Kingdom Defenders est un jeu paru à l’origine en 2018 mais qui vient dans nos boutiques françaises ces derniers temps. Il est l’œuvre de German P. Millan à qui l’on doit aussi Men-Nefer, Sabika, Bitoku notamment. J’avais beaucoup apprécié ma partie de Men-Nefer, un expert assez velu, Sabika ne m’avait pas donné suffisamment envie pour y revenir, et je n’ai pas joué à Bitoku.
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Kingdom vous demande d’incarner un héros d’un royaume dans un univers fantasy, d’accomplir des missions et de récupérer des ressources puis de participer à la défense du royaume contre des hordes d’ennemis. C’est somme toute assez classique au niveau du lore et du thème, qui sans être uniquement plaqué, ne vous fera pas relever la nuit. L’intérêt du jeu réside selon moi dans quelques points forts que je liste ici, et que je vais détailler ensuite, tout en présentant 1 point faible qui dessert un peu le jeu :
Coopétitif. J’aime bien cette mécanique, vous devez l’emporter à la fin, mais vous êtes obligés de « coopérer » durant la partie, quitte à ce que tout le monde perde si vous ne mettez pas la main à l’ouvrage collectif. Ça change du chacun dans son coin de certains jeux eurogames, et ça n’est pas non plus du coopératif strict, qui n’est pas vraiment ma tasse de thé.
La 1ère phase d’un tour consiste en du placement d’ouvriers à tour de rôle, avec un twist bienvenu à mon sens. Le plateau est divisé en 2 zones, si vous vous placez à l’extérieur de la ville, pas de retour en arrière possible, vous ne pouvez plus placer un jeton dans la ville. Logique me direz-vous.
Kingdom Defenders permet des parties rythmées, une fois la 1ère partie faite, et les (nombreuses) icones assimilées.
« Je devrais toujours essayer d’épurer mon jeu une dernière fois avant de le finaliser » devrait être une sorte de mantra décliné sous forme de t-shirts, stickers ou fonds d’écrans pour tous les auteurs et éditeurs. KD en aurait nécessité une bonne dose à mon sens.
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Coopétitif
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Tout comme avec Surfosaurus Max (un super jeu !!) récemment, je m’aperçois que j’aime beaucoup cette mécanique si elle est bien amenée. Dans Kingdom, vous devrez recueillir vos propres ressources, résoudre vos quêtes, glaner des trésors pour avoir le plus de points à la fin et l’emporter seul.
MAIS vous devrez aussi participer à la défense du royaume sous peine de voir les hordes envahir la cité et déclencher la fin de partie et la défaite pour tout le monde. Cela amène surtout des séquences magiques avec mes joueurs en tout cas, à savoir de la négociation à grand renfort de mauvaise foi. Celui qui ne participera pas à l’effort de guerre verra indubitablement s’abattre sur lui la pression des autres joueurs. Les hordes étant de force variable, et arrivant à vos portes plus ou moins vite, il y aura une notion d’urgence à juguler la menace qui augmentera au fur et à mesure de la partie. Une de vos actions à votre tour, si vous la choisissez, sera de contribuer à la défense de la cité, en « donnant » des ressources chèrement gagnées durant la partie. Une fois le total de ressources qu’une carte horde exige est atteint, la menace est écartée, et une autre horde arrivera ensuite. Les joueurs gagneront des points et ressources en fonction de sa participation à la défense de la ville. Donc double intérêt à coopérer, la partie ne s’arrête pas puisque la menace est jugulée, et vous gagnez des points/ressources pour votre participation.
De sacrés négociations peuvent prendre place durant la partie, j’ai même vu un joueur aller « voler » des ressources pour la défense de la ville (un personnage le permet dans le jeu). Je peux vous dire que ça n’est pas resté impuni, mais c’est une stratégie comme une autre après tout ^^ coopétitif je vous dis.
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Attention avant de mettre le pied dehors
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Le plateau présente sur la partie basse la cité et ses bâtiments sur lesquels vous placerez vos jetons pour récolter des ressources et autres. Au milieu, le mur de la forteresse séparant le plateau en deux, avec la zone extérieure à la cité au-dessus dans laquelle vous accomplirez les missions et combattrez la horde. Le placement de vos « ouvriers » dans les emplacements se fait à tour de rôle, et si vous en placez un dans la partie haute (extérieure à la ville) vous ne pourrez plus vous placer dans la ville. Logique vous êtes sortis. Cela introduit surtout un timing à gérer durant la séquence de placements, avec plusieurs dilemmes que vous imposeront vos adversaires/coéquipiers.
C’est plutôt thématique dans le sens où vous préparez vos forces et vos expéditions tranquillement à l’abri dans la cité, puis vous partez à l’aventure ensuite. Dans beaucoup de jeux, le thème est plaqué, et permet de faire une superbe illustration de couverture de boite, mais n’a aucune incidence dans le gameplay. Ici, dans KD, cette cohérence avec le thème amène une contrainte dans la partie, à savoir de respecter cet univers qui implique de préparer son expédition, avant d’y aller. Et non pas de faire d’incessants aller-retours, en allant remplir une mission, revenir prendre une ressource ou se soigner, puis aller participer à la défense de la cité etc … J’apprécie quand l’auteur intègre le thème au gameplay, quand cela est utile, et c’est le cas ici à mon sens !
Donc un timing plus important qu’il n’y paraît puisque les cartes aventures ne sont pas remplacées quand elles sont résolues, les emplacements pour vos jetons sont limités la plupart du temps, et si un joueur ou plusieurs souhaitent valider la même quête, c’est le 1er arrivé le 1er servi. Mais attention à ne pas y aller trop tôt, vous ne pourrez plus profiter des emplacements donnant les ressources dans la ville.
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source : primigenio
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Allez du rythme bande de mous !
