Test : Onix

Test : Onix

Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.

J’ai joué à Onix à l’état de prototype lors du dernier festival de Vichy. Je ne me rappelais pas y avoir joué jusqu’à ce que je reçoive le mail annonçant sa sortie, et la réception de cette boîte presse.

Généralement c’est pas bon signe.

Mais en l’occurrence, tous les jeux ont-ils besoin d’être inoubliables et de susciter un engouement de dingue à chaque partie ? Il est tellement courant de voir un enthousiasme délirant sur les réseaux à la sortie d’un jeu pour le voir disparaitre de ces derniers, ainsi que des boutiques quelques semaines ou mois après.

Habituellement, c’est plutôt l’originalité que je recherche, mais sur ce type de jeux simples, pour la famille, et rapide, d’autres critères rentrent en considération.

Onix me fait penser à ce type de jeu qui ne m’éblouit aucunement, ne révolutionne pas grand-chose sinon rien, et ne sortira peut-être pas du tout de la masse des jeux qui sortent.

Par contre j’y joue, et j’y rejouerai, et c’est finalement l’essentiel.

J’ai fait la 1ère partie avec mon fils de 7 ans (Je dis la 1ère car je ne me rappelais plus bien de celle sur le proto), histoire de faire tourner le jeu, et anticiper les questions que pourraient me poser les autres joueurs sur des points de règles. Point positif, il ne devrait pas y avoir beaucoup de questions tant le jeu est simple. J’ai aussi choisi mon fils comme cobaye, car je suis en constante recherche de jeux pour moi, ma femme et mon fils de 7 ans.

Je recherche des jeux abordables, avec 2 ou 3 règles, rapides, et faciles à se rappeler. Onyx coche toutes ces cases, et c’est tout ce que je lui demande. Il rejoint ma ludothèque spéciale pour nous 3, avec Hit, Skyjo, Kites, Canardage, Trio, Service Compris…

Aucun de ces jeux cités ne m’a enthousiasmé par sa proposition ludique, son design, ses mécaniques, par contre, ils voient les vagues de nouveautés passer et y résistent fièrement.

Comme tous ces jeux, on peut jouer à Onix et tenir une conversation en même temps, pendant un apéro, en famille ou entre amis. Il en faut des jeux comme ça. Cela permet de s’adonner à notre passion ludique, sans pour autant réduire le lien social à peau de chagrin, ou qu’il se limite aux échanges concernant le jeu. Ma femme aime bien jouer à des petits jeux, mais n’est pas passionnée comme moi. Donc, si on peut faire autre chose en même temps, c’est parfait !

Avec ses mécaniques de collection qui nous demande de constituer des piles avec les 4 gemmes différentes, et d’actions avec les 4 actions possibles lors du choix d’une gemme, le joueur aura un bel équilibre entre jouer dans son coin, et surveiller ce qui se passe ailleurs. Mon fils par exemple, adore détruire mes cartes. En représailles, j’aime bien lui en voler, et terminer une collection par là-même. Résultat, il a une carte en moins, et j’en mets 3 ou 4 dans ma pile de score. Oui je comprends que cela peut vous paraitre assez indigne pour un père de faire des représailles sur son fils de 7 ans. Mais bon ça me fait du bien, et il a passé l’âge où il pleurait quand il perdait 😉

Maintenant que mon statut de père indigne est établi, on peut se concentrer sur l’attrait de ce jeu pour les plus jeunes qui, avec les 2 mécaniques proposées, essaieront par moments de se concentrer sur leurs collections et les valider pour gagner des points, et parfois essaieront surtout d’embêter les autres avec les actions voler/détruire. L’impact sur le score final est limité, surtout si tout le monde joue en mode tranquille et non pas optimisation maximale (En même temps, pourquoi jouerait-on comme ça à ce type de jeu ??). On se retrouvera avec quelques points d’écart et c’est volontairement satisfaisant. Le jeu ne crée pas de frustration particulière.

