Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Les jeux vidéo, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Jeux de rôle, d’aventure, de civilisation, de sport, mettez-moi un clavier ou une manette entre les mains et je suis ravi. Pourtant, Borderlands, bien qu’il ait eu son quart d’heure de gloire, je n’y ai jamais touché. Le côté iconoclaste pas vraiment subtil et l’humour hyper gras, ça me fait plus fuir qu’autre chose. Mais au Labo des Jeux, on laisse les états d’âme au vestiaire, alors j’ai ouvert la grosse boite Borderlands : L’Arène des Brutasses de Monsieur Torgue (on en a vraiment plein la bouche) avec l’esprit ouvert et un verre d’aspirine à la main.
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Le bizarre, l’idiot et le brutal
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Il faut dire qu’il s’agit de l’un des livres de règle les plus mal branlés qu’il m’ait été donné de lire. Attention, la traduction française n’est pas à remettre en cause, le mal était déjà fait dans la langue de Shakespeare. Il ne s’agit pas seulement de qualité rédactionnelle ou de l’agencement du livret, même si ça y participe. Certains choix de design laissent carrément sans voix et pas mal de cheveux dans la poigne. Mais pour que vous puissiez partager ma peine, et me plaindre de tout votre cœur, il va d’abord falloir que je vous explique de quoi il retourne.
Borderlands est donc un jeu coopératif qui se joue forcément avec quatre personnages sur le plateau, peu importe le nombre de joueurs autour de la table. De manière similaire à Death May Die ou Zombicide, le scénario choisi propose une carte prédéfinie à base de tuiles modulables, un objectif spécifique, un certain nombre de monstres assoiffés de notre sang, et des événements qui vont survenir à la fin de chaque manche. A nous de survivre en se déplaçant, en interagissant avec des éléments du décor et surtout en utilisant tout l’arsenal à disposition pour génocider à tour de bras du sadique et du goliath sanguinaire brutal. Oui, Borderlands fait dans la finesse, mais on était prévenu.
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Les sous-doués écrivent des règles
Tout cela se gère à l’aide des jetons action des personnages, première bonne idée du jeu, et également point de départ des emmerdes. Ces jetons peuvent être de trois couleurs, verte, jaune ou rouge, et chaque couleur correspond à un dé que le joueur va devoir lancer dans certains cas de figure pour déterminer si l’action est réussie. Le dé vert étant un d12, la probabilité d’obtenir une valeur haute sera plus grande qu’avec le dé rouge, qui est un d6. Au joueur de décider quelle couleur il utilise pour quelle action, notamment pour réaliser des actions d’attaque. Et c’est là que le bât blesse.
En effet, les armes équipées ont également ce code couleur vert, jaune, rouge. Mais il est cette fois-ci uniquement utilisé pour indiquer la portée de l’arme. Une arme rouge, qui ne permet donc de cibler que la case du personnage ou les cases adjacentes, peut très bien être utilisée en lançant un dé jaune ou vert. Hein ? De quoi pardon ? Et le pire, c’est que la règle ne prend jamais le temps d’aborder le point. Il a fallu faire un tour dans les forums de Boardgamegeek pour trouver une réponse claire à la question. De façon générale, le texte et les icônes présents sur les cartes laissent à désirer, avec cette iconographie absconse, le fait d’utiliser la même icone ou presque pour signifier un dégât ou un coup critique, ou encore des capacités spéciales qui font référence à des mots clés sans les citer textuellement. A quoi bon faire un glossaire dans ce cas ?
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Action, réaction, clé à molette double-pénétration
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Mais on peut espérer passer outre et profiter du jeu une fois les règles remises à plat, et c’est vrai que le jeu a quelques idées en stock qui marchent bien et sont de plus assez originales. Ainsi, lorsqu’un joueur est blessé, il doit remplacer le jeton qu’il a choisi pour se défendre par un jeton rouge : petit choix cornélien, et donc délicieux, entre choisir le dé vert, avec une probabilité de défense réussie plus haute, au risque de passer d’un d12 à un d6, ou choisir le dé jaune. Il y a également la possibilité, s’il nous reste des jetons non utilisés lorsque vient le tour des ennemis, de réagir à la survenance d’une blessure, mais cela se révèle finalement assez anecdotique, vu qu’il est souvent plus intéressant d’utiliser tous ses jetons avant que les méchants s’activent. Et puis y a le butin carrément généreux, de manière assez fidèle à la saga vidéoludique, qu’on obtient à chaque fois qu’un ennemi est éliminé, et qui permet de se soigner, de recharger ses armes, voire de s’équiper en cours de partie, ou même carrément de monter de niveau si on de la chance. Ou alors vous pouvez choisir de les économiser et de les convertir en cash pour la phase d’équipement entre deux scénarios.