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C’est une notion de jeu très importante à mes yeux, et j’aime quand ça s’enchaine. L’analysis paralysis (un joueur reste bloqué durant x minutes car n’arrive pas à décider quelle action effectuer) est certes liés aux joueurs en eux-mêmes, mais le gameplay du jeu et son rythme influent aussi. Avec KD, à part la 1ère partie, comme souvent dans les jeux, la phase de programmation de vos actions s’enchaîne généralement rapidement, et permet la résolution de ces actions (là où le jeu avance) sans attendre 30 minutes.
1ère phase les joueurs placent à tour de rôle leurs jetons dans les emplacements, 2ème phase chacun résout toutes ses actions à tour de rôle, 3ème phase on résout la carte horde en cours, puis une phase d’entretien, et on y retourne.
On avance visuellement sur le plateau en résolvant zone après zone, ce qui permet un cheminement assez logique. Surtout, le joueur activera tous ses jetons des zones missions, édifices et aventures et ce dans l’ordre de son choix. A vous de faire votre popotte entre les ressources à récupérer, les trésors à récolter, les blessures à subir, et celles à soigner avant ou après d’en subir d’autres justement ! Un timing que chacun gère comme il veut et qui est loin d’être neutre dans le jeu. Surtout cela ne va pas (normalement) durer 10 minutes et vous allez jouer votre tour assez vite. Pour enchaîner avec la dernière zone et cette mécanique coopérative où vous allez (en tout cas certains d’entre vous) participer à la défense de la cité.
Le fait d’enchaîner des résolutions d’actions et de jetons personnels, puis coopératifs permet de maintenir le joueur actif durant la partie, et garder son attention. Je trouve cela très bien amené dans KD.
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Epurer c’est jouer
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Travail d’épuration. Clairement le jeu en aurait nécessité une dose certaine. Icônes, trésors, lisibilité, nombre de cartes etc … Plusieurs retours à la règle nécessaires et qui auraient pu être évités selon moi. Le problème est que l’éditeur ou l’auteur a souvent le réflexe de surcharger le jeu, souvent afin de cocher quelques cases marketing censées représenter des points forts pour se démarquer des autres jeux.
Je m’explique. Si je joue à 1 ou 2 parties au jeu comme je dois publier ma vidéo avant la sortie du jeu avec cette course à la nouveauté du monde ludique, je vais me dire qu’effectivement, il y a beaucoup de cartes aventure. 34 pour être exact. Sauf que ces cartes ne sont qu’une variabilité artificielle. Si je rajoute une relique, je peux ajouter facilement 7-8 cartes au deck. Et là on retrouve ce que l’on croise habituellement dans les jeux, à savoir un trésor qui fonctionne en collection (plus vous en avez plus vous scorez), un autre qui fonctionne en ensembles (plus vous en avez des différents plus vous scorez), en avoir plus que les autres, ou au contraire moins que les autres etc… Des ressors assez communs dans le gameplay et qui permettent facilement d’augmenter un deck de cartes pour décrocher ce fameux argument souvent galvaudé de rejouabilité.
Par contre vous allez souvent surcharger le jeu en ajoutant toutes ces petites mécaniques que le joueur devra intégrer et qui seront souvent différentes l’une de l’autre. Et assez classiquement, le joueur fera des retours à la règle pour se rappeler ou rappeler aux joueurs comment fonctionne tel ou tel effet. La lisibilité et l’iconographie doivent alors être aux petits oignons pour que cela soit clair pour les joueurs quand ils croisent ces icones durant la partie.
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Pour conclure, KD propose cette petite originalité de mixer des mécaniques et sensations d’eurogame classique, à savoir gestion de ressources, placement d’ouvriers, emplacements limités, avec une thématique bien présente avec cette « pression » de la horde qui arrive aux portes de la cité et qu’il faudra combattre tous ensemble (ou presque). Après 1 ou 2 parties, la durée se réduit et le rythme de jeu bien maitrisé me conviennent parfaitement, même si le temps de mise en place est un peu long pour ce jeu. Au final un jeu qui ne marquera pas d’une pierre blanche le monde ludique, mais qui à mon sens devrait sortir de sa relative invisibilisation car c’est en le jouant qu’on découvre ce qu’il a sous le capot. Ce côté coopétitif dans un univers fantasy a de quoi plaire à beaucoup de joueurs je pense.
Alors on va parler en 1er lieu du jeu en lui-même, même si ça ira vite ! Le jeu a été réédité ou rethématisé à plusieurs reprises, vous l’avez peut-être croisé sous le nom de Risk Express, Age of War, et date de 2006 à l’origine. Il est l’œuvre du Dr Reiner Knizia, et vous avez forcément joué à un de ses jeux. En même temps, il indique sur son propre site web en avoir plus de 800 édités, beaucoup de succès commerciaux et/ou critiques, et on peut citer par exemple Pickomino, Tigres et Euphrates, Samurai, Mille Fiori, Schotten Totten, Lost Cities etc …
Risk Express, euh pardon Age of War, enfin Camarades je veux dire, vous propose de lancer des dés, valider une ligne de symboles sur une carte, relancer à nouveau les dés restants, en essayant de remplir totalement la carte visée, qui rejoint alors votre zone. Quand toutes les cartes sont obtenues, on compte les points, chaque carte rapportant des points, chaque famille complète détenue par un seul joueur en rapportant encore plus. Vous allez aussi pouvoir piquer les cartes des adversaires, et c’est ça qui amènera un peu d’interaction, de « grrrr » de « oh ! » et de « ah ! » dans un jeu si mécanique.
