirs avec ce jeu : transmettre l’état d’esprit surréaliste qui vient à utiliser les textes comme un espace ludique, un genre de pâte-à-modeler, facile d’accès. On peut tous bricoler des trucs rigolos avec du texte : c’est une matière fluide, pas un bloc figé. On pense les extensions dans ce sens : plus de fun, de manipulation, de tension, mais toujours en jouant avec un bac-à-sable formé d’océans de lettres et d’îlots de pages.

Mais aussi à des stand-alone, utilisant de nouvelles mécaniques, et d’aspects de la prose, toujours avec des marque-pages et des livres. Tout ça est en travaux : on ne veut pas faire n’importe quoi, et on en dira plus quand on tiendra de vrais jeux solides à montrer.

l

  • 2021 a vu la vie reprendre, avec les festivals et les animations autour du jeu et des autres loisirs, est-ce que les confinements et autres restrictions sociales ont changé en profondeur vos habitudes personnelles et professionnelles ? ( Avec 3 fois le même mot.)

Olibrius : Je n’ai pas très envie de me les remémorer ici. Ce fut et c’est toujours plus difficile d’éditer des jeux dans ce contexte, sur quasiment tous les aspects (humains, tests, production, communication, diffusion, etc.). Bref, difficultés, difficultés et difficultés

Jeanne : Par chance, je n’ai pas eu l’impression que les confinements ont beaucoup influencé mon mode de vie par défaut. A défaut de pouvoir sortir, je me contente très bien de mes différents outils créatifs à la maison. Mon travail jusqu’à maintenant s’est toujours fait depuis chez moi, donc de ce côté, pas de défaut non plus.

Germain : Eh bien oui et non. Oui car j’ai quitté Tric Trac suite au premier confinement. Non car j’avais déjà l’habitude de bosser à des projets persos chez moi (et la frontière entre mon perso et mon pro a toujours été extrêmement floue). Et le fait de bosser sur des projets en groupe avec des gens géographiquement éloignés n’est pas une nouveauté non plus.

l

  • Quels sont vos types de jeux préférés et votre jeu star de cette année ? (Il y a au moins une fois la lettre « x » ou « y », ou « w ».)

Olibrius : J’aime les jeux où l’on rentre en contact avec les autres personnes, clairement, qui vivent et qui vivent fort, où il se passe un truc indéfinissable autour de la table. Mon jeu de l’année, c’est clairement Nouvelles ContRées, j’y joue encore, là, toutes les semaines et avec un plaisir qui ne s’étiole pas. Je peux l’écrire sans sourciller car je sais que cela ne sera pas le cas de tous les jeux qui vont être édités par Olibrius. Cela doit être rare de ne pas se lasser d’un jeu après 250 parties et bien là, j’adore ça, sentir le souffle chaud de textes qui renaissent à mon oreille. Brrrr, que c’est bon, ça m’émerveille encore.

Jeanne : Well, j’aime beaucoup les jeux coopératifs, peut-être parce que je suis une mauvaise perdante alors je me sens mieux quand je gagne ou perd avec tout le monde haha! Par contre, je ne vis pas dans le présent des sorties des jeux, il y en a bien quelques-uns que j’ai beaucoup aimés mais j’ai bien peur de ne pas vous faire rêver avec mon manque d’originalité, alors je préfère ne pas m’étaler.

Germain : Ça me parait tellement impossible de répondre. J’aime le jeu en général, haha ! Mais y’a quand même une relative tendance dans ma ludothèque : j’aime les jeux qui apportent une expérience chelou : Meeple Circus, Stonehenge and The Sun, Shadows in the Forest (réédition de Waldschattenspiel), Oh Mon Château, Root, Tokyo Highway, Soviet Kitchen… Et puis les jeux à combos, les trucs plus casse-tête, les expériences narratives…

Dungeon Fighter sera pour toujours mon jeu d’amour de la vie. J’ai TOUT ce qui existe en goodies et extension du jeu de base, et j’ai pledgé la totale lors du KS de réédition. Ce truc me rend fou depuis qu’il est sorti, c’est un peu ma bible du ludique.