En effet, autre chouette idée, à la fin d’une partie, les joueurs se voient donner l’occasion d’améliorer leurs personnages en achetant de nouvelles armes, boucliers ou modules aux capacités passives, et en montant de niveau. Puis on enchaine avec tel ou tel scénario, suivant qu’on aura gagné ou perdu, dans le cadre d’une mini-campagne qui se termine par une confrontation finale avec le gros boss envoyé par Monsieur Torgue pour nous apprendre la politesse. Cela donne un fil rouge appréciable, et un paramètre supplémentaire à prendre en compte quand on dépense en cours de partie l’argent de départ ou le butin récupéré sur les cadavres fumants et nombreux de nos ennemis. La rejouabilité s’en voit également renforcée puisqu’on doit choisir en début de campagne quel arbre de compétence on souhaite parcourir lors de nos montées de niveaux. Ce n’est d’ailleurs pas du luxe vu qu’il n’y a que quatre héros dans la boite de base. Personnellement, je suis toujours très fan des jeux qui permettent de faire monter en puissance son personnage, et ça aurait presque pu justifier de relancer une campagne une fois la première terminée.
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Insérer ici truc drôle et irrévérencieux
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Presque, parce que malgré ses deux ou trois trouvailles, le jeu manque un peu de fun, alors qu’il en avait fait son étendard. Le hasard du butin et la résolution des actions beaucoup trop aléatoire peuvent aboutir à des tours un peu longuets et vraiment arides pendant lesquels il ne se passe pas grand-chose, parce que tous les lancers auront échoué, ou bien parce qu’on n’a rien pour recharger nos armes. Bien sûr, de nombreux autres jeux requièrent de lancer des brouettes de dés, alors qu’est ce qui fait qu’ici ça ne marche pas aussi bien ? Par exemple l’impossibilité de relancer l’unique dé d’action et la manière de déterminer un succès, qui nous écartent d’un Death May Die tout aussi tributaire de l’aléatoire mais mieux équilibré, et nous rapprochent plus d’un Townsfolk Tussle de sinistre mémoire. Les différents scénarios auraient pu relever un peu la sauce en proposant des configurations ou des mécaniques un peu originales, mais tout cela reste assez basique : moi voir monstre, moi taper monstre, moi voir truc qui brille, moi prendre truc qui brille et taper monstre qui passait par là. Le panel d’actions à disposition est plutôt restreint et les cartes des scénarios ne permettent pas vraiment de faire émerger de nouvelles situations ou manières d’utiliser nos personnages.
Si Asmodée n’avait pas envoyé le jeu, je n’y aurais sans doute jamais joué, tout simplement parce que la licence ne me parle pas. Mais pour ceux qui ont grandi avec le jeu vidéo Borderlands, le jeu a un charme certain, surtout lors de la phase de découverte et les premiers scénarios, quand on se familiarise avec les mécaniques plutôt sympas, qu’on découvre ou redécouvre le lore un peu décalé et les armes et personnages maintes fois rencontrés sur console ou PC, et qu’on customise petit à petit notre vaillant Chasseur de l’Arche. Puis le soufflé retombe et la magie se dissipe, notamment parce que l’univers n’est pas si barré que ça et parce qu’enchainer 6 scénarios avec les mêmes personnages amène à réaliser que, certes, le contenu est pléthorique, mais il est finalement peu différencié et la routine s’installe assez vite. En fin de compte, une ou deux fulgurances ne suffisent pas à faire un bon jeu. Et j’ai envie de dire, tant mieux.
Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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The Last Doge c’est quoi ?
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Eh bien, The Last Doge c’est le premier jeu édité de Gaël de Robien.
Pourquoi le mentionner ?
Car c’est toujours un évènement pour un auteur de voir son premier jeu être apprécié par une maison d’édition et de le voir posé en magasins et, plus important encore, sur les tables de joueuses et de joueurs de tous horizons.
De plus, l’auteur étant français, c’est un autre petit évènement car on évitera ainsi les erreurs de traduction éventuelles, donc je voulais revenir sur ces points qui me font toujours plaisir.
Mais The Last Doge c’est avant tout un jeu qui va mettre votre mémoire et votre talent de déduction à rude épreuve.
C’est parti, plongeons-nous dans les aventures que nous raconte Gaël et qu’illustre Martin !
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Quand exploration rime avec déduction (mais surtout mémoire)
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Car oui, la mémoire et la déduction sont vraiment au cœur du jeu.
