Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Duh duh duh DUN DA DUN, DUN DA DUN. Et voilà, emballé c’est pesé, vous pouvez aller chercher votre carte bleue. Je savais que cet article serait facile à écrire. Entre nous, y a franchement besoin d’en dire plus quand on parle de Battle of Hoth ? Comment ça, oui ? Mais vous êtes quel genre de geek sérieusement ? Y a Dark Vador et Han Solo, on peut balader des AT-AT et tirer sur des générateurs, ne vous attendez pas à ce que je vous fasse une analyse comparée des mérites du jeu face à ses concurrents et ses cousins sur les 5 dernières années. D’ailleurs je n’ai jamais joué à Mémoire 44, le jeu Seconde Guerre Mondiale dont Battle of Hoth reprend à peu près toutes les mécaniques, sauf que cette fois-ci on peut tirer sur des snowtroopers et qu’il y a Luke Skywalker dans le jeu. Eclair de lucidité soudain : il faut être honnête, je suis pile poil le public cible du jeu.
Si vous non plus, vous n’avez jamais touché à la version vert kaki, le principe de base est très simple : il s’agit d’un duel où deux armées se font face le long d’un front commun, et chacun son tour, les deux joueurs jouent une carte de leur main qui leur permet d’activer certaines de leurs unités, qui peuvent alors se déplacer, et potentiellement attaquer. Les combats se résolvent en lançant des dés, sachant qu’il faut obtenir une face correspondant à l’unité ciblée pour pouvoir infliger des dégâts. Eliminer toutes les figurines d’une unité rapporte une médaille, le premier qui en totalise un certain nombre gagne, ou alors le scénario innove un peu en introduisant d’autres objectifs à remplir pour obtenir lesdites médailles. Il y a le hasard des dés, les contraintes des cartes qu’on a dans la main, on est loin du jeu hyper stratégique DE PRIME ABORD (reposez ces fourches, les fanatiques), mais ça marche très bien, les parties sont courtes, et le déséquilibre assumé, d’où le fait de jouer en aller-retour.
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« Général, préparez vos troupes pour une attaque en surface »
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Forcément, quand on rejoue des batailles historiques, on ne va pas s’amuser à refiler discrètement quelques F-16 aux Alliés histoire de leur faciliter le Débarquement. Il y a un cadre à respecter, et on retrouve cette contrainte dans le design des scénarios. Ici se trouve la première différence notable apportée par le jeu Star Wars : quand il s’agit de faire s’affronter des camps imaginaires sur une planète qui n’existe pas, dans une galaxie fort fort lointaine, il devient permis de proposer des affrontements plus équilibrés. Evidemment, les règles n’interdisent pas de jouer la revanche, arrêtez de poser des questions idiotes, on perd du temps franchement. Mais l’intérêt réside ici dans le fait d’enchainer les 18 scénarios (pas d’un seul coup, j’ai dit d’arrêter avec les questions stupides) au sein d’une campagne qui scénarise un peu l’ensemble, et qui attribue certains petits bonus de départ au vainqueur de la précédente escarmouche. Rien de très fou, une unité par-ci, un leader à utiliser plutôt qu’un autre par-là, mais ça donne tout de suite un aspect assez cinématique au jeu. Oui, on s’y croirait, et le fait de terminer par un scénario « épique », c’est-à-dire nécessitant deux boites du jeu pour pouvoir être déployé, ne gâche rien.
L’introduction des leaders relève de la même démarche, permettant d’associer un visage au camp qu’on incarne. On ne va pas se mentir, l’apparition de Vador ou de Luke est un passage obligé quand on crée un jeu Star Wars. Reste alors l’implémentation, toujours délicate quand le jeu consiste à éliminer les unités de l’adversaire. On ne va quand même pas tuer Leia ! Richard Borg et Adrien Martinot ont du coup choisi de ne pas les faire apparaitre sur le plateau, mais juste de les faire figurer avec trois cartes dédiées qu’on ajoute à son deck personnel au début de la partie. On peut regretter de ne pas pouvoir déplacer la figurine sur le plateau, mais il me semble que cela aurait posé quelques soucis en termes de game design et d’équilibrage. De la même façon, on pourrait reprocher un casting un peu pauvre côté Empire avec Jean-Michel et Jean-Jacques qui accompagnent le seigneur Vador, le fait est que les méchants manquent terriblement de tête d’affiche dans le film. Quant aux cartes elles-mêmes, elles permettent de réaliser des actions un peu plus élaborées, qui seront bien sûr ruinées par un lancer de dés malheureux.