Au moment de me relire pour conclure, je me dis que cette critique doit laisser l’effet d’un jeu pas ouf, dispensable. Et si je grossis le trait (comment ça, c’est tout à fait mon genre ?), eh bien oui, c’est le cas. Mais c’est le cas de tellement de jeux qu’on nous vend comme des pépites qu’au final je préfère largement un petit jeu sans prétention, bien créé, bien édité, peu cher, et qui peut surtout être joué avec mon fils, ma femme, mes amis, ma famille. Car ce jeu sera joué, et c’est certainement le meilleur compliment à faire à une boite en carton.

Disponible ici :

Prix constaté : 15€

Test : Valroc

Test : Valroc

VALROC : IT’S A KIND OF MAGIC

Cet article a été rédigé à l’aide d’un jeu envoyé par l’éditeur

Valroc est, avec Eternitium, l’un des deux premiers jeux d’une nouvelle maison d’édition belge, Haumea Games. Issus d’un financement participatif, la livraison a eu lieu au printemps et les jeux sont désormais disponibles en boutique.

Dans Valroc, vous incarnez un mage concourant pour devenir Archimage, parce que mage tout court, c’est pas aussi bien. Vous allez devoir améliorer les compétences de votre mage, envoyer vos assistants explorer de sombres lieux et parfois même vous allier aux forces obscures pour l’emporter. Le jeu mélange draft, pose d’ouvriers, gestion de ressources et un poil de push your luck.

Creatures adventures

La partie commence par une phase de draft. Tous les joueurs reçoivent une main de quatre cartes créatures domptables, les plus faciles à combattre. Ils en choisissent une et passent les cartes restantes à leur voisin jusqu’à ce que chacun ait récupéré trois cartes. On répète l’opération avec des cartes de créatures sauvages, puis mythiques. Les joueurs choisissent six cartes à garder parmi les neuf, dont obligatoirement au moins deux cartes mythiques.

Cette phase de choix est importante car le jeu se termine lorsqu’un joueur a affronté ses six créatures. Chacune nécessite d’avoir un niveau de connaissance dans plusieurs éléments, Feu, Eau, Terre et Air (FETA, facile à se rappeler) pour être vaincue. Il vaut donc mieux choisir des créatures ayant besoin des mêmes compétences pour optimiser. J’ai aimé cette phase qui met sur les rails l’ensemble de la partie, on sait déjà à peu près où on désire aller, la planificatrice en moi était ravie.

Une pose d’ouvriers un peu bancale

S’ensuit une phase d’actions qui dure jusqu’à la fin de la partie. Alternativement, les joueurs placent l’un de leurs ouvriers (mage, assistant et mercenaire) sur un lieu du plateau pour l’activer lors de la phase de résolution. Ces lieux permettent d’acquérir des ressources selon diverses modalités, d’améliorer ses compétences et de combattre ses créatures. Certaines actions ne peuvent être entreprises que par votre mage, et d’autres lui sont interdites.

Je ne rentrerai pas dans le détail, mais sachez que certaines ressources seront obtenues à chaque coup tandis que d’autres sont le fruit de la chance car vous piochez une carte et gagnez ce qui est indiqué, si quelque chose est indiqué. Cet élément m’a un peu moins plu car s’il n’y a rien de marqué, ou que vous n’avez pas de chance et êtes blessé, vous avez juste perdu une action, sans aucune compensation, pour un coût parfois supérieur à une autre action que vous êtes sûr de réussir. Et dans ce jeu qui est une course, les tours perdus peuvent rapidement vous faire prendre du retard.

La fin de partie atteinte, on compte les points de victoire qui proviennent principalement des créatures battues, des collections d’éléments auxquels elles appartiennent, du niveau de compétences atteint et des cours suivis avec un système de majorité. Diverses manières de marquer des points donc. Le mage avec le plus de points de victoire l’emporte et devient l’Archimage.