Je ne ferai pas de résumé des règles, en soit, elles sont assez simples et claires en plus d’être courtes pour que vous puissiez vous en sortir de vous-même.
Je vais surtout parler de comment le jeu va vous mettre à l’épreuve.
Cette épreuve sera un peu à double tranchant, ça passera ou ça cassera.
Car il vous faudra explorer les quartiers d’une ville représentée par des tuiles face cachée pour découvrir le monde tel qu’il était à la surface il y a fort longtemps.
Mais sous l’une de ces tuiles, qui vont se dévoiler au fur et à mesure de la partie, se cache un fabuleux trésor.
Trésor gardé par le doge, cette créature mi-humaine, mi-machine qui n’aura de cesse que de traquer les impudents qui auront le malheur de s’aventurer dans les quartiers de la ville.
Cette thématique est en fait un prétexte à une course au trésor entre factions.
Mais il faudra bien retenir les emplacements des quartiers pendant la partie, car lorsque la fin de partie est déclenchée, une véritable course pour sortir de la ville est lancée. Et pour sortir, il faudra faire appel à votre mémoire car toutes les tuiles seront retournées face cachée et vous devrez vous souvenir des numéros des tuiles « de 2 à 7 » pour espérer sortir de la ville, sous peine de perdre la partie.
Cette perte de partie potentielle fait fortement penser à la saga « Clank ! », où il est possible de déclencher la fin de partie, d’être en possession du plus grand nombre de points de victoire et de perdre malgré tout car on n’est pas ressorti à temps.
Une pression appréciée dans Clank !, agréable dans The Last Doge, mais un poil entachée par cet aspect d’utilisation de notre mémoire.
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Entachée ? Carrément ?
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Oui, le mot est fort, mais je reviens un instant sur un aspect particulier de ma personnalité : j’ai une mémoire à court terme très vite saturée. Non, pas comme tout le monde, chez moi c’est médicalement documenté et validé !
Une sorte de handicap qui fait que, pour gagner à The Last Doge, c’est presque mission impossible pour moi.
Il me faut une concentration maximale, que je me répète le schéma de la carte visible pendant toute la partie et que je tente des trucs pour m’en souvenir.
J’ai déjà réussi à gagner, c’était un exploit, car il ne me semble avoir gagné qu’une fois parce que j’étais le dernier et que j’ai réussi à exploiter les erreurs de mes précédents camarades pour m’en sortir.
Et le fait que certaines tuiles peuvent être changées de place n’aide pas dans mon cas.
Cet aspect pourra plaire ou rebuter totalement.
De base, il ne me dérange pas, mais avec une telle mémoire, c’est énormément de frustrations car mes erreurs aident les autres, ce qui fait qu’il m’est arrivé d’échouer juste parce que je ne me souvenais plus des emplacements des 2 dernières tuiles et que j’ai épuisé mon nombre d’erreurs maximal autorisé…
Le jeu peut être extrêmement frustrant par cet aspect.
Sinon le jeu est plaisant, les cartes avec des attaques directes, basées soit sur votre connaissance de la carte, soit sur votre chance de deviner où se trouve un adversaire et de lui envoyer le doge lui faire une vacherie est super agréable, elle ajoute une interaction dans cette course au trésor et à la survie assez sympa (pour peu qu’on ne soit pas du genre à bougonner quand on est la cible d’une attaque bien sûr) et les artefacts qui vont aider à progresser dans la quête du trésor sont aussi bien utiles et efficaces.
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Résumé et verdict
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En résumé : j’aime le jeu, mais il n’est pas fait pour moi !
Tout un paradoxe !
Je le redis, j’aime beaucoup l’interaction proposée, la course à l’objectif à double tranchant à la Clank !, les illustrations sont très belles (Ca n’entre pas en ligne de compte au final dans l’appréciation mécanique, ça améliore juste le plaisir visuel qui n’est jamais une condition pour aimer un jeu ou ne pas l’aimer.) et la tension proposée est agréable.
Mais la frustration engendrée par le côté « si tu n’as pas de mémoire, tu vas galérer » pourra être rebutante.
Pour moi c’est un frein, car j’ai constaté que cet aspect avait quelque peu rebuté mes joueurs et joueuses.
Au final c’est un jeu que j’apprécie, mais que j’hésite à proposer, non pas parce que je sais que je vais perdre (J’ai toujours dit que la victoire ou la défaite m’importait peu, seul le plaisir de jouer et de passer un bon moment avec mes amis/amies/famille compte.), mais parce que je sais qu’il va frustrer et qu’on risque de me refuser d’y jouer.
Petit point sur la thématique quand même, elle est malheureusement oubliée à cause du fait qu’on est trop concentré sur le fait de retenir les emplacements des tuiles plutôt que de rentrer dans le jeu.
