Test : Crystalla

Test : Crystalla

Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.

Crystalla arrive dans le monde déjà bien rempli des jeux qui vous demandent de faire le plus grand score en plaçant des tuiles représentant des motifs et en les agençant de manière optimale. Le jeu a quelques atouts comme l’égrenage au moment de la sélection de sa tuile et les tuiles malus que l’on pourra donner à ses adversaires. Pour le reste, c’est très convenu, jusqu’au scoring extrêmement classique.

Pattern

Azul, Patchwork, logiquement vous connaissez, sinon je vous conseille de vous y intéresser. Ces 2 grands noms ont marqué le monde ludique. La mécanique de ces jeux est de vous faire reproduire des motifs, en assemblant des tuiles, des jetons. Généralement on draft un élément du jeu et on l’ajoute à son plateau personnel. De l’endroit où on le place, et des éléments qui l’entourent dépendront les points que vous marquerez. Le but est d’optimiser votre placement en fonction des éléments disponibles et ceux laissés par vos adversaires.

Tel motif ou couleur, vous devrez le placer loin d’une autre, ou au contraire adjacent à tel autre, l’un marquera des points s’il est en périphérie de votre plateau, celui-ci demandera à avoir la plus large zone de même motif etc … C’est un peu toujours pareil et Crystalla n’échappe pas à la règle. Les différentes façons de scorer sont souvent le plus important à retenir et à bien garder en tête durant la partie, afin d’optimiser votre placement.

Patchwork est un classique qui a connu de nombreuses déclinaisons, Azul aussi même s’il est plus récent.

Attention au rythme à 4 joueurs

Ce genre de jeu me fait penser à un vieux salon avec ma grand-mère et l’horloge comtoise que l’on entend égrainer les secondes. C’est chouette, mais si ça dure 1 heure rien ne va plus. En plus d’être le genre de jeu à facilement déclencher l’AP, Crystalla est pas franchement dynamique, le tour d’un joueur peut durer alors imaginez s’il y en a 3 à jouer avant vous à chaque tour … L’Analysis Paralysis, élément qu’on retrouve assez souvent dans les jeux est dépendant des joueurs, mais pas que. Le jeu en lui-même peut le favoriser si par exemple plusieurs éléments changent avant votre tour de jeu, rendant difficile l’anticipation de l’action que l’on va effectuer. Avec Crystalla, les joueurs ont un impact direct sur les cartes disponibles que vous pourrez choisir à votre tour. En plus, ils pourront vous envoyer une tuile malus qu’il faudra placer sur votre grille, avant que le joueur suivant exécute son tour. Du coup, le joueur qui a déjà du mal à se décider en temps normal va trouver quelque chose qui lui ira comme à gant. Si vous avez des joueurs soumis à l’AP régulièrement, n’espérez pas que ça soit mieux avec ce jeu, vous voilà prévenus.

Ergonomie et DA

Un élément qui ne m’a pas plu dans le jeu c’est dès la mise en place avec le fait de devoir faire neuf piles à peu près égales, qu’on dispose au centre et sur lesquelles on viendra égrainer les cubes pour s’arrêter sur une carte. Les joueurs aux gros doigts, maladroits ou trop pressés vont vous foutre les cubes partout sauf sur les cartes, mettre le bazar dans les piles, et virer le cube en prenant la carte. L’égrainage c’est chouette comme méca, mais des cubes sur des piles de cartes c’est pas ce qu’il y a de mieux pour la stabilité sur la durée de la partie.

Très bon point pour la carte de décompte qui permet de se rappeler du scoring de chaque couleur, et que chaque joueur a de visible devant lui.

En parlant d’élégance, on en vient à la direction artistique. Alors surtout, n’oublions pas que Schmidt est un éditeur allemand, très ancré dans le passé pour la plupart de ses choix artistiques, et comme vous vous en apercevez, Crystalla n’échappe pas à la règle. On aime ou pas, ça c’est personnel, au moins il ne sera pas possible de confondre les couleurs entre elles. De ce côté-là c’est plutôt impactant. À voir comment le jeu se comporte en Allemagne ou dans les pays où il sera vendu, mais en France, ça va être très clivant, et pas évident de déclencher l’achat rien qu’en voyant la boite.

Scoring vu et revu

Aucune originalité dans la façon de scorer, une gemme score par paire présente dans votre grille, une autre en étant adjacente à une autre même gemme, d’autres c’est la zone de gemmes, une autre il faut reconstituer un symbole… Rien de nouveau sous le soleil. On a donc uniquement cet ajout de l’égrainage des cubes pour choisir sa carte, qui peut déclencher l’obtention d’un bonus pour soi, ou donner ce qu’on espère être un malus à un autre joueur. C’est trop léger je trouve pour gagner sa place dans ma ludothèque, j’aurais aimé avoir plus d’éléments novateurs ou accrocheurs, ça ne sort pas des clous finalement.