Contre toute attente le jeu plait. Certains diront qu’il tourne bien ! Intergénérationnel, fédérateur, consensuel, autant de termes qui s’appliquent à un Skyjo, un Hit ! (aussi Knizia d’aillleurs), un Flip 7. Ça s’explique en 30 secondes, ça se joue en tenant 3 discussions différentes durant la partie, et ça ne vous demandera guère plus que de jeter mécaniquement les dés à plusieurs reprises à votre main, et choisir une carte. Je force le trait, mais ça souligne quand même qu’il n’est pas besoin d’en rajouter des tonnes pour fédérer autour d’une table et faire passer de bons moments. Et c’est là certainement le tour de force de ce jeu qui remplit pleinement sa mission.
Personnellement, il n’arrive pas à la cheville d’un autre jeu du cher Docteur, j’ai nommé Pickomino, une leçon de game design et d’efficacité dans un jeu contenu, qui brave l’épreuve du temps et qui n’a pas quitté ma ludothèque depuis son achat il y a moult années. Je n’ai même aucune envie de rejouer à Camarades, je cherche d’ailleurs à lui trouver un foyer accueillant, puisque parmi tous les petits jeux que j’ai, il restera en queue de peloton et prendra la poussière.
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knizia.de
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Une leçon de marketing
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Le jeu ou plutôt la leçon de marketing qui accompagne cette sortie est bien plus intéressante à étudier que le jeu en lui-même à mon sens. Il est clairement indissociable du touche à tout faiseur d’or qui est derrière, ou plutôt devant, et même dedans. Vous allez comprendre.
Simon du Passe Temps, personnalité bien connue du monde du jeu et des internets, est le patron de la boutique le Passe Temps à Toulouse. Il est aussi l’influenceur et créateur de contenu numéro 1 indiscutable de notre marché de niche. Que ça soit pour la créativité, le ton, la connaissance ou la qualité, pas un ne lui arrive à la cheville. Joueur invétéré, et depuis longtemps, il a du flair, et fait tellement bien son job que les éditeurs attendent impatiemment qu’il détecte une pépite pour la localiser. Et bien il s’est à nouveau démultiplié et s’est dit qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et donc que ce petit jeu de dés qui est l’un de ses préférés, n’est plus édité ? Qu’à cela ne tienne, il le fait lui-même ! Le voici donc éditeur, avec Offline Editions à ses côtés sur ce projet.
Donc on résume, vendeur et patron de boutique, influenceur numéro 1, dénicheur de jeux, et dorénavant éditeur. On dirait que la boucle est bouclée ? Dans d’autres secteurs on parlerait de position dominante. Et c’est justement ce que je trouve si intéressant dans ce coup d’essai qui est un coup de maître. Est-ce qu’il y en aura d’autres ? À un moment, même si à sa tête on voit bien qu’il doit dormir 3 heures par nuit, il va falloir certainement réorganiser, déléguer pour ne pas y laisser sa santé. C’est un peu le problème des passionnés, ils ne s’arrêtent jamais.
Bon on parle d’un jeu fédérateur, qui ne prend pas de risque, qui a déjà été édité, réédité et s’est déjà bien vendu par le passé. On ne va pas chercher un jeu original, qui casse des codes, éblouit par son originalité ou définit un nouveau genre. Mais, et comme il s’en félicite fièrement et à raison avec une autre vidéo, ils en ont mis en place 10.000 en boutiques. De nombreux éditeurs aimeraient avoir ce même chiffre quelques semaines après la sortie d’un jeu.
Simon et son équipe ont donc réussi le tour de force d’aller repêcher un jeu qui n’était plus édité, l’a redesigné, a créé une extension (créer l’offre), a produit des contenus avant, pendant et après la sortie du jeu pour s’assurer de son succès (créer l’envie), a enfilé une nouvelle casquette d’éditeur (fournir le jeu), et a vendu 10.000 exemplaires. Chapeau bas. La boucle est bouclée.
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Made in France
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L’autre élément à retenir selon moi est aussi l’apport de Offline Editions, basé en Alsace, et qui a donc produit un jeu en France. Ok le matériel est limité, il y a des dés et des cartes. Et une piste de dés mais ça c’était déjà leur produit étendard avant cela. Mais tout de même. Plusieurs éditeurs le mettent en avant, la recherche du « produit en France » doit se développer. C’est donc une bonne chose que ce jeu et tout le barouf qui l’entoure coche cette case. Par contre, j’espère que le sachet zip qui fait office de rangement ne sera plus jamais proposé. Ok ça permet de se démarquer, d’avoir un côté original, mais franchement ça se range comment avec les autres jeux de nos ludothèques ? Simon a une boutique et doit pester régulièrement à raison du trop grand nombre de jeux, que les boutiques ne peuvent pas suivre. C’était donc l’occasion de proposer un contenant en rapport avec le contenu, donc une boite qui n’est pas remplie de vide.
Ce Camarades ne m’a donc pas intéressé pour le jeu en lui-même qui est loin d’être le meilleur jeu de dés et heureusement. Par contre, tout ce qu’il l’entoure est une masterclass, et doit certainement donner des idées à d’autres. Est-ce qu’on retiendra le jeu ou la leçon de marketing qui a été donnée ? Peut-être les 2, mais si on avait encore besoin d’exemples montrant qu’une promo bien faite pouvait faire vendre, et bien la sortie de Camarades sera certainement à marquer d’une pierre blanche dans notre milieu ludique. Chapeau bas en tout cas Monsieur Simon, et bravo pour ce projet mené de main de maître.
Il m’aura fallu quelques temps avant de passer le pas et de me lancer dans ce troisième volet de Great Western. En quoi un jeu qui m’est cher serait-il mieux avec des moutons à la place des vaches ? Force est de constater qu’il l’est, et voici pourquoi.
Alexander Pfister est de retour avec ce troisième opus, illustré par Chris Quilliams, et cette fois-ci nous voici partis en Nouvelle-Zélande pour y élever des moutons et les livrer par voie terrestre et maritime.