Donc, le jeu est bon, mais il n’est pas pour moi.
Si vous avez bonne mémoire ou que personne ne puisse gagner par manque de mémoire ne vous dérange pas, vous pourrez trouver votre compte dans The Last Doge.
Bitoku est un jeu de la gamme Expert de Iello, sorti fin 2022, jouable de 1 à 4 et pour des parties avoisinant les deux heures (1 bonne heure en solo).
BItoku, qui signifie “vertu” en japonais, a suscité un gros buzz dans le monde ludique francophone lorsqu’il a été présenté à Essen en 2021, non par ses mécaniques ou ses graphismes, mais par le jeu de mots bien gras qu’il laisse sonner en francophonie, quand bien même il se prononce “Bitoku”. De la même manière qu’une Audi E-Tron, dans un autre registre.
Iello a surfé sur cette notoriété et a décidé de conserver ce nom si particulier, contrairement à “Ruins of Arnak”, qui faisait sourire également mais qui a été renommé en “Ruines de Narak”.
Bref, passé le sourire esquissé les premières fois qu’on entend son nom, et pour la première fois, Iello nous sort un VRAI jeu expert, réservé aux ludistes très avertis et adeptes de règles multiples qui pourraient faire convulser les joueurs les plus fébriles.
Dans Bitoku, nous incarnons des esprits de la forêt en compétition pour remplacer le Grand Esprit actuel, qui se fait vieux et pense à sa retraite dorée aux Seychelles, sirotant une Piña Colada sous un palmier. Pour ce faire, un seul remportera le trône, grâce à ses actions vertueuses à travers l’ensemble des régions de cette forêt primitive.
Le cadre est posé, parlons du jeu et de ses mécaniques !
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Bitoku est un jeu dont la mécanique principale est la pose d’ouvriers concurrentiels, ie attention, y’a de la place pour tout vos dés, mais pas forcément là où vous voudrez, représentés par des dés.
Mais aussi un peu de gestion de ressources, d’objectifs individuels de fin de partie, un soupçon de deckbuilding, de majorités, de collections. Bref, un gros melting pot de pleins de mécaniques, mélangées savamment dans un sac pour un rendu plus qu’honorable.
Le plateau central, qui est plutôt très graaaaaaand, est découpé en différentes régions, dans lesquelles nous pourrons effectuer des actions bien différentes.
Chaque joueur possède également un plateau individuel, sur lequel différents éléments apparaissent, dont les dés qui nous serviront d’ouvriers, mais aussi de jetons pélerins, de bâtiments, et d’emplacements pour des rochers, des cristaux, et des cartes. Cartes qui sont au nombre de 5 et identiques pour tous les joueurs.
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Le jeu se déroule en 4 manches de 4 saisons :
Printemps : “production” de ressources
Eté : actions (1 par joueur, blabla habituel)
Automne : on définit l’ordre du tour de la prochaine manche
Hiver : nettoyage du plateau central
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D’ailleurs, les créateurs ont mis un joli sapin pour représenter la phase courante d’une manche, et on s’en passe aisément. Et de toute façon finalement on ne l’utilise jamais.
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Après avoir ingurgité toutes les possibilités offertes par le jeu, il en ressort une certaine frustration au bout de la première partie, car on aimerait tout faire et on ne peut malheureusement pas.
Néanmoins, après plusieurs parties, tout devient plus fluide et cohérent, signe que, comme tout bon jeu expert, il y a une courbe d’apprentissage.
Bitoku n’en devient que meilleur, même si à mes yeux il ne fait pas figure de must have.
La taille du plateau, la foultitude d’icônes et d’éléments, et surtout le temps de mise en place, peuvent rebuter ou fatiguer. (on remarquera d’ailleurs l’intérêt d’un insert ou d’origamis afin d’optimiser au mieux l’installation et le rangement).
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David Türczi m’a tuer, aurait dit un certain Solo en rendant l’âme
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Parlons maintenant du mode solo, cher à mon coeur.
Comme évoqué dans le titre, celui-ci a été créé par David Türczi, le seul, l’unique, et qui nous a pondu un automa plutôt robuste, mais complexe.
L’automa possède un deck de 10 cartes. On en révèle 3 au départ, on lance 2 dés, on prend la valeur la plus faible et on déclenche la carte correspondante (1-2 : carte de droite; 3-4 : milieu : 5-6 : gauche). On défausse ensuite la carte, et on complète.
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David “Jesus” Türczi aurait prêché un jour : “Ceci est mon arbre de décision, arbre de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui a poussé pour vous et pour la solitude. Vous vous arracherez les cheveux, en mémoire de moi”.