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image de gauche tirée du film Star Wars – La Guerre des Etoiles, crédits Lucasfilm Ltd.
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« Capitaine, les chances de détruire un AT-AT sont approximativement de 1 sur 5468 » « Tu sais, moi et les probabilités… »
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C’est vrai qu’en 2025, proposer un jeu qui se résout au lancer de dés non mitigeable, c’est un peu dommage. Andromeda’s Edge, que j’évoquais dans mon précédent article, propose par exemple un système plutôt malin de résolution des affrontements. Attention, ce n’est pas non plus la foire à l’aléatoire : le nombre de dés est influencé par la distance entre l’attaquant et sa cible, certains éléments de terrain apportent des malus ou des bonus, il y a malgré tout un ensemble de paramètres à prendre en compte pour augmenter ses chances. Cette recherche d’optimisation et les contraintes imposées par les cartes en main, qui limitent la liste des unités que le joueur peut activer à son tour, forment un cadre de jeu simple à appréhender, et à s’approprier, et les joueurs ont vite fait de tenter des manœuvres avec leurs petites troupes. Certes, s’acharner sans succès à dégommer un blindé de l’Empire pendant trois tours peut être très frustrant, mais heureusement les parties ne sont pas très longues : au pire le supplice s’arrête rapidement, au mieux ça fait de chouettes anecdotes à conserver et raconter plus tard.
image de gauche tirée du film Star Wars – La Guerre des Etoiles, crédits Lucasfilm Ltd.
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Alors que je partais avec un a priori pas hyper emballé (j’ai un a priori plutôt difficile à contenter, ce gros snob), mes parties m’ont carrément plu. Ce n’est pas si étonnant après tout : avec Battle of Hoth, Days ne vise pas forcément les fanatiques de Mémoire 44, qui ne trouveront rien de particulièrement original dans la boite, et au contraire pourront se sentir à l’étroit sur des cartes plus petites que dans le jeu originel. Pour tous les autres, et évidemment les fans de Star Wars en premier lieu, le système de jeu est particulièrement adapté à la proposition, avec suffisamment de liberté et de flexibilité pour avoir l’impression de mettre en place sa stratégie, tout en gardant des règles simples qui en font un jeu sortable rapidement et fréquemment. On pourrait craindre que la rejouabilité soit alors un facteur limitant, il n’y a après tout « que » 18 scénarios dans la boite, mais le créateur de cartes est déjà en place, et on peut tout à fait imaginer que si le jeu se vend bien, Days sortira par la suite d’autres boites et adaptera d’autres batailles, avec d’autres leaders et d’autres unités, à défaut de développer des extensions. Parce qu’il faut bien se l’avouer, et ça sera là mon principal reproche, tout ça manque singulièrement de Wookees.
A chaque fois que j’introduis Magic Maze, je rappelle cette anecdote, servie avec gourmandise par l’un des patrons du Meisia, un chouette bar à jeux vers République : « Il y avait un groupe qui jouait à Magic Maze, dans le plus grand des silences. Pas une parole, pas un grognement, juste le tac-tac-tac régulier du pion rouge pour indiquer à l’autre qu’il fallait qu’il fasse quelque chose. Y en a d’ailleurs un qui utilisait beaucoup le pion rouge, très fréquemment, et avec force. On sentait qu’il commençait à perdre patience. Et puis le sablier s’est écoulé. Je pense qu’ils avaient perdu. Alors, le mec en question s’est levé, il a pris sa veste, et il s’est barré. Sans un mot. » Je trouve que ça résume bien l’état d’énervement que peut provoquer ce jeu. Heureusement, on est ici pour parler du petit frère, Magic Maze Tower.
Les deux jeux, coopératifs, fonctionnent de manière très similaire : un labyrinthe, des personnages qui doivent en trouver la sortie, la possibilité de diriger n’importe lequel d’entre eux, mais dans une seule direction par joueur, et surtout l’impossibilité de communiquer ou presque. Le premier Magic Maze rendait le tout hyper frustrant avec la présence d’un sablier, qui obligeait à se grouiller et augmentait la haine vis-à-vis de ses camarades de manière inversement proportionnelle au nombre de grains de sable restant. Alors Sit Down, voyant l’état actuel du monde, s’est dit qu’on allait plutôt favoriser la paix entre les joueurs, et a supprimé le sablier. On aurait pu croire que le jeu en deviendrait automatiquement fade, il n’en est rien.