Un joueur n’ayant pas joué à Azul, Patchwork ou un autre pourra y trouver son compte sans souci, le fait est que des jeux sortent tout le temps et depuis pas mal d’années, cela me semble difficile de durer avec si peu de différences, même si cela s’est déjà vu. Crystalla est un jeu abstrait cohérent dans sa proposition et qui vous proposera un challenge de construction de motifs avec neuf cartes à poser devant vous, en essayant d’optimiser au mieux. Et un petit sourire en coin quand vous réussirez à donner une tuile qui embête particulièrement votre adversaire.

C’est donc avec 2 petites touches intéressantes mais qui ne changent pas foncièrement le ressenti global, que Crystalla essaiera de faire sa place sur le moyen-long terme en boutique. Si le jeu vous intéresse, il est déjà en solde sur notre boutique partenaire Golden Meeple.

Notre boutique partenaire :

Prix constaté : 25 €

Test : Mille Fiori

Test : Mille Fiori

J’aime bien Mille Fiori. Je trouve ce jeu très reposant. Et pourtant il demande un peu de réflexion avec ses bonus à déclencher en cascades et sa frustration amenée par les adversaires qui vous empêcheront de faire vos combos comme bon vous semble. Un côté yin et yang, pile et face, avec un rythme un peu lent, des couleurs toutes douces, des petites (trop petites) cartes, des jetons en plastique transparent. Mais aussi une « tension » bien présente puisque vous serez à la recherche de combos toujours plus bénéfiques, mais vous ne devrez pas oublier que tout le monde joue sur le même plateau. Et vos adversaires, sauf s’ils jouent mal, ne vous laisseront pas scorer 30 points à chaque tour.

Reposant, et frustrant donc.

Mille Fiori c’est aussi le Xième jeu de Reiner Knizia, le docteur en jeu ultra prolifique que même Bruno Cathala envie. Oui, je sais, je l’ai déjà faite celle-là, mais la production ludique de l’un et de l’autre n’a pas démenti cette « vanne » depuis la dernière fois. Bref, ce M. Knizia est connu pour sa capacité à créer des jeux plus vite que vous ne pourrez y jouer. La question est surtout de savoir s’ils sont bons. Pas tous non, et il est bien difficile de se renouveler en créant autant. Et pourtant, avec Mille Fiori, Knizia tient quelque chose. Witchstone, l’un de ses derniers jeux, a beaucoup plu à Romain B., j’ai trouvé Whale Riders sympathique, Schotten Totten est un classique indémodable, Pickomino devrait figurer dans toute bonne ludothèque. Et je ne fais qu’effleurer le pedigree de cet auteur en citant quelques titres rapidement.

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Un Roll & Write servi sur un plateau

Les amateurs de Roll & Write ne seront pas dépaysés avec Mille Fiori, puisque, dès l’explication des règles, vous devriez avoir ce petit sentiment de « Ah mais je connais ça… A quel jeu ça me fait penser ? ». Cherchez pas trop loin, cherchez petit (la boite), souvent publié par le même éditeur d’ailleurs. Vous l’avez ? Voici Très Futé en jeu de plateau.

Vous avez donc des cartes en main, et non des dés, vous en jouez 1 qui vous permet de placer un de vos jetons dans la zone indiquée, et souvent sur le symbole indiqué aussi (Certaines zones fonctionnant différemment, mais vous avez compris le principe.). Avec une mécanique de draft, vous allez ensuite passer le paquet au joueur suivant, qui jouera une carte de ce paquet au prochain tour. Vous scorez immédiatement des points, et votre objectif sera donc de combotter au maximum en fonction de la zone dans laquelle vous placez votre jeton. Bien sûr, sauf s’ils n’ont rien compris au jeu, les adversaires devront surveiller ce que vous faites, et ne pas vous laisser poser vos jetons comme vous le souhaitez.

Donc, pas de dés mais des cartes, 5 zones différentes avec leurs propres règles de scoring, et vous draftez les cartes après en avoir joué une, ce qui se rapproche de sélectionner un dé parmi ceux lancés, et laissez les autres dés aux autres joueurs. Mécaniquement, c’est proche, il y a quand même plus d’interaction, la direction artistique est plus jolie (c’est pas trop dur comparé à la gamme très « outre-rhin orientée »), et le plateau est commun, ce qui n’est pas négligeable.

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Rythme, vous avez dit rythme ?

Eh bien, selon moi, Mille Fiori en manque cruellement. Dans le mode de jeu de base, vous en aurez plus, mais ça devient n’importe quoi puisque vous devez faire votre choix à l’aveugle. Dans le mode de jeu « avancé », la stratégie est bien plus présente et logique, mais on perd encore en rythme. ^^

Pas simple et on va voir pourquoi.