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On reprend les classiques, mais pas que.
Cet opus reprend les grandes mécaniques de Great Western avec l’amélioration de plateau, les cartes d’animaux à arranger pour en livrer des différents, les bâtiments à construire et une iconographie très proche.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Great Western, un rapide tour du propriétaire (pour les autres, on se retrouve au prochain chapitre) :
Great Western est un jeu expert eurogame où vous incarnez un éleveur de bétail, ici des moutons, que vous allez livrer après avoir parcouru le plateau en vous arrêtant sur des bâtiments neutres ou à votre couleur pour effectuer des actions en vue d’avoir une meilleure main de cartes, de construire des bâtiments et d’avancer votre bateau pour débloquer de nouveaux lieux en vue d’y livrer. Vous disposez également d’un plateau personnel vous offrant des actions et des bonus que vous pourrez améliorer en retirant des marqueurs (en les livrant).
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Mais ce n’est pas tout, le jeu n’est pas une simple resucée, il propose une réelle mécanique de deckbuilding : ici, vous pourrez récupérer des cartes qui tourneront dans votre deck, vous offrant des bonus récurrents sur lesquels appuyer vos stratégies.
C’est le principal ajout de cette version : cela permet d’élargir le champ des possibilités et d’ouvrir de nouvelles voies. Mais ce n’est pas tout, vos ouvriers vous permettront cette fois-ci de tailler vos moutons dont la laine est une source de revenus possible également. Cette laine permet également d’effectuer des livraisons, donc là encore on a plusieurs manières d’avancer possibles.
Le tour de force de Nouvelle-Zélande est clairement de garder l’ossature de Great Western et, par de petits ajouts, de venir ouvrir les voies stratégiques des joueurs. Ce qui en fait un très sérieux concurrent au titre de meilleur Great Western entre les trois.
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On n’a pas parlé du second ! Great Western Argentine, qui a un peu le cul entre deux chaises, pas vraiment éloigné du premier, pas totalement nouveau, avec des idées étranges comme la possibilité de réduire très fortement le tour de plateau.
L’Argentine apporte cependant de très bonnes idées comme les livraisons par bateau en 2 temps, une idée de seconde ère reprise en NZ en plus léger. Dans certains bâtiments, l’action va changer quand la partie abordera sa seconde moitié.
Malgré mon amour inconditionnel du premier great western, je pense qu’à terme NZ prendra le pas, même l’extension Ruée vers le nord ne suffira pas à laisser le premier opus devant ses concurrents.
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Nouvelle-Zélande fonctionne dans toutes les configurations de 2 à 4 joueurs, même si l’interaction n’est toujours pas sa plus grande force. On reste sur un système de premier arrivé pour les cartes de bétail, les ouvriers à recruter, les emplacements de bâtiments ou les bonus à récupérer. Le jeu est tout de même optimisé pour offrir un peu plus de tension sur les différentes ressources et que l’on fasse ainsi plus attention à ce que feront les autres.
Côté matériel et illustrations, c’est joli, c’est classique et la présence sur table est, comme pour tous les jeux experts, énorme. J’ajoute la mise en place qui peut être longue et fastidieuse. Une grande table et un peu de temps pour tout préparer ; si vous êtes prêts à ces sacrifices, le reste en vaut largement la peine.
Avec Great Western Nouvelle-Zélande, on a le Great Western Final, le plus abouti et le plus intéressant à jouer, en attendant le suivant ? Mister Pfister aime nous faire des séries, alors pourquoi pas !
Au labo, on tente une expérience cette année : introduire le jeu de société dans une école maternelle.
Pour cela, il a fallu embarquer les autres parents d’élève, la direction et les instituteurs.
Il a fallu ensuite contacter les éditeurs et une boutique locale pour créer un pool de jeux pour les petites, moyennes et grandes sections. Le tout aura pris quelques semaines pour se mettre en place mais on va enfin bientôt faire jouer les jeux aux enfants. Alors, cette première partie est faite pour présenter les jeux choisis de façon plus classique. S’ensuivra une seconde partie avec les retours des enfants et de l’équipe pédagogique.
Alors, quels sont les jeux que l’on a pu réunir pour cette première année ?
Le Bonhomme de paille de Marie et Wilfried Fort, illustré par Gaëlle Picard, édité chez Space Cow
Cache Cache Loustic de Bertrand Roux, illustré par Alena Tkach, édité chez Loki
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7 jeux pour tous les goûts avec des mécaniques différentes, du coopératif et du compétitif, bref, il y a un peu de tout. Commençons avec Lolly Dogs.
Pour les premiers retours sur les jeux, ils ont été joués avec mon fils et ses amis, des enfants de 5 ans un brin compétiteurs qui gèrent la frustration… comme des enfants de 5 ans. Ces précisions apportées, commençons le tour du propriétaire.
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Lolly Dogs
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Les petits chiens ont mangé les sucettes et les voilà avec la langue teinte. Ils sont 12 au milieu de la table et, à votre tour, vous lancez 2 dés vous indiquant 2 couleurs. Votre but est alors simple : trouver les 2 chiens avec les langues des couleurs indiquées.
Votre but est d’en récupérer 6 dans votre jardin ou d’en avoir le plus si tous les chiens au centre de la table sont pris.
Ce qui fait la particularité de Lolly dogs, ce sont ces petits chiens en plastique sur lesquels on vient appuyer sur ses fesses pour en vérifier la couleur de sa langue. Un jeu simple, voire même basique, mais le matériel le rend très marrant, fun à jouer.
Comme tout jeu memory, les adultes ne sont pas avantagés : se souvenir de la couleur d’un petit chien alors que celui-ci sera déplacé de joueur en joueur n’est clairement pas une mince affaire, là où les enfants semblent se souvenir de tout avec une déconcertante facilité.