J’ai rarement autant sorti Res Arcana que cette année (miam), fait pas mal de solos sur les nouveautés de Railroad Ink et sur les deux MicroMacro, et avec un couple d’amis orléanais pas mal de Valeria : Le Royaume, de Sbires, d’Ankh-Morpork et de Twin It. En ce moment, je prends un grand plaisir d’amateur de maquette sur Le Cliché du Siècle (quelle idée merveilleuse), et j’ai hâte d’enchaîner des parties de Fragments et Contes Emerveillés.

Je prends aussi régulièrement mon pied à faire découvrir T.I.M.E Stories à des copains. Je ne joue même pas, juste j’installe, les déleste de retenir et comprendre les règles et les manips, lis les textes d’ambiance, fais tout pour qu’ils se concentrent sur l’intrigue. C’est pas vraiment comme un MJ, plus comme un réalisateur-caméraman, et je prends un plaisir énorme à faire ça !

Comme quoi, on ne se refait pas !

l

  • Parlons du futur si vous le voulez bien. Quels sont vos futurs projets dans le monde du jeu ? ( Il y a 3 mots différents avec le son [é].)

Olibrius : Nous allons continuer d’éditer des jeux de société qui sortent de nulle part, des Objets Ludiques Non Identifiés (O.L.N.I.) ! Nous avons plusieurs projets ludiques en préparation. Je vais résumer chacun par un seul mot : ficelles, « ouijà », « exploginaire ». Bonne chance avec cela !

Jeanne : Eh bien, pour le moment je continue de travailler avec Blam ! sur le prochain Cartaventura et un autre projet, peut-être une suite de Nouvelles ContRées, m’a-t-on laissé croire!

Germain : J’ai quatre ou cinq grosses idées sur le feu. Honnêtement, je ne sais pas si après ça, j’aurais encore un truc pertinent à déclarer en qualité d’auteur. Je n’aimerais pas faire le jeu de trop. Je doute beaucoup. Je retravaille énormément.

En ce moment, Nouvelles ContRées, ses suites, sa traduction (c’est un chaos éhonté), les autres jeux potentiels avec des livres et des marque-pages, me dévorent carrément la structure du temps. Dans ce qu’il me reste pour respirer, je travaille sur des Unlock, et je parfais l’équilibrage d’un jeu legacy de bag building dans une guinguette steampunk, prévu chez Don’t Panic Games.

Y’a aussi un jeu de cherche-et-trouve de coloriage narratif et évolutif chez Olibrius. (ndlr : pour avoir entrevu le jeu, je peux vous dire que celui-ci c’est un monstre ludique à venir pour toute la famille, avec j’imagine une réalisation des plus originales, un sacré défi en somme !)

Et enfin, j’ai aussi grande foi dans un projet que je voudrais développer avec l’élégant Théo Rivière. On en a un peu causé, on verra, on va essayer, je promets rien. Mais je vous laisse quand même gamberger sur le nom de code : Through The Edges.

A part ça, j’ai très envie de faire du podcast sur le jeu ! Un truc qui parlerait de l’aspect créatif, et qui aurait une forme créative. On a enregistré des pilotes d’émission avec l’ami Christophe, mon camarade de Strip Trac. Faut analyser tout ça. J’aimerais énormément rebosser avec Guillaume Chifoumi sur ce genre de projet aussi.

l

  • Essayons d’imaginer ensemble une situation : si nous nous retrouvions une nuit tous ensemble. Selon vous, ce serait dans quel endroit et quelle activité souhaiteriez-vous nous faire partager ? (Pour la dernière aucune contrainte !)