Afin de savoir quelle action effectuer à ce “déclenchement”, et comme à son habitude ces dernières années, David nous livre donc une succession de “si… sinon si… sinon si… sinon”, qui permet de définir l’action de l’automa en fonction de tout un tas de paramètres.
Au final ça marche hyper bien, mais je crois que c’est un des jeux où je me réfère le plus au livret de règles, tant il est difficile de mémoriser l’arbre, l’action, et toutes les petites spécificités sous-jacentes.
Mais c’est le prix à payer pour avoir un automa avec un comportement cohérent et qui vous donnera du fil à retordre !
Encore une fois, Bitoku est sympa, mais il ne demeurera pas dans mes “Must have”. La complexité de l’arbre de décision de l’automa en démolarisera plus d’un et, dans un autre genre, l’automa de SpaceCorp 2025-2300 AD de John Butterfield est largement plus simple et pourtant tout autant compétitif (juste un deck de cartes, et on effectue l’action de la carte tirée).
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Et l’extension alors, Jami, qu’est-ce qu’elle apporte ?
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Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Et bien l’extension apporte 3 modules, jouables séparément ou en même temps (et aussi des petits stickers, à poser précautionneusement sur les pions des joueurs).
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Module 1 : Quelques nouveaux rochers et cartes Yokaï à double symboles (utiles pour la réaliser des objectifs individuels des rochers)
Les pistes noires donnent des bonus immédiats à certaines étapes, les blanches des bonus instantanés à certaines étapes, et les jaunes des points de victoire à la fin du jeu.
Ces 2 modules, même si les règles ne l’indiquent pas, peuvent être jouées en solo sans dénaturer ni le jeu, ni l’automa.
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Module 3 : 65 cartes Festival. Oh tiens, une nouvelle mécanique ! Des cartes qui pourront être jouées pendant notre ou, pour les cartes “Bagarre”, pendant les tours adverses.
Alors effectivement, certaines cartes ont un effet positif des plus intéressants (débloquer un dé, gagner des ressources ou des PV), mais de manière générale, ça vient plutôt dénaturer le jeu original en amenant du chaos là où énormément de choses sont normalement calculatoires.
Et le pire ce sont les cartes “Bagarre”, qui peuvent simplement anéantir tout un pan de votre réflexion sur quoi jouer et quand pendant la manche.
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Mon avis pour cette extension est donc le suivant : quoiqu’abordable financièrement, cette extension n’apporte finalement pas grand chose. Si on exclut les cartes festival, il reste quelques cartes, pistes kodamas et rochers dont on peut aisément se passer.
Aujourd’hui et après un long moment sans avoir rédigé cette rubrique de « ce jeu qui… », je vous parle d’un phénomène qui ne m’a impacté que pour le jeu dont il va être question.
Frustré au point de vendre le jeu (alors qu’à l’époque, l’idée même de vendre un jeu m’était impossible !), pour la bonne et simple raison que je ne gagnais jamais…
Sous cette approche un peu racoleuse j’en conviens, se cache une vraie fausse vérité.
Certes, je n’ai jamais gagné à ce jeu.
Certes, la victoire n’a jamais été un critère dans le fait que j’aime ou n’aime pas un jeu.
Mais, bien plus que le fait que je ne gagnais jamais à ce jeu, c’est que je n’ai jamais vraiment réussi à comprendre comment marquer des points, tout simplement !
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Le pire, c’est que j’adore la mécanique du jeu !
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Je recommande toujours ce jeu à qui veut l’entendre !
Mais c’est cette frustration d’esprit qui m’a poussé à revendre le jeu, ne pas saisir comment marquer assez de points pour ne pas être ridicule.
Avouez que terminer avec 12 ou 18 points face à des adversaires qui en ont 75, réussir maximum à monter à 30/33 points quand les adversaires sont à 60/70 ça va bien, mais à force c’est tellement frustrant de sortir le jeu pour savoir que jamais je ne pourrais être à minima dans la compétition que ça démotive… Pire !
Le jeu étant jouable en solo… je me suis cassé les dents un nombre incalculable de fois à échouer les objectifs et défis pour la même raison : impossible de comprendre comment marquer des points…
Allez, je ne fais pas plus durer le suspense, le jeu dont il est question c’est It’s A Wonderful World (IAWW).
Un jeu de Frédéric Guérard, illustré par Anthony Wolff et édité par La boite de jeu.
Si vous ne le connaissez pas encore le jeu et sa mécanique je vous invite à consulter l’article disponible ici :
Maintenant, et comme toujours dans cette rubrique, un petit pan de ma vie pour comprendre ce qui m’amène à prendre mon clavier pour écrire sur ce jeu.