Un thème bien employé

L’un dans l’autre, je trouve Valroc plutôt chouette. Les règles sont vraiment accessibles et bien écrites, même si une petite relecture pour enlever les quelques fautes d’orthographe aurait été appréciable. Petit regret sur la couleur des cubes qui est indiquée comme « rouge » dans le livret de règles, mais est marron dans la boîte (Ne vous inquiétez donc pas si vous ne trouvez pas ces fameux cubes rouges, c’est tout à fait normal.). L’adaptation des règles pour 2-3 joueurs est facile et logique (moins d’emplacements disponibles sur les lieux, création d’une pioche supplémentaire pour la phase de draft, joueur fantôme pour les enchères) ce qui est agréable.

Le thème est vraiment bien développé et cohérent avec le jeu ; on essaie de mettre en majorité l’élément qui nous est le plus utile pour poser nos monstres afin d’avoir des bonus et la roublardise est de mise pour obtenir le titre d’Archimage avant les autres joueurs. Un petit effort aurait pu être fait pour la résolution des lieux sur le plateau en l’indiquant par des numéros étant donné qu’elle ne se réalise pas de haut en bas et de gauche à droite, mais on s’y habitue.

Gros coup de cœur pour moi sur la phase de draft en début de partie qui permet de bien se préparer, plus dubitative sur les actions push your luck très coûteuses et sans garantie de réussite, un résultat mitigé pour un jeu cependant sympathique, accessible et joliment illustré.

Disponible ici :

Prix constaté : 45 €

Les dangers de la traduction automatique dans le jeu de société – Le cas Inventions: Evolutions of Ideas – 2ème partie

Les dangers de la traduction automatique dans le jeu de société – Le cas Inventions: Evolutions of Ideas – 2ème partie

Nous vous avons partagé le texte documenté de Antoine Prono, traducteur professionnel, qui s’inquiète de l’arrivée de l’IA dans la traduction de nos jeux, dans la 1ère partie de ce dossier. Dans cette 2ème partie, nous avons cherché à en savoir plus auprès des autres personnes concernées par ce cas du jeu Inventions, à savoir l’éditeur Eagle Gryphon Games, les localisateur en charge de la VF Philibert, et le traducteur Stéphane Athimon.

Eagle Gryphon Games, l’éditeur bien connu des jeux de Vital Lacerda a répondu sur BGG au billet d’Antoine, publié au départ sur BGG.

Voici le texte original en anglais :

Et notre traduction que nous espérons aussi fidèle que possible :

Eagle-Gryphon Games est fier de travailler avec de nombreux éditeurs respectés du monde entier. Nous dépendons d’eux pour gérer les traductions dans leurs langues respectives. Bien sûr, ces autres langues ne sont pas nos langues d’origine et nous ne possédons pas l’expertise pour juger si une traduction est « meilleure » ou plus juste qu’une autre dans une langue non-anglaise.

En ce qui concerne nos règles anglaises, de nombreuses personnes révisent chaque livret. Il n’est pas inhabituel que pas moins de 20 personnes soient impliquées dans l’organisation, la correction et la relecture de nos livrets de règles avant qu’ils soient finalisés et confiés à nos partenaires internationaux pour qu’ils fassent leurs propres traductions. Et, de la même façon que deux éditeurs n’éditeront pas une règle de la même manière, deux traducteurs ne parviendront pas à une traduction identique d’un livret de règles.

Nous avons parlé des règles françaises d’Inventions avec notre partenaire très fiable qu’est Philibert. L’équipe française qui a traduit ces règles est la même que celle qui traduit les règles de nos jeux de Lacerda depuis maintenant des années, et leur travail de traduction a été apprécié et applaudi par leurs clients. Nous compilons actuellement une FAQ pour les règles d’Inventions. Lorsque nous l’aurons terminée, Philibert la vérifiera et créera un fichier français disponible publiquement. Philibert nous a également assurés qu’il ajouterait des relecteurs de son équipe connaissant les jeux pour les futures traductions.

Encore une fois, comme je l’ai dit précédemment, si vous avez une correction de règle pour la version française, vous pouvez l’ajouter à ce fil et nous la partagerons avec Philibert, et l’ajouterons à notre FAQ.

Nous apprécions toujours les retours constructifs. Etant donnée la haute qualité des jeux que nous produisons depuis plus de 20 ans, nous pensons que vous vous rendez compte qu’il est très important pour nous de maintenir les standards élevés de production de nos jeux.