Un jeu pour toute la famille donc, qui ne demande pas de savoir lire ou compter ; les petits sont plus que bienvenus ici, le matériel aidant à jouer. Le jeu est donc jouable à partir de 4 ans sans limite d’âge. Le coté compétitif aurait pu provoquer de la frustration et une réaction des enfants, mais pas de souci à la maison, jouer avec les petits chiens permet d’accepter sa défaite.
Ils semblent d’ailleurs d’excellente qualité et leur manipulation ne les abime pas, pourtant on passe notre temps à leur appuyer sur les fesses.
Lollydogs a beaucoup plu ici, les adultes étant agréablement surpris par le fun de son matériel qui peut également se transformer en jouet pour les enfants. Bref, on valide.
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Roule Tampouille
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Essayez de remettre un peu d’ordre à la ferme en regroupant les animaux en groupes.
Dans Roule tambouille, on lance 3 dés dont les faces sont les 5 animaux de la ferme et une botte de foin en joker.
Le joueur actif choisit un dé et vient tamponner l’animal choisi dans sa ferme, le but étant de créer des groupes de mêmes animaux pour qu’ils rapportent plus de points. Ce qui surprend, c’est le plaisir de tamponner sa feuille avec des animaux colorés. Le côté stratégique est basique, mais présent, surtout en fin de partie pour le placement des derniers animaux.
crédit photo : Space Cow
Le jeu peut gagner en épaisseur pour plaire à des joueurs plus âgés avec des cartes amenant des bonus de pose pour rendre votre partie un peu plus intéressante pour des joueurs de moyenne ou grande section.
Un jeu simple et joli, tamponner sa feuille permet là aussi de bien gérer la frustration de la victoire/défaite vu que chacun a sa feuille tamponnée. Le jeu est à la frontière du jouet et c’est bien vu.
Un chouette jeu qui fonctionne avec les plus petits sans pour autant écarter les plus grands, même les adultes y jouent avec plaisir, on lui met le tampon validé !
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Coucou Hibou, Coucou
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Les petits hiboux doivent vite retourner dans leur nid avant que le jour ne se lève, telle est votre mission dans Coucou Hibou. Coucou.
Pour cela, chaque joueur a 3 cartes devant lui, et si parmi elles se trouve une carte soleil, il doit la jouer et avancer le jeton du soleil d’une case sur la piste de ce dernier. Et vous l’aurez compris, si le soleil parvient au bout de sa piste, la partie est perdue pour tout le monde.
Pour l’emporter, ce sont vos autres cartes qu’il faudra jouer : elles vous permettent d’avancer le hibou de votre choix sur la prochaine case de la couleur indiquée. Il faut donc anticiper les déplacements tous ensemble pour qu’aucun hibou ne soit à la traîne, le tout sous la menace de ce soleil qui avance inexorablement.
crédit photo : Gigamic
Le jeu propose une belle réflexion qui pourrait paraitre simpliste au premier abord, mais ne vous y fiez pas, le jeu vous demandera d’anticiper les déplacements des oiseaux pour gagner. La menace de tirer une carte soleil et donc de sauter son tour (vous êtes obligé de jouer une carte soleil si vous en avez une) peut casser vos plans et vous obliger à vous adapter.
Le jeu propose différents niveaux de difficulté avec de 4 à 6 hiboux à rapatrier pour permettre aux plus jeunes de jouer. Cependant, le jeu est à jouer à partir de la moyenne section pour des petits joueurs aguerris : pas de texte ou de nombres, mais anticiper et prévoir 2 ou 3 cartes à l’avance écartera les petites sections.
Tout le matériel est en carton et les cartes résistent bien aux manipulations, mais il reste préférable de les laisser devant chaque joueur et de ne pas trop les manipuler pour conserver le jeu sur le long terme.
Coucou Hibou, Coucou est un bon jeu pour la famille, plaisant et sérieux, il permet de jouer tous ensemble.
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Team Story
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Une histoire merveilleuse à inventer, conter et se remémorer pour réussir en équipe, c’est Team Story.
Le but est simple : une fois le thème choisi entre aventure et magie (il est possible de mélanger les deux), on pioche 20 cartes que l’on pose face cachée sur la table. Un joueur sera l’auditeur, à lui de bien écouter l’histoire inventée au fil de l’eau par les narrateurs et surtout de se rappeler des détails qui lui seront contés. Il nous faudra également un scribe pour suivre le cours de l’histoire et vérifier si l’auditeur remet bien les bonnes cartes dans l’ordre.
La partie peut désormais commencer : chaque narrateur à tour de rôle va continuer l’histoire commencée par le premier en ajoutant au récit une des 3 cartes qu’il a en main. Il vous faudra donc faire preuve d’imagination et de précision : les différences entre les cartes sont parfois minimes ; un dragon volera en crachant du feu ou pas, par exemple.
Une fois l’histoire contée, avec entre 6 et 10 cartes pour ajouter de la difficulté avec une histoire plus longue, on vient mélanger les cartes des narrateurs avec celles non utilisées. Elles sont ensuite toutes retournées face visible, et l’auditeur va alors venir retrouver les cartes utilisées et les remettre dans l’ordre. Cette phase intéressera moins les narrateurs qui peuvent sortir un peu du jeu ; il faut alors les maintenir dans la partie.
Les narrateurs marquent des points si leurs cartes sont choisies, bien placées ou non, et l’auditeur marque des points en choisissant les bonnes cartes avec un bonus s’il les place au bon endroit.
Team Story fait la part belle à l’imagination, mais il faudra être à l’aise pour parler et inventer en public, un jeu pour les grandes sections ou les moyennes à l’aise à l’oral. Cependant, même les enfants un peu introvertis peuvent y prendre plaisir en plus petit comité.