Olibrius : J’aimerais que l’on vive une expérience incroyable ! Un truc fou ! (tant qu’à faire).
Nos esprits, ce que nous sommes fondamentalement, sortiraient en un filet éthéré de nos corps et se mélangeraient les uns aux autres. Nous ressentirions alors pleinement l’extase de frôler la quintessence de l’autre et donc, de nous-mêmes et nous tournoierions des heures durant, à la faiblissante lueur d’un feu de camp. Voilà, tout simplement.

Ça vous dit ? On se fait ça mardi soir prochain ?

Jeanne : Je vous invite avec plaisir chez moi, à Montpellier, il fait pas froid et il y a plein de chose à faire dans cette jolie ville.

Après une balade, je vous partagerai mes talents de cuisinière pour un repas convivial et vous me ferez découvrir vos jeux de société préférés autour de digestifs afin que je récupère le retard que j’ai sur le monde ludique !

Germain :

Quoi ? Aucune contrainte ? Je ne puis y souscrire !

         Je laisserais simplement les sons, les mots, courir.

         Ce n’est pas le plus ardu, ni si original,

         Mais en alexandrins, je ferai le final.

         D’aucuns, oui certes, auront, je n’en ai aucun doute

         Vu bien plus travaillé que ce pâté en croûte

         De rimes saugrenues, de verres qu’un peu déroutent

         Mais ma meilleure envie, moment à partager

         C’est bien quelque vin, une planche organisée,

         Petits plats fait maisons, ambiance dégingandé,

         En discutant de tout, en s’enivrant de rien,

         Dans le coin d’Orléans, aux fameux Becs à Vins.

         J’te conseille leurs entrées, et leurs vins naturels.

         J’te conseille les desserts, les plats, les écuelles.

         Tu peux même rester sobre, leurs jus sont à tomber,

         Tant qu’on s’amuse et parle jusqu’au bout de la soirée.

         Et même qu’épris de nous, on chante, on philosophe :

         Papoter et manger, c’est quand-même vachement tof.

l

l

Sortez vos livres, Nouvelles ContRées débarque !

Le risque, avec les jeux trop originaux, c’est de ne plaire qu’à une niche de joueurs et de ne pas réussir à se créer un public plus large.

Nouvelles ContRées ne parait pas si abordable et familial que ça, et cela commence à la lecture des règles. En effet, l’utilisation de certains termes et l’agencement de la règle, amènent le joueur à revoir un peu ses habitudes. Mais n’est-ce pas là un peu l’effet recherché ? Brouiller les pistes, faire sortir les joueurs de leur zone de confort ?

Banco ! Sur ce point (et bien d’autres !), le jeu tient ses (belles) promesses !

Nouvelles ContRées est un jeu créateur d’émotions ! Vous ne pourrez pas le décrire, le blâmer, ou l’encenser sans l’avoir joué ! Bien plus qu’un autre jeu d’ailleurs, la lecture de la règle ne vous mènera sur aucune piste émotionnelle, ne vous donnera aucun indice sur la finalité de votre expérience de jeu.

A la frontière du jeu d’ambiance, Nouvelles ContRées vous amènera rapidement en terres inconnues. Vous vous sentirez surement désarçonné, déséquilibré voire parfois dans une posture ludique précaire, car ce jeu vous demande un certain engagement pour que l’expérience soit réussie. Un environnement calme aussi !

Le matériel, que ce soit l’agencement de la boite ou les différents marque-pages ont été pensés pour vous immerger rapidement dans le contexte littéraire et onirique du jeu.

Le jeu joue aussi avec votre concentration, votre capacité à prendre ensemble une bonne décision, au risque de voir votre partie s’écourter rapidement, car oui le jeu est punitif.

Essayer de satisfaire aux missions à chaque tour est obligatoire, à vous de bien vous organiser pour les valider, car la moindre erreur de chemin vous fera perdre un nombre de lettres très important. Je regrette un peu cette sensation un peu radicale offerte à l’erreur, même si, au début du jeu, une mission réussie vous sera gracieusement offerte par les règles.

