Test : Cthulhu Death May Die

Test : Cthulhu Death May Die

Hildebert Patrick Lovecraft l’avait bien compris : pas la peine de de faire de la grande littérature ou même d’écrire des phrases qui ont du sens, il suffit parfois d’une bonne idée pour gagner sa place au panthéon de l’imaginaire. A l’image de George Lucas et Jar Jar Binks, l’écrivaillon de Providence a touché le gros lot avec un titan grand comme une montagne, un poulpe sur la tête et des ailes de chauve-souris dans la tête. Chut, reposez cette hache, vous savez au fond de vous que j’ai raison. Cela dit, avec Cthulhu, mais aussi Yog-Sothoth ou Dagon, Hewlett Packard Lovecraft a su esquisser une cosmologie saisissante qui s’est considérablement enrichie par la suite et dans laquelle nombreux ont pioché.

Il n’est donc pas étonnant que des centaines de jeux se déroulent dans l’univers lovecraftien. Le décor est sympa quoiqu’un peu lugubre, les habitués légèrement tentaculaires mais tout à fait intéressants, le verre de bourbon à l’entrée est une belle attention, bref on s’y sent bien. Mais parmi les 600 jeux recensés par BoardGameGeek, le Cthulhu : Death May Die de CMON a su se tailler une belle réputation à coup de canne-épée et de pistolet Remington. Cet Ameritrash (des figurines, des dés, du thème, du hasard) a d’abord fait l’objet d’une campagne Kickstarter en 2020 puis la plupart des éléments sont ensuite sortis dans le commerce, avec une localisation française assurée par Edge. Vous voyez Zombicide du même éditeur ? Bah vous le jetez très loin et vous prenez DMD à la place.

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Le très appliqué Mr Whateley

LA similitude entre les deux jeux, c’est qu’ici aussi un tour se résout rapidement : le joueur effectue 3 actions, puis pioche une carte Mythos pour savoir quelle emmerde va encore lui tomber dessus, et enfin se défend contre les monstres de sa zone ou ramasse tranquillement du butin s’il est en sécurité. Un compteur fait avancer le Grand Ancien vers la destruction finale de notre monde et évidemment les investigateurs vont tout faire pour l’en empêcher. Vraiment, les auteurs n’étaient pas là pour inventer la roue.

Les règles de Death May Die sont donc hyper basiques. La maintenance est réduite à son minimum, il n’y a pas d’IA à gérer, et on passe son temps à lancer des brouettes de dés en croisant très fort les doigts. Pourtant, le jeu qui en émerge est un exemple en matière d’équilibre, de fun et de rejouabilité. Je pourrais citer plusieurs idées : la jauge de santé mentale qui précipite les joueurs vers leur fin mais rend les personnages toujours plus puissants ; les personnages justement, charismatiques et suffisamment différenciés pour qu’on ait envie de tous les essayer ; ou encore, l’équilibre incroyable qui fait qu’une partie va se décider sur le fil, et hésitera longtemps entre une victoire héroïque ou une défaite rageante. Mais voyons comment tout ça s’articule.

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Indiana Jones et le Necronomicon

Le jeu se montre extrêmement malin dès sa mise en place. Pour créer une partie, il suffit de prendre un scénario, et un Grand Ancien, et de mélanger les deux. Avec 2 Grands Anciens dans la boite de base, et 6 scénarios, vous avez déjà 12 aventures différentes. Sachant qu’il existe deux autres Grands Anciens dans le commerce, et 6 autres scénarios dans la boite de la Saison 2, on atteint donc 48 mises en place différentes sans forcer (à condition d’y mettre le prix). Ce même principe est à l’œuvre pour les personnages : chacun possède une capacité unique plus deux autres piochées dans un pool commun, et, sans parler d’asymétrie, cela suffit à générer des dizaines d’archétypes tous très différents. L’ambiance très pulp plaira ou non, mais leur design est en tout cas réussi et pour ma part je préfère cette ligue de gentlemen extraordinaires aux individus un peu tristounes d’un Horreur à Arkham.

Deuxième idée très simple mais très efficace, l’évolution des personnages pendant la partie. Tous ceux qui auront lu l’une des histoires d’Harry Potter Lovecraft vous le confirmeront, ses protagonistes sont souvent voués à sombrer dans la folie. De manière très thématique, les personnages vont donc progressivement perdre leur santé mentale. C’est irréversible – et c’est d’ailleurs étonnant que les jeux FFG dans le même univers n’aient pas exploité l’idée – et vos personnages finiront sûrement fous. C’est même la cause principale de décès dans ce jeu. Mais plus ils deviendront dingos, plus ils vont pouvoir améliorer leurs capacités initiales. Le principe est tout bête, mais marche très bien : les joueurs se retrouvent face à un dilemme permanent à trancher en termes de prise de risque (est-ce que je précipite ma fin pour pouvoir faire plus de dégâts ?), et ils vivent une montée en puissance tout au long du jeu avec un rythme souvent satisfaisant.