J’ai découvert ce jeu alors que j’animais pour un festival organisé par ma boutique habituelle de jeux de société. Des amis sont venus, ont voulu essayer le jeu et me l’ont recommandé.
Lors d’un moment de pause (Je faisais jouer le jeu Tapestry à ce moment-là.), je me laisse tenter par l’explication des règles et quelques tours de jeu.
Je n’ai pas pu terminer la partie car de nouvelles personnes s’étaient installées à la table de Tapestry, mais ces 3 manches jouées m’ont laissé entrevoir le potentiel d’un grand jeu qui allait me plaire. Facile à expliquer, rapide à sortir, facile à jouer dans ses mécaniques, mais avec des choix qui vont rendre le jeu difficile à maitriser.
C’est donc tout naturellement qu’avant de quitter le festival, je suis reparti avec une boite du précieux (et avec un certain « les châteaux de Bourgogne édition anniversaire » d’ailleurs ainsi qu’un 3ème jeu dont le nom m’est sorti de la tête!).
Nous terminons la soirée chez l’un des amis présents au festival et nous jouons au jeu à 3.
Première partie, les scores finaux sont de 68/24/12, devinez qui a 12 points ?
Eh oui !
C’est moi !
Seconde partie je m’améliore avec, il me semble, 16 points…
Ensuite je crois avoir terminé avec mon score maximum de 18 points et ne plus jamais avoir réussi à faire plus de 33-35 points au mieux en multi joueurs.
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Le solo, même constat
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Le jeu étant jouable en solo et aimant beaucoup jouer en solo, je me suis rabattu dans les jours suivants sur le solo.
Même constat ; au mieux j’ai dû monter une fois le score à 70 points alors que la mission demandait d’avoir 109 points minimum (les chiffres sont peut-être légèrement erronés, ma mémoire me fait un peu défaut de ce côté-là).
Et je me suis acharné pendant de longues semaines, de longs mois à tenter de m’améliorer, mais rien à faire, en solo, en multi, à chaque fois mes scores sont ridicules et j’en viens à me demander ce qu’il faut que je fasse pour marquer des points.
Je demande donc des conseils sur les réseaux et on m’explique ce qui marche plutôt pas mal pour espérer marquer plus de points, comment mieux choisir mes cartes etc., mais rien à faire, quoi qu’il arrive, mon cerveau refuse de faire fonctionner ses rouages correctement pour ce jeu.
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Puis vient l’extension : guerre et paix
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La promesse d’une campagne, de nouvelles cartes et il n’en fallait pas plus pour me donner envie de ressortir le jeu et d’y jouer encore et encore.
Mais là encore, rien à faire, défaite sur défaite, scores nuls et frustration.
Tant est si bien que, la mort dans l’âme, je me suis résolu à accepter le fait que ce jeu n’était pas fait pour moi et que la frustration accumulée au fil des parties dépassait largement le plaisir de la mécanique.
Donc, la seule étape logique était la revente.
Tristesse de chagrin tant la mécanique de ce jeu est magnifique de simplicité et d’efficacité ainsi que de plaisir et de montée en puissance.
Mais pour moi, il m’aurait bien fallu 2 ou 3 manches de plus pour pouvoir m’en sortir.
Dura lex sed lex comme le disaient les latins, je dois me plier au fait que je ne suis pas capable de jouer correctement à ce jeu…
Je le répète : je joue pour le plaisir et gagner ou perdre m’importe peu tant que je passe un bon moment.
Mais perdre sans comprendre pourquoi, sans réussir à faire mieux, c’est trop frustrant.
Je peux perdre avec 10 fois moins de points que la personne qui gagne que je m’en moque, tant que je comprends pourquoi j’ai pris autant de points dans les dents et qu’à la prochaine je vais m’améliorer, aucun souci.
Mais quand je joue de manière répétée et que je sais avant même d’avoir lancé la partie, que je ne serai qu’un grain de sable dans la chaussure d’un géant qui ne les gênera même pas et qui n’aura jamais aucune chance de prétendre à une belle bataille, j’avoue que le plaisir n’est plus au rendez-vous.
Dites-vous bien que je perdais alors que je jouais beaucoup en solo face à un ami qui ne jouait au jeu que quand il venait chez moi… Ce n’est donc même pas un manque de pratique !