Chaque partie sera bien entendu différente, même si un élément marquant et/ou marrant d’une partie pourra venir se glisser dans une autre. Avec ses deux paquets de cartes aux thèmes différents, on a de quoi voir venir.
Team Story est un bon jeu qui n’aura de limite que votre imagination ou vos envies.
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Île en vue Moussaillon
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Un trésor dont la carte fut aperçue quelques instants, une équipe de flibustiers sans foi ni loi et une longue vue pour se diriger sur les flots et retrouver le butin en prenant garde aux dangereux pirates qui rodent sur ces mers. L’île en vue moussaillon vous propose d’observer, de discuter et de diriger votre navire vers la bonne île pour en déterrer le trésor.
La partie commence par une histoire mettant en place notre aventure et nous permettant de regarder quelques instants l’illustration de l’île à retrouver.
Ensuite, chacun notre tour, nous allons regarder dans la longue vue, décrire ce que nous y voyons avant de discuter avec les autres si cet élément était présent sur l’île aperçue en début de partie.
La décision finale revenant au joueur ayant la longue vue en main de garder cet élément ou de le défausser.
Mais attention ! Si vous voyez un drapeau de pirate, vous êtes attaqué, et pour vous défendre, lancez le dé de vos canons pour savoir si vous parvenez à les mettre en fuite ou si vous subissez des dégâts. Chaque dégât vous fera perdre une voile, et si vous perdez la dernière, ce sera la fin de votre aventure et de votre rêve de richesse.
Sinon, il vous faut retrouver les 5 éléments qui sont présents sur l’île que vous ciblez, c’est l’unique moyen de réussir votre voyage et de gagner le trésor.
Pas si simple de gagner donc, il faudra faire confiance à chacun sur sa description de l’élément vu, les discussions devront être constructives pour que tout le monde soit bien d’accord si l’on garde ou si l’on retire l’élément et surtout, en cas de désaccord, accepter que le joueur actif ait le dernier mot.
Les joueurs timides ou introvertis auront un peu de mal à s’imposer et à se défendre si quelqu’un vient remettre en question leur avis. Pour autant, même les petites sections pourront jouer, faites confiance à leur mémoire.
Le jeu propose 3 niveaux de difficulté avec des éléments en plus sur la carte à observer. Rien de bien sorcier, mais pour autant il faudra être précis quand viendra le moment de décrire un élément de décor par la suite.
Île en vue moussaillon laisse la part belle aux échanges, aux rires et, avec sa petite tension sur les pirates et les points de vie de votre bateau, il coche pas mal de cases pour être un très bon jeu. La longue vue sera au centre des convoitises, matériel de bonne qualité ; elle résiste bien aux manipulations, mis à part le canon sur lequel on vient poser notre dé qui ne tiendra pas plus de 2 ou 3 parties, autant le laisser de côté.
Île en vue moussaillon est une belle découverte, pas le jeu le plus en vue de cette sélection, mais il a plu.
crédit photo : gigamic
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Le Bonhomme de Paille
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Une vilaine tempête a jeté au sol le pauvre bonhomme de paille qui était chargé d’éloigner les corbeaux des cultures. Reconstruisons-le vite pour protéger tomates et carottes avant que les oiseaux ne s’accumulent au coin du champ.
Le jeu vous demandera à votre tour de tirer un jeton de votre sac et de récupérer une pièce de la couleur indiquée pour soit la placer sur le bâton qui sert de colonne vertébrale au bonhomme de paille, soit l’ajouter dans votre sac pour la tirer plus tard et la placer.
Prenez garde, un de vos jetons représente un corbeau et vient ajouter un oiseau au coin du champ : 6 oiseaux alignés et la partie sera perdue.
Placer une pièce de couleur dans votre sac vous permettra, sur un de vos prochains tours, de la piocher à la place d’un jeton et de la placer sur le bâton, si c’est la pièce demandée, bien entendu.
Le jeu associe le toucher pour reconnaitre les pièces une fois placées dans le sac, la gestion de la construction de l’épouvantail avec l’anticipation des prochaines pièces demandées.
Un jeu malin et très accessible où la coopération est surtout là pour accompagner la mauvaise pioche du joueur actif. Le matériel en bois est agréable au toucher, j’ai un peu peur pour le bâton que l’on vient placer au milieu de la boite qui sert de décor et de reposoir.
Le bonhomme de paille permet aux moyennes et grandes sections de jouer sans problème là où il faudra accompagner les plus jeunes pour que la partie se déroule tranquillement. Le jeu avec son thème reposant est un moment plutôt calme pour réunir tout le monde le temps d’une partie.
crédit photo : space cow
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Cache-cache Loustic
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Le parc pour enfants devient le théâtre d’une grande partie de cache-cache ! Vite, vite, allons nous cacher derrière le toboggan ou sous le grand arbre en espérant ne pas être vus.
Cache-cache Loustic nous propose à tour de rôle de nous cacher puis de chercher les autres dans ce parc formé du couvercle et de l’intérieur de la boite de jeu où l’on vient placer des éléments de décor comme un arbre, le toboggan ou une haie. Le joueur en charge de retrouver ses petits camarades ne pourra regarder qu’à travers les 2 yeux des grandes faces de loups que l’on peut placer au début de la manche ; ou, pour un peu plus de difficulté, on placera un premier, mais on laissera le doute entre 2 espaces pour le second.
Le but est simple : observer et retrouver les personnages des autres joueurs pour marquer des points. L’idée du jeu est bonne, mais un défaut vient à mon sens gâcher la réalisation. Quand on se déplace d’un œil d’observation au second, il faut se retenir de regarder le jeu au risque de voir les meeples des autres et donc de ruiner la manche. Pas simple d’empêcher les plus jeunes de regarder quand ils se déplacent, et pour les plus grands le jeu parait trop enfantin.