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Chut, on triture des neurones
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Tout l’intérêt repose en effet sur les labyrinthes présents dans la boite, et l’auteur s’en est donné à cœur joie. Initialement, Magic Maze offrait des puzzles modulaires avec des tuiles tirées au hasard qu’on posait pour constituer petit à petit le terrain, le mécanisme parfait pour se retrouver avec une sortie bien trop loin pour y arriver dans le temps imparti. Le gameplay au service du sadisme, c’est brillant. Mais si on enlève le sablier, ça devient beaucoup trop simple. Longuet, mais simple. Alors Magic Maze Tower propose des niveaux pré-établis, l’occasion de placer avec soin les portes fermées à clé, les échelles et les pièges, et de proposer une courbe de progression calibrée.
J’en entends râler comme quoi c’est la rejouabilité du jeu qu’on bafoue, mais la boite, même si petite, propose quand même 76 puzzles (en plus des 6 du tutoriel), y a de quoi voir venir. Surtout que, twist incroyable, chaque puzzle fait partie d’un set de 4 ou de 8, et qu’une fois l’ensemble du set résolu, il est temps de les retourner sur leur verso et de les assembler pour accéder au puzzle « légendaire » qui conclut le set, avec une nouvelle mécanique qui décuple le potentiel de grattage de neurones : les niveaux légendaires composés de 4 tuiles pourront voir leurs sous-niveaux pivoter les uns par rapport aux autres, tandis que ceux à 8 sont ré-agençables via un système de taquin. De quoi passer une heure ou deux sur les plus compliqués avant d’en voir le bout. En silence, évidemment.
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source : Sit Down
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Petite sœur, grand casse-tête
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Cela dit, il est toujours possible de communiquer, mais on supprime le pion rouge totalement inefficace, donc parfait pour ce grand sadique de Magic Maze, et on le remplace par une aide de jeu rappelant les différentes actions possibles et pouvoirs des personnages, histoire d’indiquer avec des gestes presque pas grossiers un peu plus précisément ce qu’on attend de nos camarades. Ça ne ruine pas la difficulté, on a presque les effluves de rage du prédécesseur qui viennent chatouiller les narines, mais ça reste vivable. Et puis, c’est l’occasion de vous parler du nouveau personnage, avec son nouveau pouvoir assez original. En effet, au nain qui peut passer dans les trous de souris, au barbare qui peut pousser ses coéquipiers au-delà des pièges, à l’elfe qui peut sauter par-dessus les autres personnages, et à la sorcière qui peut échanger de place avec un autre pion, Magic Maze Tower rajoute la petite sœur de la sorcière, qui a des pouvoirs magiques, mais qui ne sait pas très bien les utiliser.
Résultat, elle ne peut que se téléporter à côté d’un autre personnage, et uniquement de manière orthogonale par rapport à sa position initiale. Du coup, les habitudes prises avec les autres personnages ne fonctionnent plus, il faut calculer tout ou partie de son itinéraire dès le début, pour pouvoir placer ses « relais » au bon endroit. Et surtout, pas de retour en arrière possible s’il n’y a pas ou plus de personnage près de sa position de départ, on peut se retrouver à devoir recommencer des niveaux à cause d’un mauvais choix. Plus de sablier pour amener l’échec donc, mais ce personnage qui peut bloquer une partie, ou oblige en tout cas à y réfléchir deux fois avant de la bouger. On ne peut plus vraiment perdre, mais on peut ne pas gagner. Et comme Sit Down ne se refuse jamais une petite blague, ils ont inclus dans la boite de quoi ajouter la petite sœur au Magic Maze de base. Je n’imagine même pas l’arrachage de cheveux.
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Au rebut, l’ancêtre !