Je sais que mon cerveau a une limite en terme de complexité ou de quantité de règles à assimiler et certains jeux ont déjà mis cette limite à rude épreuve (Weather Machine de Vital Lacerda par exemple, entre le manque de thématique et la complexité des règles, j’ai eu l’impression que mon cerveau se liquéfiait en lisant les règles et ce fût pire en jouant), mais je ne pensais pas que je ne saisirais pas le moyen de marquer des points dans un jeu au point de prendre toujours 2 à 3 fois mon score dans les dents et ce, à chaque partie.
Donc voilà, l’un des premiers jeux à avoir quitté ma ludothèque fût, à mon grand désespoir, It’s A Wonderful World.
Pitié, dites-moi que je ne suis pas seul à ne pas avoir compris comment marquer et que je ne suis pas seul à ressentir cette frustration.
Le Nutella, j’adore ça, j’en mangeais à la petite cuillère quand j’étais petit et que j’avais encore une silhouette de dieu grec. Et qui n’aime pas un bon smash burger, avec les petits oignons brunis, la viande qui caramélise, le cheddar qui fond ? Et bah pourtant, il ne me viendrait jamais à l’idée d’enduire mes tranches de tomate juteuses de pâte à tartiner chocolat/noisette. Il y a des mélanges qui ne se font pas. Du coup, quand on prend un jeu de pur affrontement où tout l’intérêt réside dans le fait d’anticiper et de deviner le plan de l’adversaire, et qu’on veut en faire un jeu coopératif contre une IA plutôt sommaire, je me méfie. J’ai beau être un grand amateur de jeux coopératifs, et avoir beaucoup d’affection pour Unmatched, quand j’ai appris que la gamme s’enrichissait d’un mode coopératif introduit par la boite Chroniques Inouïes, j’étais bigrement intéressé, mais aussi un peu circonspect.
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Robin des Bois et l’attaque de la moussaka géante
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Pour ceux qui du fond qui ronflent comme des bienheureux, Unmatched est donc un jeu essentiellement en 1v1 où chacun incarne un personnage de la culture populaire et tente de terrasser son adversaire en jouant les cartes de son deck à bon escient. Les parties durent 20 minutes avec des règles très simples, les figurines, le plateau de jeu, les cartes sont de qualité, les personnages sont souvent très différenciés, on essaye tant bien que mal de rentrer dans la tête de l’autre, et tout l’intérêt réside dans le fait de tirer parti des points forts et des faiblesses du Petit Chaperon Rouge ou de Black Panther. J’ai d’ailleurs écrit tout un article sur l’ensemble de la gamme, mais je suis sûr que vous l’avez déjà lu. En tout cas, je trouve que le concept marche très bien, et découvrir de nouveaux personnages d’une boite à l’autre me suffisait largement jusqu’à présent.
Entre donc en scène Chroniques Inouïes. 4 combattants, que l’on peut tout à fait utiliser pour jouer dans le mode habituel, un plateau de jeu double face et dédié, mais surtout 2 vilains et un ensemble de sbires dans lequel piocher pour varier les mises en place de départ de ce mode coopératif, où le but est d’aplatir à coups de pelle une grosse mouche géante, ou bien une soucoupe volante remplie de petits hommes verts. Oui, l’ambiance est très Pulp, et les héros sont à l’avenant, même si un joueur non-US risque de les trouver quelque peu obscurs. A part évidemment Tesla et ses bobines, il s’agissait pour moi de parfaits inconnus. Difficile du coup de s’enthousiasmer sur l’astuce du gimmick et des cartes qui retranscriraient brillamment la particularité des personnages, ils auraient pu tout aussi bien être créés de toutes pièces. C’est quand même plus rigolo quand on joue avec le brouillard de l’Homme Invisible ou la relation Achille/Patrocles, là on sait de quoi on parle. Cela dit, ne pas connaitre Golden Bat or Dr Jill Trent n’empêche pas de profiter des mécaniques assez intéressantes, et originales, qu’ils proposent.
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Chacun pour soi, et Dieu pour tous
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Et puis, on peut tout à fait remplacer les personnages par ceux d’autres boites, donc ne nous laissons pas abattre et évoquons plutôt les nouvelles mécaniques qui permettent de s’allier contre un ennemi commun. Chaque boss vient avec son côté du plateau de jeu, son deck perso et ses conditions de défaite, sachant que la victoire consiste forcément à amener son nombre de points de vie à zéro. Il est accompagné d’autant de sbires qu’il y a de joueurs, et chaque sbire a également son propre deck. Pour savoir à qui c’est le tour, on retourne la prochaine carte du paquet d’initiative, à la façon d’Aeon’s End, et quand les ennemis doivent jouer, ils se déplacent vers le joueur le plus proche et attaquent à l’aide de la prochaine carte de leur deck. Voilà pour le spécifique, tout le reste suit strictement les règles habituelles d’Unmatched. C’est donc très simple à gérer, et il n’y a aucune incertitude ou presque lorsqu’on joue, pas d’arbre à décisions hyper élaboré ou de zone de flou concernant le comportement des Martiens ou de l’Homme-Papillon.