Lien vers le post d’origine, et les réponses :

Nous avons ensuite contacté Philibert, la boutique en ligne que beaucoup connaissent, et qui fait aussi la localisation de certains jeux, notamment Inventions : Evolution of Ideas.

Voici leur réponse par mail, pour laquelle nous avons l’autorisation de publier :

Hello Fabien,

Je te remercie pour ton message.

Effectivement, il semble que quelques personnes aient relevé des tournures de phrases peu claires ou qui auraient pu être mieux écrites, on a eu 2 ou 3 retours à ce sujet. On comprend que ça puisse rendre la lecture des règles plus fastidieuse qu’elle ne devrait l’être, bien que la version originale des règles soit elle-même bien corsée et parfois un peu floue. Heureusement, les règles sont riches en exemple, ce qui facilite normalement la compréhension.

Par rapport à la traduction, il s’agit de la même équipe qui a traduit l’ensemble des jeux de Lacerda que nous avons localisés jusqu’à maintenant (On Mars, Lisboa, The Gallerist,…) et son travail avait été plutôt apprécié sur les jeux précédents. Ils conservent tout notre confiance et celle d’EGG, ils connaissent la structure et les jeux de l’auteur, ce qui est indispensable pour une traduction aussi complexe, et des jeux qui le sont tout autant.

Quoi qu’il en soit, nous sommes responsables de la localisation et du résultat final en VF de ce jeu. On travaille en collaboration étroite avec l’équipe de traduction, qui fournit un travail apprécié depuis des années, mais c’est nous qui validons les règles in fine. A notre sens, l’équipe n’a donc rien à se reprocher.

On est désolés si cette fois-ci, la formulation de certains points de règle n’a pas été à la hauteur des attentes des joueurs et de même qualité que les traductions précédentes. Une FAQ en anglais est en cours de rédaction pour éclaircir certains points de la VO qui étaient flous ou ambigus. Une fois qu’elle sera prête, on reprendra la règle avec ces modifications et on la mettra à disposition sur la fiche produit.

Nous allons renforcer le travail de relecture et les process pour que la prochaine traduction retrouve le niveau habituel.

Bonne journée et à bientôt.

Ludiquement,

Morgan

Puis nous avons cherché à échanger avec Stéphane Athimon, traducteur du jeu, qui est prof d’anglais, de handball et qui a traduit de nombreux jeux selon son profil BGG, mais sans préciser si c’est bénévolement ou de manière professionnelle.

Ce dernier nous a répondu qu’il ne souhaitait pas fournir d’autres réponses, et que les réponses fournies par Eagle Gryphon et Philibert étaient suffisantes.

Nous le remercions tout de même d’avoir pris le temps de nous répondre.

Nous avons pris le temps de contacter les différents intéressés, afin de vous donner une vision la plus complète sur ce cas du jeu Inventions : Evolutions of Ideas, et ne pas se contenter d’une seule version. A vous de vous faire votre idée, votre opinion !

L’équipe du Labo des Jeux.

Les dangers de la traduction automatique dans le jeu de société – Le cas Inventions: Evolution of Ideas

Les dangers de la traduction automatique dans le jeu de société – Le cas Inventions: Evolution of Ideas

Un article de Antoine Prono – Transludis

La traduction avant l’IA

Les progrès de l’IA en termes d’illustration, de rédaction et de traduction, sont fascinants. Une nouvelle fois, comme à l’arrivée de Google Translation, on promet aux traducteurs qu’ils seront bientôt remplacés par la machine, qui saurait mieux faire qu’eux, plus rapidement, sans avoir besoin de se reposer, et surtout, sans demander de salaire. 

Jusqu’alors le milieu du jeu de société était plutôt épargné, pour trois raisons : la première, c’est qu’il y a encore une dizaine d’années, il n’y avait que très peu de traductions professionnelles. La deuxième est que l’IA n’était pas aussi accessible : Google Translate était universellement reconnu comme très insuffisant. La troisième est que le business n’était pas aussi développé et que certains métiers – comme le mien – n’existaient tout simplement pas dans cette spécialisation.