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Au final, ce Magic Maze Tower me plait beaucoup. Les niveaux sont tordus juste ce qu’il faut, la satisfaction de les réussir pareil, les nouvelles mécaniques ont comme un air d’évidence. Certains regretteront la disparition du sablier et de la frénésie de son prédécesseur. Personnellement, je n’appréciais pas vraiment la tension induite par le temps réel de Magic Maze, je n’aime pas quand mes puzzles viennent me hurler dans l’oreille et me secouer par le col. Je préfère les savourer en transpirant abondamment mais dans une ambiance apaisée, le tic-tac de l’horloge dans les oreilles et un hors d’âge à la main. Que voulez-vous, j’ai vieilli.
La critique de Dungeon Legends a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Peu de gens s’en souviennent, mais l’année 2020 a été marquée par un événement terrible : le confinement. Ne croyez pas ce que les magazines de l’époque racontent, ce n’était pas le temps du ressourcement et de la méditation déconnectée. C’était le Vietnam ou presque, et il a fallu faire preuve d’imagination pour survivre, surtout quand il s’agissait d’occuper une petite fille friande d’aventures. D’ailleurs, ce goût pour les histoires remplies de monstres, de héros, et de dés, lui est resté depuis. Heureusement, cela fait un certain temps que les jeux de société pour enfants s’intéressent au sujet, à savoir les jeux coopératifs qui nous voient affronter des bestioles terrifiantes et découvrir des trésors. Alors qu’on avait déjà Andor Junior ou Chronicles of Light dans la ludothèque, un ami m’a conseillé les Chroniques d’Avel. J’ai bien fait d’écouter cet ami.
Dans le genre aventure puzzlesque, le jeu de <copier – coller> Przemek Wojtkowiak est en effet bourré de bonnes idées, et son cousin un peu plus âgé, Dungeon Legends, également, en plus de partager le même univers, des illustrations pas dégueu par <copier – coller> Bartłomiej Kordowski et un matériel très qualitatif. Suivant l’âge et l’appétence de votre tête blonde pour la chose, je conseillerai l’un ou l’autre, mais on va d’abord prendre le temps de voir quoi il retourne exactement. On n’est pas chez les sauvages.
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Les Sims : mon premier Land Crawler
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Chroniques d’Avel nous enjoint à incarner l’un des héros chargés de défendre le château du royaume, alors que les astres ont prédit l’arrivée d’une Bête dans 12 manches. Ouais, on n’est pas chez Météo France ici, on fait dans la précision. En attendant l’apocalypse, il s’agit donc de s’équiper, d’améliorer cet équipement, de récupérer des potions, et de préparer le terrain en évitant la surpopulation de monstres, en construisant des remparts et en posant des pièges. 2 actions par tour, se déplacer, attaquer, ou activer le lieu où l’on est, les règles sont élaborées juste ce qu’il faut pour des enfants de 6-7 ans. Viennent alors les différentes bonnes idées qui classent selon moi Chroniques d’Avel dans les vrais bons jeux coops pour enfants.
Première bonne idée, chaque joueur a droit à son plateau double couche qui figure un personnage qu’on peut customiser en lui donnant un nom, en dessinant son blason, et en coloriant sa tenue. Le jeu va même jusqu’à proposer un mini-générateur de noms en cas de panne d’inspiration. La deuxième couche du plateau joueur permet de dessiner les contours du personnage, et donc les emplacements pour son casque, son arme, son bouclier, mais aussi l’espace occupé par son sac à dos. Eh oui : si le paquetage du joueur est déjà plein, plus moyen d’y rajouter des pièces d’or, une potion, ou encore un casque de rechange, il faudra s’en passer, ou jeter quelque chose à la place. On ajoute ainsi un petit dilemme facile à appréhender pour les enfants, c’est très malin, en plus de rendre la personnalisation de son héros ou héroïne carrément satisfaisante.
Ça tombe bien, c’est le cœur du jeu : les combats servent en effet principalement à récupérer de l’équipement, des pièces d’or qui permettent d’acheter de l’équipement ou de l’améliorer, bref à accéder à des dés de combat plus puissants que ceux qu’on lance au début. Et là, deuxième idée qui plait beaucoup : quand on gagne un équipement, il faut le piocher au hasard dans un sac en toile, MAIS chaque type d’équipement présente une forme bien particulière. On tripote donc chaque token jusqu’à reconnaitre sous ses doigts les contours d’un bouclier ou d’une potion. Superbe façon d’introduire la petite excitation de l’aléatoire, mais sans la déception de tomber sur un loot qui ne nous convient pas, à condition d’être suffisamment attentif, c’est une belle trouvaille.