Le jeu souffre également de la comparaison avec 1, 2, 3, faufiletoi, qui propose lui aussi de revisiter le cache-cache à la sauce ludique avec brio. Reste que Cache-cache Loustic est joli, les éléments en carton peuvent être rangés sans les démonter, mis à part le grand arbre et la porte de la maison. Ces deux éléments semblent bien supporter le montage-démontage, à voir sur la durée.
Cache-cache loustic est celui qui m’aura le moins plu, le jeu amène une bonne idée, mais son souci de gameplay et un jeu qui m’aura bien plus plu sur cette mécanique le descendent.
crédit photo : Loki
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Reste à voir l’avis des enfants et des instituteurs une fois joué à l’école !
Voilà pour cette première partie de présentation des jeux. Dans un second temps, je vous ferai un retour sur les parties jouées à l’école et sur les avis des enfants et des enseignants, ainsi que sur le classement de ces jeux.
La critique de Dungeon Legends a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Peu de gens s’en souviennent, mais l’année 2020 a été marquée par un événement terrible : le confinement. Ne croyez pas ce que les magazines de l’époque racontent, ce n’était pas le temps du ressourcement et de la méditation déconnectée. C’était le Vietnam ou presque, et il a fallu faire preuve d’imagination pour survivre, surtout quand il s’agissait d’occuper une petite fille friande d’aventures. D’ailleurs, ce goût pour les histoires remplies de monstres, de héros, et de dés, lui est resté depuis. Heureusement, cela fait un certain temps que les jeux de société pour enfants s’intéressent au sujet, à savoir les jeux coopératifs qui nous voient affronter des bestioles terrifiantes et découvrir des trésors. Alors qu’on avait déjà Andor Junior ou Chronicles of Light dans la ludothèque, un ami m’a conseillé les Chroniques d’Avel. J’ai bien fait d’écouter cet ami.
Dans le genre aventure puzzlesque, le jeu de <copier – coller> Przemek Wojtkowiak est en effet bourré de bonnes idées, et son cousin un peu plus âgé, Dungeon Legends, également, en plus de partager le même univers, des illustrations pas dégueu par <copier – coller> Bartłomiej Kordowski et un matériel très qualitatif. Suivant l’âge et l’appétence de votre tête blonde pour la chose, je conseillerai l’un ou l’autre, mais on va d’abord prendre le temps de voir quoi il retourne exactement. On n’est pas chez les sauvages.
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Les Sims : mon premier Land Crawler
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Chroniques d’Avel nous enjoint à incarner l’un des héros chargés de défendre le château du royaume, alors que les astres ont prédit l’arrivée d’une Bête dans 12 manches. Ouais, on n’est pas chez Météo France ici, on fait dans la précision. En attendant l’apocalypse, il s’agit donc de s’équiper, d’améliorer cet équipement, de récupérer des potions, et de préparer le terrain en évitant la surpopulation de monstres, en construisant des remparts et en posant des pièges. 2 actions par tour, se déplacer, attaquer, ou activer le lieu où l’on est, les règles sont élaborées juste ce qu’il faut pour des enfants de 6-7 ans. Viennent alors les différentes bonnes idées qui classent selon moi Chroniques d’Avel dans les vrais bons jeux coops pour enfants.
Première bonne idée, chaque joueur a droit à son plateau double couche qui figure un personnage qu’on peut customiser en lui donnant un nom, en dessinant son blason, et en coloriant sa tenue. Le jeu va même jusqu’à proposer un mini-générateur de noms en cas de panne d’inspiration. La deuxième couche du plateau joueur permet de dessiner les contours du personnage, et donc les emplacements pour son casque, son arme, son bouclier, mais aussi l’espace occupé par son sac à dos. Eh oui : si le paquetage du joueur est déjà plein, plus moyen d’y rajouter des pièces d’or, une potion, ou encore un casque de rechange, il faudra s’en passer, ou jeter quelque chose à la place. On ajoute ainsi un petit dilemme facile à appréhender pour les enfants, c’est très malin, en plus de rendre la personnalisation de son héros ou héroïne carrément satisfaisante.
Ça tombe bien, c’est le cœur du jeu : les combats servent en effet principalement à récupérer de l’équipement, des pièces d’or qui permettent d’acheter de l’équipement ou de l’améliorer, bref à accéder à des dés de combat plus puissants que ceux qu’on lance au début. Et là, deuxième idée qui plait beaucoup : quand on gagne un équipement, il faut le piocher au hasard dans un sac en toile, MAIS chaque type d’équipement présente une forme bien particulière. On tripote donc chaque token jusqu’à reconnaitre sous ses doigts les contours d’un bouclier ou d’une potion. Superbe façon d’introduire la petite excitation de l’aléatoire, mais sans la déception de tomber sur un loot qui ne nous convient pas, à condition d’être suffisamment attentif, c’est une belle trouvaille.
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Elève appliqué et très soigné, pensez à rajouter un peu de folie
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Le reste du jeu est bien calibré, avec une difficulté bien dosée, pas mal de liberté dans l’action, une courbe de progression au fur et à mesure des parties (« cette fois-ci, faut trouver rapidement la tuile qui permet de construire les murailles ! »), la surprise quand on découvre un nouveau monstre, l’analyse qui se met en place parce que les plus grosses bestioles annuleront certains dés, l’adrénaline et l’appréhension quand enfin le big boss débarque et commence à progresser vers le château avec sa cohorte de vampires, trolls et autres dragons. Pour ces catégories d’âge et de type de jeu, on tient un jeu très solide, même si évidemment il en faudrait toujours plus : la rejouabilité n’est pas immense par exemple, puisqu’elle dépend uniquement de l’emplacement des tuiles terrain, placées face cachée au début du jeu et suivant un agencement choisi parmi ceux du livret de règle en fonction de la difficulté souhaitée.