L’eldorado de la post-édition

Mais voilà qu’arrive une solution hybride présentée comme miraculeuse et rendue possible par les progrès de l’IA : la post-édition. Cette pratique qui a déjà causé énormément de tort dans le jeu vidéo (et que je vois arriver dans le jeu de société avec inquiétude) consiste à faire pré-traduire un texte par une machine, puis de faire passer un humain derrière pour corriger les fautes de la machine. À écouter les agences de traduction, c’est un gain de temps considérable : on traite davantage de texte, l’IA se débrouillerait pas si mal, et puis il y a quand même un « traducteur » pour assurer le coup derrière (en fait, c’est là qu’est l’astuce, on peut le payer deux fois moins cher puisqu’il ne fait « que » relire). 

En réalité la post-édition pose beaucoup de problèmes : l’IA ne sait pas reconnaître les références culturelles, les sarcasmes, l’humour, les niveaux de langue, la tonalité, le sous-texte, les non-dits, les expressions idiomatiques… et se plante encore souvent. De manière générale, elle fait le café, comme on dit, mais ne remplace pas un professionnel. Elle fournit un texte médiocre mais exploitable, très inférieur à ce que peut faire un traducteur à qui on donne le temps de bien travailler. Or, le relecteur qui passe derrière est plutôt mal payé et plutôt que de prendre le temps de bien corriger (ce qui en réalité impliquerait de repartir de zéro), il pare souvent au plus pressé pour abattre le plus de texte possible. Il ne relève donc pas autant de fautes qu’il le devrait et reformule le moins possible, ce qui a un effet pervers : cela pousse les agences ou donneurs d’ordres à croire que finalement l’IA travaille bien – puisque le relecteur n’a quasiment rien touché ! 

Il faut savoir que les agences ont poussé l’utilisation de la post-édition dans un seul objectif : augmenter leurs propres marges. En fait, ce sont les seules à profiter de cette méthode (tous les autres acteurs sont perdants sur le long terme) : elles peuvent prendre de plus gros volumes tout en payant leurs traducteurs moins cher et capturer le marché avec des prix trop bas pour qu’un humain puisse s’aligner dessus. Au final, le prix des produits traduits, lui, ne baisse pas (l’IA n’a jamais fait baisser le prix final d’un livre, ni d’un jeu, ni de quoi que ce soit qu’elle ait touché). L’utilisateur final est lésé parce qu’il achète au même prix une traduction médiocre ; le client qui a fait traduire son produit est lésé parce que son produit est devenu médiocre dans la langue-cible ; et les traducteurs sont lésés parce qu’ils n’ont plus de boulot.

L’utilisation de l’IA dans ce contexte n’est donc pas un progrès : simplement elle permet de produire plus de contenu en un temps donné et augmente donc les volumes (mais au prix de la qualité de la traduction).

L’application concrète au jeu de société

Dans le jeu de société, il n’y a pas d’agences (ou très peu) et le donneur d’ordres est plus souvent l’éditeur ou le localisateur. Or, je constate avec stupeur que certains commencent à céder aux sirènes de la post-édition pour aller plus vite (et sans doute payer moins cher, même si je n’ai pas ces détails), au mépris de la qualité de rédaction du jeu. 

Le dernier Lacerda, Inventions: Evolutions of Ideas, a été traduit de cette façon (et ce n’est certainement pas le premier). En m’amusant à mouliner la VO dans DeepL, j’obtiens la même chose que ce qui est imprimé en VF, à quelques mots près. Notez l’aspect maladroit des phrases et le calque de la syntaxe d’origine, là où on attendait une reformulation.

Je n’ai pas pris le temps de m’attarder sur les Lacerda précédents, mais en remontant les archives des jeux traduits par la personne qui a signé la traduction de celui-ci, je suis tombé sur Lands of Galzyr qui affiche le même genre de phrases, mais en pire. Je constate donc que la méthode de travail a été utilisée plusieurs fois, et ce malgré le fiasco qu’a été Lands of Galzyr à sa sortie. Ce qui aurait pu être un formidable jeu d’aventure narratif en VF est devenu une blague récurrente et un synonyme de médiocrité. 