Je vous conseille très fortement de ne pas jouer avec la règle de base, qui indique que vous devez tous sélectionner votre carte en même temps et la poser face cachée. Chaque joueur joue ensuite dans l’ordre du tour sa carte, et pose son jeton. Ce qui signifie que ce que l’endroit où vous pensiez placer votre jeton pour gagner des points va potentiellement se transformer en coup complètement nul puisque votre/vos adversaire(s) auront placé leur jeton au même endroit, annihilant votre coup plutôt bien pensé au départ. C’est sûr que c’est plus rapide, mais, franchement, vous annihilez toute tactique dans ce jeu, au profit d’un hasard complètement frustrant.

A bannir selon moi, même avec des débutants. Vous allez plutôt les frustrer et vous leur faites manquer l’intérêt de ce jeu, qui vous demandera d’être opportuniste et tacticien.

C’est donc avec la variante que vous jouerez à Mille Fiori, puisque vous choisirez quelle carte de votre main vous allez jouer quand ça sera votre tour. Ce qui signifie que, si vous scorez 2 points, c’est que nous sommes au 1er tour, ou que vous n’avez rien compris au jeu. 😉 Car, là, vous pourrez jouer en vous adaptant à l’évolution du plateau et aux actions des autres joueurs, et votre opportunisme et votre tactique ne dépendront quasiment pas du hasard, c’est quand-même bien plus agréable à jouer, vous ne trouvez pas ?? Par contre, le rythme est sacrément ralenti, surtout si vous jouez avec des joueurs lents… C’est le défaut. Mais je vous avais dit que Mille Fiori était reposant, donc profitez-en pour faire une petite méditation minute en attendant votre tour.

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Salade de points, taille de cartes et jeu à 4

Le jeu vous fera compter les points sans arrêt, vous jouez une carte, posez un jeton, et comptez tous les points que ça déclenche, pour vous, et parfois pour les autres. Vous déplacez les pions le long de la piste de score, et passez le paquet de cartes au voisin. C’est à lui de jouer.

Mille Fiori est très mécanique et ronronne comme le chat de ma grand-mère. Mais il vous demandera aussi de vous adapter avec ce plateau central sur lequel tout le monde joue, et surtout sur lequel les autres viendront forcément vous empêcher de tourner en rond, de combotter à foison, et de scorer comme un dingo. Au lieu de ça, vous sentirez la frustration grimper quand, forcément, un joueur viendra poser son satané jeton sur l’emplacement que vous visez. A croire qu’il aura fait exprès… ^^

Côté matériel et configuration, c’est une boîte qui s’achète à 40€ pour un jeu qui se joue surtout à 4 selon moi. L’intérêt de Mille Fiori, même si c’est frustrant par moments, c’est justement de ne pas pouvoir jouer tranquille dans son coin, et se regarder faire 5 tours de la piste de score. « Oh bravo chéri, tu as fait 35 points à ce tour ! A moi maintenant, et hop 38 points ! ». Non, vous devrez gagner chèrement vos points, faire avec tous ces enquiquineurs autour de la table, jouer sur plusieurs zones durant la partie, et ne pas compter que sur l’une d’elles, vous adapter en fonction des cartes, et en fonction des emplacements disponibles. Bref, adaptabilité, opportunisme et tactique.

Un bémol sur la taille des cartes qui est le pire format qui existe (à peu de choses près). Les cartes sont très importantes dans le jeu, vous devez mélanger le tas à chaque manche, vous faites votre choix dans votre main de 5 cartes et vous passez le restant à votre voisin. Donc pas mal de manipulation de ces cartes, et ils ont réussi à nous fourguer des cartes adaptées à des mains d’enfants de 4 ans. Alors, je dis pas, ça peut être bien dans les jeux Haba ou pour enfants, mais là c’est juste pas possible. La boîte est en + assez vide, faites-nous un deck de cartes taille poker et on en parle plus. Chez Schmidt, vous avez pas joué au jeu pour ne pas être gênés par cette taille de cartes ??? Je plaisante un peu, mais chaque personne avec qui j’ai joué à eu la même réflexion et c’est bien dommage.

A part ça, Mille Fiori est très plaisant. J’aime y jouer pour ce côté reposant et frustrant (oui finalement les 2 ensemble, c’est possible). Ce jeu abstrait (Oui, parce que vous oublierez bien vite le thème, faut pas se le cacher.) me permet de retrouver les mécaniques de Roll&Write, sur un plateau et un jeu plutôt bien édité (sauf la taille des cartes, mais vous avez compris), dans un format assez court. Comptez 1 heure quand tout le monde a déjà fait 1 partie. C’est plaisant, il y a moyen de bien faire rager les autres joueurs en leur prenant un emplacement sous le nez, et il y a suffisamment de tactique pour ne pas jouer sans réfléchir. En plus, je peux y jouer avec des amis aussi joueurs que moi, mais aussi avec des gens ne connaissant que les Aventuriers du Rail, pour n’en citer qu’un. N’amenez quand-même pas une personne n’ayant jamais joué à un jeu moderne, vous risqueriez de la dégoûter (6 zones avec chacune leurs propres règles de scoring, draft, plateau en constante évolution etc…).