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La folie, c’est fantastique

Ces bonnes idées sont parfaitement exploitées grâce à un équilibre incroyable, qui rend la fin de partie épique avec un dénouement qui peut basculer dans un sens ou dans l’autre à tout moment. Trop souvent les jeux coopératifs nous laissent sur notre faim, parce qu’on sait deux ou trois tours à l’avance si l’on va perdre ou gagner. C’est pourquoi on se rappelle surtout les parties pendant lesquelles l’issue reste indécise jusqu’au bout. C’est là où Death May Die est très fort. Le jeu peut s’avérer sacrément punitif et la défaite n’est jamais loin. Mais il arrive régulièrement que malgré un avenir bien sombre, les joueurs triomphent au dernier moment : le Grand Ancien arrive sur le plateau, le rituel touche à sa fin, les joueurs sont de plus en plus atteints, trois investigateurs sur quatre sont déjà morts, et pourtant, sur un dernier jet de dés victorieux, la nonne explose le crâne de Cthulhu au fusil à pompe. Juste avant de sombrer elle aussi dans la démence. Le hasard des dés est ici parfaitement utilisé pour générer souvenirs et anecdotes que l’on partage ensuite avec gourmandise. L’Ameritrash dans toute sa splendeur.

Et puis quelquefois, ça se passe beaucoup moins bien. Le hasard des cartes Mythos, de la maladie affligeant un joueur, et bien sûr des nombreux lancers de dés, tout peut concourir à rendre l’expérience extrêmement pénible pour le groupe ou un joueur en particulier. Il arrive qu’un personnage soit plus ou moins sacrifié pour débloquer la situation ou simplement que l’aléatoire amène systématiquement les monstres sur sa zone pour y faire un maximum de dégâts. Le joueur qui l’incarne doit alors assister en spectateur au reste de la partie, en ayant le sentiment de ne pas avoir fait grand-chose. Le temps parait extrêmement long dans ces cas-là, même en sachant qu’en début de partie c’est Game Over dès qu’un personnage est éliminé. Le nombre de participants peut également jouer sur la sensation de fun ou sur celle de maitriser l’avancée du jeu. Les auteurs ont en effet pris le parti de ne rien adapter, ni le nombre de points de vie du Grand Ancien, ni la vitesse à laquelle il progresse sur sa piste (à l’inverse d’un Marvel Champions où tout est scalable). Il s’agit ici de préserver l’équilibre fragile d’un jeu qui repose énormément sur le hasard, mais la contrepartie logique c’est que plus il y a de joueurs, moins ils auront l’occasion de jouer d’ici la fin de la partie. Les configurations à 3 ou 4 investigateurs me semblent du coup à privilégier pour profiter au maximum du jeu.

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Sa place est dans une Kallax

J’étais allé à la rencontre de Death May Die avec tout un tas d’a priori : d’un côté, les Zombicide du même éditeur me laissent indifférent, de l’autre je suis un grand fan de l’univers lovecraftien et j’avais bien aimé mon initiation à The Others, autre jeu d’Eric Lang avec un postulat similaire. J’étais donc bien curieux de poser mes douces mains sur un jeu qui reprenait le même principe de montée en puissance couplé à une gangrène du personnage, mais sans Overlord. Et j’en suis ravi, j’adore tester de nouveaux personnages, engranger de la folie pour les rendre plus puissants, tenter des prouesses héroïques, échouer misérablement, vivre une aventure. Le gameplay est millimétré, les différents scénarios et Grands Anciens varient suffisamment pour proposer des expériences différentes, le matériel et les illustrations en font un objet qu’on manipule avec grand plaisir. Certes, il y a parfois des parties un peu laborieuses, ou trop punitives, et certains de mes joueurs n’y toucheront même plus avec un tison. Mais si vous cherchez un vrai Ameritrash coopératif et que l’univers ne vous rebute pas, je vous encourage fortement à venir vous frotter à l’indicible cosmique.

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Disponible ici :

Prix constaté : 99€

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Et pour être complet sachez que ce jeu a fait l’objet de plusieurs suites, et CMon vient tout juste d’annoncer la saison 3 pour ce jeu !!! Plus d’informations à venir très vite, en attendant voici le trailer de lancement … qui ne vous montre rien du tout ^^

https://fb.watch/g4cjNpUV4b/

2019: les jeux qui nous font de l’œil!

2019: les jeux qui nous font de l’œil!

Bien que certains jeux soient tenus « secrets » encore aujourd’hui, et que nous ne disposions pas de toutes les informations, il y a déjà une dizaine de jeux que nous avons identifié comme très prometteurs, et que nous attendons avec une grande impatience durant cette année 2019!

Si elle est aussi riche que 2018, ça s’annonce + qu’intéressant et ça démarre d’ailleurs très tôt avec le 1er de notre liste:

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  1. Outlive – Underwater

prévu pour fin janvier 2019

auteur: Grégory Oliver

illustrateur: Miguel Coimbra

éditeur: La Boîte de Jeu

outlive underwater

Cette extension ajoute un nouveau plateau de jeu XXL et un nouveau lieu, la base sous-marine, ainsi qu’un mode solo.