Oui, mais on comprend quand même, non ?

Alors certes, on pourrait croire que contrairement à Lands of Galzyr, le jeu Inventions : Evolutions of Ideas est « correct ». 

C’est d’ailleurs l’écho que j’en ai eu quand j’ai demandé à l’équipe en charge de la localisation française, s’ils étaient au courant de la méthode de travail de leur « traducteur » (qui à ce stade est plutôt un opérateur car aucun diplôme n’est nécessaire pour faire passer un texte dans un logiciel de traduction automatique) : eux ne voyaient pas le problème et estiment n’avoir rien à se reprocher ; apparemment, seuls quelques empêcheurs de tourner en rond auraient détecté des erreurs et commencé à pinailler, la grande majorité (silencieuse) des gens étant satisfaits de cette « traduction ».

Je ne sais pas ce qu’il en est réellement. Mon exigence de travail fait que je ne me satisfais pas d’un « ça vaaaa, on comprend ». Une traduction, surtout dans le jeu de société, se doit d’être irréprochable, sans zones d’ombres, voire supérieure à la langue d’origine si cela est nécessaire. 

J’invite donc tous les auteurs, joueurs, éditeurs et acteurs du milieu à refuser cette méthode de travail qui, si elle semble faire gagner du temps au départ, fait reculer la qualité globale de rédaction sur le long terme. Une chose est sûre : les traducteurs seuls ne suffiront pas à convaincre les quelques éditeurs qui s’essaient à ce genre de pratique d’y renoncer si les ventes donnent raison à ces mêmes éditeurs. Les joueurs, en revanche, sont en mesure d’exiger une traduction professionnelle et de manifester leur mécontentement si ce n’est pas le cas. 

Conclusion

Je ne m’exprime pas uniquement en tant que traducteur. En tant que jeune auteur, je serais furieux de constater qu’un jeu sur lequel j’ai travaillé des heures soit saboté par une traduction automatique sous prétexte d’économiser quelques deniers. En tant que joueur, enfin, j’estime que l’argent que je dépense dans un jeu vaut un travail et un investissement à hauteur de la dépense fournie, et pas quelque chose que je pourrai faire moi-même en moulinant le texte dans un logiciel de traduction automatique. 

Je termine malgré tout sur une note positive : à ce jour, dans le jeu de société, ce genre de pratique reste l’exception. Je milite pour que cela reste ainsi et espère que ce billet aura convaincu ceux qui se posent encore des questions à ce sujet.

Merci de votre attention.

Antoine Prono – Transludis.

Le labo en festival : Les jeux du Graoully 2024

Le labo en festival : Les jeux du Graoully 2024

Ce week end a eu lieu le festival du Graoully, organisé par la boutique la Caverne du Gobelin. Acteur incontournable dans le jeu de société en lorraine, La caverne du gobelin c’est, à l’heure actuelle, 6 boutiques (Metz, Nancy, Pont à Mousson, Toul, Thionville et Semécourt), un site web et 3 festivals dans l’année, Metz, Nancy et Pont à Mousson. Et je ne parle pas de toutes leurs participations aux diverses initiatives dans la région. Bref, un sacré acteur du jds.

On en revient à nos moutons avec ce 3ème festival organisé par la boutique chaque année, et ce de manière gratuite pour les visiteurs ! Et ça c’est top. J’adore m’y rendre les matins, et chose parfois rare, j’y trouve toujours de la place pour y jouer. Bref ce festival coche beaucoup de cases positives et devient un incontournable de mon année ludique.

crédits photos : La caverne du gobelin

Sous le signe des enfants

J’y suis allé cette année en famille, du coup je n’ai presque fait que des jeux enfants ^^

Loki (le studio enfant de Iello), Smart Games, Gigamic et Space Cow, les tables éditeurs enfants ne manquaient pas !