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Elève appliqué et très soigné, pensez à rajouter un peu de folie
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Le reste du jeu est bien calibré, avec une difficulté bien dosée, pas mal de liberté dans l’action, une courbe de progression au fur et à mesure des parties (« cette fois-ci, faut trouver rapidement la tuile qui permet de construire les murailles ! »), la surprise quand on découvre un nouveau monstre, l’analyse qui se met en place parce que les plus grosses bestioles annuleront certains dés, l’adrénaline et l’appréhension quand enfin le big boss débarque et commence à progresser vers le château avec sa cohorte de vampires, trolls et autres dragons. Pour ces catégories d’âge et de type de jeu, on tient un jeu très solide, même si évidemment il en faudrait toujours plus : la rejouabilité n’est pas immense par exemple, puisqu’elle dépend uniquement de l’emplacement des tuiles terrain, placées face cachée au début du jeu et suivant un agencement choisi parmi ceux du livret de règle en fonction de la difficulté souhaitée.
Il manque également un peu de différenciation entre les différents personnages incarnés par les joueurs, et ne croyez pas qu’il s’agisse d’une lubie d’adulte : pour les enfants aussi c’est appréciable, puisque ça leur fournit une ligne directive, un guide, quand il s’agit de décider quoi faire dans un jeu qui ne nous dit pas ce qu’il faut faire. Andor Junior le fait par exemple, avec l’archer qui a plus de jetons d’action, le nain qui peut passer par la mine, ou le guerrier qui peut lancer plus de dés. Chronicles of Light aussi, chaque héroïne ayant des actions spécifiques et des quêtes en accord. Dans Chroniques d’Avel, tout le monde commence avec la même feuille blanche, et chacun tentera d’améliorer son valeureux héros avec ce qui lui tombe sous la main. Ce n’est pas forcément facile à prendre en main. Mais vous savez quel autre jeu glisse un peu d’asymétrie dans sa mise en place ? Dungeon Legends.
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Rengagez-vous, qu’ils disaient !
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Jeu coopératif également, toujours situé dans le royaume d’Avel, où l’on doit toujours empêcher des monstres d’atteindre ce foutu château. La ressemblance s’arrête cependant là, le gameplay étant tout autre, et la proposition un peu plus ambitieuse. Cette fois-ci, chaque joueur doit exploiter au mieux une main de 5 cartes, qui vont lui fournir les ressources nécessaires aux actions qu’il souhaite réaliser pendant son tour. Se déplacer, combattre, se soigner, récupérer de la poussière d’étoile, tout ça peut s’effectuer à condition d’avoir les icônes correspondantes en main, à charge ensuite au joueur de décider s’il doit taper sur ce monstre qui se rapproche dangereusement du château, ou plutôt se renforcer, ou encore activer ce lieu qui permet d’avancer vers la réalisation de la quête et donc la victoire.
Les 6-7 ans risquent d’être un peu perdus du coup, à moins qu’ils soient particulièrement éveillés. Même s’il y a peu de texte à lire, il y en a, et les dilemmes à trancher sont un peu plus nombreux que dans Chroniques d’Avel, ce qui fait évidemment tout l’intérêt du jeu. On gagne également en complexité tant au niveau des personnages que du scénario lui-même. Chaque héros, il y en a quatre au total, est fourni avec son deck de cartes dédiées, qui ne présenteront pas exactement les mêmes icônes d’un personnage à l’autre, mais également son plateau personnel, sur lequel on constatera également de légères différences, comme le nombre de points de vie ou l’existence d’un bonus de départ. Rien de très fou, mais ça donne tout de suite une identité au personnage qu’on choisit d’incarner. La mise en place propose par ailleurs de choisir un lot de 3 compétences qu’on pourra toutes activer une fois et une seule pendant la partie, ce qui renforce encore cette différenciation.