Outlive, le jeu de base, avait conquis tout le monde chez nous, et on espère que cette nouvelle extension qui semble apporter encore + d’interactions entre les joueurs saura apporter son lot de nouveautés intéressantes.

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2. Wingspan

prévu pour mars 2019

auteur: Elisabeth Hargrave

illustrateurs: Ana Maria Martinez Jaramillo, Natalia Rojas, Beth Sobel

éditeur: Stonemaier Games

Jamey Stegmaier, l’un des éditeurs les + dynamiques outre-Atlantique, et qui a notamment édité Scythe, Viticulture, Euphoria, My Little Scythe, arrive avec de gros projets en 2019. Wingspan a pour thème l’ornithologie. Alors oui, clairement ça ne me fait pas vibrer non plus… Mais on peut s’attendre à un jeu avec des mécaniques bien pensées, un équilibrage aux petits oignons, et un résultat étonnant! Du moins on l’espère, mais on fait confiance à cet éditeur!

C’est Matagot qui se chargera de la localisation et la distribution dans nos contrées.

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3. Space Gate Odyssey

auteur: Cédric Lefebvre

illustrateur: Vincent Dutrait

éditeur: Ludonaute

Une bien belle équipe réunie sur ce projet avec Vincent Dutrait (Solenia, Robinson Crusoé, Rising 5, When I Dream, Elysium … ) et Cédric Lefebvre, Môssieur Ludonaute. Thème SF qui m’attire à la base, Space Gate Odyssey s’annonce prometteur avec un matériel aux petits oignons (Ludonaute sait proposer du matériel hallucinant, comme avec Last Heroes).

On incarne une confédération qui doit gérer un portail d’acheminement de colons vers des exoplanètes.

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4. Save the Meeples

auteur: Florian Sirieix

éditeur: Blue Cocker

Un jeu qu’on a aperçu à Essen et qui nous a fait baver d’envie devant son matériel à tomber par terre. Dans ce jeu, on incarne les meeples qui veulent s’échapper de leur sinistre condition et rejoindre leur planète pour vivre libres. En construisant votre fusée vous devrez y acheminer vos précieux meeples et les libérer!

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5. Between Two castles of Mad King Ludwig

auteurs: Matthew O’Malley, Ben Rosset

illustrateurs: Laura Bevon, Agnieszka Dabrowiecka, Bartłomiej Kordowski, Noah Adelman

éditeur: Stonemaier Games

Un bon jeu de draft de cartes et placement de tuiles. Vous travaillerez de concert avec votre voisin de droite pour construire un château, et avec votre voisin de gauche pour en construire un autre. Pour l’emporter il ne faudra pas négliger l’un ou l’autre des châteaux!

Comme pour Wingspan, c’est Matagot qui se chargera de la localisation et la distribution dans nos contrées.

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6. On Mars

auteur: Vital Lacerda

illustrateur: Ian O’Toole

éditeur: Eagle-Gryphon Games

L’un des auteurs les + hypés de ces dernières années arrive avec plusieurs projets dont ce On Mars. Cette planète, décidément, inspire beaucoup les auteurs, et après le raz de marée Terraforming Mars, on attend beaucoup de l’association Lacerda avec un thème SF.

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7. Neta-Tanka

auteur: Hervé Rigal

illustrateur: Quentin Regnes

éditeur: La Boîte de Jeu

La Boîte de Jeu débarque avec ce projet qui a connu une campagne Kickstarter très fructueuse l’an passé. Dans ce jeu de placement d’ouvriers, nous incarnons une tribu qui doit trouver son nouveau chef. Vous allez être mis à l’épreuve pour prouver vos aptitudes à vous occuper de la tribu et subvenir à ses besoins.

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8. Victorian Masterminds

auteurs: Eric Lang & Antoine Bauza.

illustrateur: Davide Tosello

éditeur: CMON

Rien à ajouter cette association d’auteurs suffit à nous faire mouiller le pantalon !!! 😉

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9. Escape Plan

auteur: Vital Lacerda

illustrateur: Ian O’Toole

éditeur: Eagle-Gryphon Games

Un jeu que nous avions backé lors de sa campagne Kickstarter l’an passé. Je vous remets le lien de l’aperçu que nous avions rédigé à l’époque.

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10. Tang Garden

auteurs: Francesco Testini, Pierluca Zizzi

illustrateur: Matthew Mizak

éditeur: Thundergryph Games

Un autre jeu que nous avions backé lors de sa campagne Kickstarter l’an dernier. Grosse direction artistique et thématique très poétique. Le lien de l’aperçu.

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Voilà voilà 2019 s’annonce très forte en sorties ludiques et on a hâte de tester les projets cités plus hauts. Plein d’autres jeux sortiront aussi cette année et réserveront leur lot de surprises! On me murmure à l’oreille qu’Antoine Bauza aurait encore des choses sous le pied pour 7 Wonders, ainsi que pour Tokaïdo!!!! Et ça c’est une sacré bonne nouvelle!