Cache-cache loustic

Nous avons commencé par Cache-cahe Loustic chez Loki qui revisite le 1, 2, 3 Soleil de nos cours de récré en jeu de société sur table. Même si j’ai apprécié la qualité du matériel et cette utilisation des couvercles de la boîte comme plateau de jeu que je trouve souvent bien pensée, le jeu en lui-même n’a pas déchainé l’enthousiasme des parents, ni même des enfants. Assez répétitif et basique, on se contente de placer nos meeples sur le plateau, en essayant de les cacher des 2 lignes de vue du loup, symbolisées par 2 têtes de loups que l’on positionne sur les côtés du plateau. Le joueur qui incarne le loup à ce tour, devra se cacher les yeux pendant que les autres placent leurs meeples, puis regarder au travers de cet œil de loup et désigner la couleur du ou des meeples qu’il apercevrait par là. Le loup récolte des tokens s’il voit quelqu’un, ceux qui ne sont pas vu récoltent aussi des tokens.

Prochain tour, le loup change, et rebelotte.

C’est mignon dans l’idée, plutôt bien édité avec cette utilisation de la boite comme plateau de jeu, mais ça tourne vite en boucle. A réserver vraiment aux plus jeunes selon moi.

Smart Games

Encore de belles sorties chez Smart Games, même si j’ai toujours ce sentiment de voir 2 ou 3 mécaniques sans cesse exploitées, rethématisées, et déclinées à outrance. Casse-tête de construction, casse-tête géométrique, placer les formes dans un espace contraint, etc.

Là je note 2 belles sorties surtout car cela apporte une mécanique de duel, dans le sens où les jeux sont prévus pour 2 joueurs, avec chacun son plateau, et la victoire à celui qui réussit le défi le plus rapidement. Le joueur n’est donc plus seul face à son défi, mais le duel rajoute cette tension de la résolution plus vite que l’adversaire.

Genius Square et Genius Star. Vous lancez des dés au début de la manche qui impose les contraintes de placements. Ensuite vous devez placer tous les éléments sur votre plateau le plus vite possible. Le Genius Star est un cran au-dessus avec un plateau en forme d’étoiles et des formes plus complexes à placer. Même mécanique et même proposition de jeu sinon. Pour les amateurs de casse-têtes en duo version compétitive.

Les classiques pour enfants avec Lièvres et Renards, Pagodes, Forteresse … qui sauront titiller la curiosité, l’envie de réussir le niveau ou encre exacerber la frustration de vos enfants mais pas que. C’est du x à 99 ans parce que même si le thème proposé est enfantin, certains défis vers la fin sont vraiment costauds ! Il y en a pour tous les goûts, des chevaliers et châteaux, des animaux, des astéroïdes, des fantômes, etc. Niveau édition, cet éditeur a quand-même bien compris sa cible.

Kids Express

Autant la version « adulte » Colt Express a de quoi séduire avec sa mécanique de programmation qui permet d’avoir du fun, un mix stratégie/chaos et des résolutions d’actions étonnantes, autant sur cette version enfant, les choix de mécas simplifient vraiment trop le tout pour faire pshit. Super matériel comme d’hab’, le train à construire et assembler pour la partie en mettra plein les yeux des jeunes joueurs. Mais c’est un peu tout ça pour ça.

Surtout les enfants vont se ruer vers l’action qui consiste à essayer de faire tomber du train les méchants, avec une pichenette d’une silhouette en carton depuis l’extérieur du train. Sorte de tir au pigeon, ça enthousiasme clairement les enfants. Tant mieux, mais un peu au détriment du jeu finalement, qui n’a qu’un déplacement et pioche d’un jeton à offrir en tant que 2ème possibilité d’action. Quand une des piles de jetons d’un wagon est vide, on fait le compte.

Roule Tampouille

Le roll & write version enfant, je m’y suis frotté avec Encore Kids ! chez Spiel. Déclinaison paresseuse de ce jeu Encore ! qui constitue un roll & write de découverte plutôt bien ficelé, j’ai vu ce Roule Tampouille d’un œil circonspect. Eh bien, ce que je peux dire, c’est que visiblement, un studio de développement spécialisé enfants (Space Cow) saura logiquement mieux éditer un jeu vers cette cible.