Les joueurs doivent donc gérer à la fois les différents sbires, qui peuvent infliger de sérieux dégâts, ralentir la progression de l’ennemi, et lui taper dessus très fort, parce que c’est ça qui permet de gagner et que de toute façon il ne comprend que la violence. D’une certaine façon, on retrouve les sensations d’un Marvel Champions par exemple, avec les différentes priorités orthogonales et le peu de cartes en main pour essayer de toutes les gérer. Alors forcément, on essaie de se répartir les tâches, suivant notre emplacement sur le terrain, nos capacités, les actions que l’on peut faire sur le moment. Et à l’inverse de Marvel Champions, même en jouant à 4 novices, on reste aux environs des 90 minutes. Il faut dire qu’il n’y a pas lieu de discuter pendant des heures sur les synergies qui pourraient s’établir entre les joueurs, pour la bonne et simple raison qu’il n’y en a pas. En effet, Unmatched reste avant tout un jeu d’affrontement, et plus spécifiquement de duel, et les decks fixes des combattants ont été conçus dans cette optique, même ceux fournis avec la boite. N’espérez pas donc trouver de cartes qui permettraient de soigner un allié, ou de booster l’attaque d’un camarade, ou de faire du support de manière générale. Il sera toujours possible d’utiliser les items du plateau pour aider un camarade en difficulté, mais cela reste très limité.
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Vous avez de la tarte aux concombres ?
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Si vous rajoutez à cette absence de travail collaboratif, l’aléatoire exponentiel du jeu, avec un deck initiative qui peut vous faire jouer à la fin sans carte en main et cerné de toutes parts, et jusqu’à 5 decks ennemis qui recèlent quelques cartes bien violentes et dont les cartes sont jouées dans un non-ordre sans aucun guessing possible, toute volonté de contrôle part instantanément en fumée. Vous êtes là pour subir ce qui arrive, et suivant les attaques ou les défenses jouées par l’IA, la situation pourra basculer dramatiquement dans un sens ou dans l’autre. Ce qui donne des parties parfois enthousiasmantes qui nous laissent exploiter toute la particularité de notre personnage, parfois beaucoup trop punitives et interminables, avec un joueur éliminé dès le premier tour et condamné à regarder les autres galérer pour le reste de la soirée, et parfois encore beaucoup trop faciles sans aucune tension. Le jeu ne met en place aucun garde-fou qui permettrait de contenir le chaos inhérent au système, et ça peut amener pas mal de la frustration.
Alors, qu’est-ce qu’il manque à Chroniques Inouïes ? Après un petit comparatif avec les nombreux jeux coopératifs qui se retrouvent tout en haut de mon panthéon personnel, je constate qu’ils doivent leur place entre autres au fait de réussir à proposer aux joueurs de se spécialiser et de travailler ensemble afin de compenser les faiblesses des uns et d’exploiter les forces des autres. C’est ça qui me plait, réussir à donner autant d’importance à celui qui tape fort qu’à celui qui contrôle ou celui qui est en soutien, et faire en sorte qu’on ne puisse pas gagner sans l’un ou l’autre. Rien de tout ça ici, on se retrouve dans une sorte de jeu solo à plusieurs où chacun va s’amuser avec son personnage dans un environnement hostile, en tentant de faire progresser l’objectif commun.
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Oui ? C’est pas bon, hein ?
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Attention, cela reste Unmatched, et il y a toujours le plaisir de composer avec le gimmick du combattant que l’on a choisi, et rien que ça justifiera l’ajout de la boite à la collection. Mais pour ceux qui cherchent avant tout une expérience coopérative et ne sont pas forcément des grands fans de la gamme, je trouve le jeu définitivement bancal. En solo, le vilain n’est clairement pas assez fort avec ses 10 pauvres points de vie, et à plusieurs, l’absence de synergie entre les joueurs lui enlève à mes yeux une grande partie de son intérêt de jeu coopératif. Dans un monde parfait, des paquets affinités auraient rajouté des cartes dédiées attaque, soin ou boost (entre autres) aux decks des combattants afin de les spécialiser (quitte à enlever certaines cartes pour ne pas avoir des decks trop volumineux), mais le choix d’avoir pour chaque combattant des dos de cartes magnifiquement et différemment illustrés rend la chose matériellement impossible. Au final, et de manière assez paradoxale, c’est le soin apporté au jeu qui l’empêche d’être un vrai bon jeu coopératif.