Ma première partie m’a fait penser au jeu Ghosts’ n Goblins sur borne d’arcade : difficile, punitif, mais tellement attirant ! La grosse différence est que l’on a pas besoin de pièces de monnaie pour recommencer le jeu à 0 !

Passée cette sensation, le jeu nous promet une aventure en groupe géniale, ou plutôt des aventures, car chaque livre différent vous proposera une nouvelle aventure grâce à sa thématique, son sujet, son style, et ça c’est juste fabuleux.

Je n’avais jamais vu une telle symbiose entre deux objets culturels, le livre et le jeu de société !

Quand certains jeux vous demandent l’utilisation d’une certaine technologie, comme un smartphone ou une tablette, ou bien une connexion internet fluide, ici Nouvelles ContRées vous offre la chance de pouvoir tenir dans vos mains un livre, et d’offrir votre lecture au reste du groupe.

Moi, personnellement, j’adore faire la lecture, et ne vous inquiétez pas, le jeu ne vous oblige pas à lire. Si vous ne souhaitez pas le faire, rien de grave, du moment qu’au moins un joueur veuille le faire.

J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait que le jeu offre des sensations différentes, que vous soyez en posture d’écoute, ou bien de lecteur. C’est tellement jouissif quand cela est bien fait ! Lire le passage choisi pour soi-même, y mettre le ton, insister sur un mot ou une ponctuation, rajouter un accent, une voix différente : quel pied !

N’oubliez pas que vous êtes tous ensemble dans l’aventure et qu’il va falloir trouver des idées pour vous entraider.

Savoir écouter et s’intéresser autant au sujet du passage lu et aussi qu’aux mots, ponctuations, sons, figures de style est un challenge tellement riche et vraiment peu naturel, que le jeu vous offre un défi réel et une expérience unique !

Mécaniquement, le jeu ressemble à son ancêtre Dixit, car vous allez devoir retrouver la direction choisie par le conteur parmi 4 tuiles richement et talentueusement illustrées, Est, Ouest, Sud ou Nord.

Ce sera donc forcément un peu plus facile avec des joueurs que vous connaissez mais vraiment très surprenant et enivrant quand vous réussissez à retrouver la réponse de joueurs inconnus.

Bien que la manipulation du camp et de l’éclaireur vous apporte un peu de pénibilité au départ, après quelques tours, et transmissions du livre, cela deviendra des gestes sûrs et maitrisés.

Outre le fait de pouvoir changer de livre pour rendre les parties différentes, le jeu propose également des modules supplémentaires, permettant d’assouplir ou enrichir encore plus le jeu : un marque-page Joker, des tuiles personnage, des marque-pages péripétie ou bien des marqueurs ponctuation !

Nouvelles ContRées est donc un jeu d’écoute, de lecture et d’aventure qui va vous embarquer tous ensemble sur des sentiers ludiques inconnus et vous faire vivre des expériences nouvelles avec des joueurs pouvant venir de différents horizons, pour des parties à la fois variées et palpitantes. Attention tout de même à ne pas prendre le jeu au sérieux, car les chutes, même en groupe, font mal et le jeu ne sera pas tout le temps une petite ballade de santé.

Pensez bien aux verres d’eau au risque de perdre la voix ou la voie !

Je tiens à remercier l’éditeur Olibrius pour le temps consacré à cet article, Jeanne pour les plus beaux marque-pages de ma bibliothèque, et Germain que j’adore écouter et observer, ou l’inverse !

l

Nous faisons partie du programme d’affiliation mis en place par Philibert sur leur site. Cela signifie que si un jeu que nous avons chroniqué vous plaît, et que vous l’achetez en cliquant sur le lien Philibert que nous proposons en bas de chaque article, nous percevrons une modeste contribution nous permettant de nous acheter d’autres jeux, pour pouvoir les chroniquer et vous donner notre avis. C’est une forme de soutien, et nous vous en remercions par avance! C’est grâce à vous que nous pouvons continuer à abreuver ce modeste blog avec toujours + de contenu.

l

Disponible ici :

Prix constaté : 23 €