Il manque également un peu de différenciation entre les différents personnages incarnés par les joueurs, et ne croyez pas qu’il s’agisse d’une lubie d’adulte : pour les enfants aussi c’est appréciable, puisque ça leur fournit une ligne directive, un guide, quand il s’agit de décider quoi faire dans un jeu qui ne nous dit pas ce qu’il faut faire. Andor Junior le fait par exemple, avec l’archer qui a plus de jetons d’action, le nain qui peut passer par la mine, ou le guerrier qui peut lancer plus de dés. Chronicles of Light aussi, chaque héroïne ayant des actions spécifiques et des quêtes en accord. Dans Chroniques d’Avel, tout le monde commence avec la même feuille blanche, et chacun tentera d’améliorer son valeureux héros avec ce qui lui tombe sous la main. Ce n’est pas forcément facile à prendre en main. Mais vous savez quel autre jeu glisse un peu d’asymétrie dans sa mise en place ? Dungeon Legends.
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Rengagez-vous, qu’ils disaient !
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Jeu coopératif également, toujours situé dans le royaume d’Avel, où l’on doit toujours empêcher des monstres d’atteindre ce foutu château. La ressemblance s’arrête cependant là, le gameplay étant tout autre, et la proposition un peu plus ambitieuse. Cette fois-ci, chaque joueur doit exploiter au mieux une main de 5 cartes, qui vont lui fournir les ressources nécessaires aux actions qu’il souhaite réaliser pendant son tour. Se déplacer, combattre, se soigner, récupérer de la poussière d’étoile, tout ça peut s’effectuer à condition d’avoir les icônes correspondantes en main, à charge ensuite au joueur de décider s’il doit taper sur ce monstre qui se rapproche dangereusement du château, ou plutôt se renforcer, ou encore activer ce lieu qui permet d’avancer vers la réalisation de la quête et donc la victoire.
Les 6-7 ans risquent d’être un peu perdus du coup, à moins qu’ils soient particulièrement éveillés. Même s’il y a peu de texte à lire, il y en a, et les dilemmes à trancher sont un peu plus nombreux que dans Chroniques d’Avel, ce qui fait évidemment tout l’intérêt du jeu. On gagne également en complexité tant au niveau des personnages que du scénario lui-même. Chaque héros, il y en a quatre au total, est fourni avec son deck de cartes dédiées, qui ne présenteront pas exactement les mêmes icônes d’un personnage à l’autre, mais également son plateau personnel, sur lequel on constatera également de légères différences, comme le nombre de points de vie ou l’existence d’un bonus de départ. Rien de très fou, mais ça donne tout de suite une identité au personnage qu’on choisit d’incarner. La mise en place propose par ailleurs de choisir un lot de 3 compétences qu’on pourra toutes activer une fois et une seule pendant la partie, ce qui renforce encore cette différenciation.
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C’est mardi, c’est catacombes
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Le scénario, lui, est à choisir parmi cinq, avec des objectifs, des monstres et des obstacles ou événements différents. Le jeu propose également de les enchainer au cours d’une mini-campagne, avec pour seul fil rouge la possibilité de conserver d’un scénario à l’autre l’une des cartes avancées gagnées pendant la partie. Là encore, ça reste très léger, mais pour des enfants c’est parfait, et puis les cartes avancées, toutes avec un effet foil, sont assez classes. J’ai d’ailleurs été ébaubi par la qualité du matériel pour un jeu retail, loin des folies Kickstarter : cartes foils, tuckboxes individuelles pour chacun des personnages et des scénarios, avec liste des composants inscrite sur le rabat, tapis néoprène, plateaux double couches, le jeu se met en place très facilement et est hyper satisfaisant à jouer. Et si vous avez une imprimante 3D ou que vous connaissez quelqu’un qui en a une, il existe sur Thingiverse des fichiers STL de très bonne qualité qui permettent de remplacer les standees des personnages par des minis.
On est donc clairement loin du dungeon crawler pour barbus aguerris, qui trouveront le gameplay un peu simple et la profondeur de jeu pas très… profonde justement : peu de scénarios, des monstres qui se ressemblent tous, une évolution quasi inexistante des personnages. Et malgré ce qu’on peut voir ou lire un peu partout, il ne s’agit certainement pas d’un deck building, puisque si on peut effectivement gagner de nouvelles cartes qui arriveront rapidement dans notre main, jamais est-il possible de se débarrasser de celles qui ne nous intéressent plus. On ne construit rien, il n’est pas possible d’orienter son deck d’une quelconque façon. Mais pour des enfants à partir de 9-10 ans, ou même des joueurs qui découvrent le genre, c’est assimilable rapidement, le puzzle est bien présent et peut d’ailleurs se révéler corsé dans les derniers scénarios, la mise en place est aisée et le jeu très agréable à jouer.
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Attention, un jeu cool peut en cacher un autre
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Si vous cherchez donc du jeu d’aventure pour vos marmots, je ne peux que conseiller les deux titres, tant ils ont été soignés dans leur conception et leur fabrication. Ils ne sont pas interchangeables bien sûr, et je laisserai chacun juge de la précocité de sa progéniture. Quoi qu’il en soit, et comme tous les bons jeux pour enfants, ils se révèlent également stimulants à jouer pour les parents et, en ce qui concerne Dungeon Legends tout du moins, pourrait même intéresser des joueurs occasionnels ou qui ne veulent pas se coltiner les pages de glossaire et les livrets de règles à rallonge. Le seul souci au final, c’est de devoir à chaque fois vérifier sur Internet avant d’écrire le nom de <copier – coller> Przemek Wojtkowiak ou encore de <copier – coller> Bartłomiej Kordowski.