Encore heureux me direz-vous, mais si je me sens obligé de le préciser, c’est que ça n’est pas forcément toujours le cas. Pour ce jeu en tout cas, la proposition me semble bien amenée et bien travaillée, tant avec le matériel (des tampons tous mignons que les enfants vont adorer utiliser), que sur le niveau de jeu (on peut ajouter des cartes objectifs). Oui on est sur du roll & write mais les enfants le verront surtout par le biais de ces tampons, ces animaux à grouper dans les parcelles, et à organiser tout ça au mieux.

A partir de 5 ans, mais les plus âgés pourront aussi ajouter les cartes objectifs qui amèneront une dose de difficulté et rajouteront de l’intérêt à un jeu simple qui peut proposer un challenge plus relevé, avec plus de contraintes de placements, mais toujours avec ces tampons choupinous.

Plouf Canard

Plouf effectivement. A réserver aux plus jeunes tant la proposition est légère. Lancez un dé, faites avancer la cane et ses petits, la cane doit être toujours devant et « mener la danse ». Le chemin est pavé de symboles correspondants aux faces du dé. Le mien n’a plus l’âge. Me semble faire partie de ces jeux pour tous petits, où souvent l’enfant s’amuse (c’est déjà ça) mais les parents s’ennuient, et guident dans l’exécution et l’application des règles.

Solstis

Bonne pioche celui-ci que j’avais acheté 10 jours auparavant et qui était jouable sur le festival. Reconstituer un paysage à l’aide de tuiles, une mécanique de « capture » de tuile et un duel qui fonctionne puisque les tuiles jouées par un joueur sont indisponibles pour l’autre. 15 minutes de jeu après la 1ère partie, une boite riquiqui, ça coche plein de cases.

3 tuiles dans sa main, une rivière de 6 tuiles visibles. Vous jouez une tuile de votre main, si la couleur ou le chiffre correspondent à l’une des tuiles de la rivière, vous récupérez les 2 et les placez pour reconstituer votre montagne. Si ça ne correspond pas, votre tuile va dans la rivière, vous prenez une tuile de la pioche et vérifiez à nouveau s’il y a correspondance couleur ou chiffre. Si non, prenez une tuile arc-en-ciel qui fonctionne comme un joker en se plaçant à n’importe quelle endroit de votre montagne. A la fin, gagnez autant de points que votre plus grande surface de tuiles, les PV des esprits rencontrés, et les feux reliés à la vallée. Simple et pas autant dans le « chacun dans son coin » qu’il peut paraître au premier abord. Pas d’interaction directe non plus à aller pourrir le plateau adverse, mais plutôt à surveiller la montagne de l’autre, chaque tuile étant présente en 1 exemplaire, si un joueur se focalise sur une zone de la montagne, peut-être envisager une autre zone à développer, ou alors lui couper l’herbe sous le pied (ou essayer en tout cas).

Très satisfaisant car maitrisé dans son rapport poids/durée, qui fait qu’en 10-15 minutes une partie est pliée, et que la profondeur demandée est en adéquation avec ce temps de jeu.

Un peu d’« expert »

Une salle dédiée aux jeux expert animée par l’ami Ben des Recettes Ludiques propose sur les 3 festivals de joueur à du costaud. Ce week-end, c’était Kutna Hora dont je vous ai déjà chanté les louanges, Path of Civilisation (fond de jeu intéressant mais pourquoi ce travail éditorial qui alourdit tout à tous les points de vue ??), Wyrmspan (la version boosté de Wingspan à laquelle j’ai hâte de pouvoir jouer tranquillement), etc.

crédit photo : la caverne du gobelin

Des tournois de JCC et TCG, une braderie, un espace boutique, des jeux surdimensionnés, un espace auteurs et même en prime un match de D2 féminine à 13h le dimanche, puisque les filles du club jouaient l’après-midi ^^ Et oui, ça se déroule au stade du FC Metz ! 😉