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C’est mardi, c’est catacombes
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Le scénario, lui, est à choisir parmi cinq, avec des objectifs, des monstres et des obstacles ou événements différents. Le jeu propose également de les enchainer au cours d’une mini-campagne, avec pour seul fil rouge la possibilité de conserver d’un scénario à l’autre l’une des cartes avancées gagnées pendant la partie. Là encore, ça reste très léger, mais pour des enfants c’est parfait, et puis les cartes avancées, toutes avec un effet foil, sont assez classes. J’ai d’ailleurs été ébaubi par la qualité du matériel pour un jeu retail, loin des folies Kickstarter : cartes foils, tuckboxes individuelles pour chacun des personnages et des scénarios, avec liste des composants inscrite sur le rabat, tapis néoprène, plateaux double couches, le jeu se met en place très facilement et est hyper satisfaisant à jouer. Et si vous avez une imprimante 3D ou que vous connaissez quelqu’un qui en a une, il existe sur Thingiverse des fichiers STL de très bonne qualité qui permettent de remplacer les standees des personnages par des minis.
On est donc clairement loin du dungeon crawler pour barbus aguerris, qui trouveront le gameplay un peu simple et la profondeur de jeu pas très… profonde justement : peu de scénarios, des monstres qui se ressemblent tous, une évolution quasi inexistante des personnages. Et malgré ce qu’on peut voir ou lire un peu partout, il ne s’agit certainement pas d’un deck building, puisque si on peut effectivement gagner de nouvelles cartes qui arriveront rapidement dans notre main, jamais est-il possible de se débarrasser de celles qui ne nous intéressent plus. On ne construit rien, il n’est pas possible d’orienter son deck d’une quelconque façon. Mais pour des enfants à partir de 9-10 ans, ou même des joueurs qui découvrent le genre, c’est assimilable rapidement, le puzzle est bien présent et peut d’ailleurs se révéler corsé dans les derniers scénarios, la mise en place est aisée et le jeu très agréable à jouer.
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Attention, un jeu cool peut en cacher un autre
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Si vous cherchez donc du jeu d’aventure pour vos marmots, je ne peux que conseiller les deux titres, tant ils ont été soignés dans leur conception et leur fabrication. Ils ne sont pas interchangeables bien sûr, et je laisserai chacun juge de la précocité de sa progéniture. Quoi qu’il en soit, et comme tous les bons jeux pour enfants, ils se révèlent également stimulants à jouer pour les parents et, en ce qui concerne Dungeon Legends tout du moins, pourrait même intéresser des joueurs occasionnels ou qui ne veulent pas se coltiner les pages de glossaire et les livrets de règles à rallonge. Le seul souci au final, c’est de devoir à chaque fois vérifier sur Internet avant d’écrire le nom de <copier – coller> Przemek Wojtkowiak ou encore de <copier – coller> Bartłomiej Kordowski.
Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Les jeux vidéo, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Jeux de rôle, d’aventure, de civilisation, de sport, mettez-moi un clavier ou une manette entre les mains et je suis ravi. Pourtant, Borderlands, bien qu’il ait eu son quart d’heure de gloire, je n’y ai jamais touché. Le côté iconoclaste pas vraiment subtil et l’humour hyper gras, ça me fait plus fuir qu’autre chose. Mais au Labo des Jeux, on laisse les états d’âme au vestiaire, alors j’ai ouvert la grosse boite Borderlands : L’Arène des Brutasses de Monsieur Torgue (on en a vraiment plein la bouche) avec l’esprit ouvert et un verre d’aspirine à la main.
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Le bizarre, l’idiot et le brutal
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Il faut dire qu’il s’agit de l’un des livres de règle les plus mal branlés qu’il m’ait été donné de lire. Attention, la traduction française n’est pas à remettre en cause, le mal était déjà fait dans la langue de Shakespeare. Il ne s’agit pas seulement de qualité rédactionnelle ou de l’agencement du livret, même si ça y participe. Certains choix de design laissent carrément sans voix et pas mal de cheveux dans la poigne. Mais pour que vous puissiez partager ma peine, et me plaindre de tout votre cœur, il va d’abord falloir que je vous explique de quoi il retourne.
Borderlands est donc un jeu coopératif qui se joue forcément avec quatre personnages sur le plateau, peu importe le nombre de joueurs autour de la table. De manière similaire à Death May Die ou Zombicide, le scénario choisi propose une carte prédéfinie à base de tuiles modulables, un objectif spécifique, un certain nombre de monstres assoiffés de notre sang, et des événements qui vont survenir à la fin de chaque manche. A nous de survivre en se déplaçant, en interagissant avec des éléments du décor et surtout en utilisant tout l’arsenal à disposition pour génocider à tour de bras du sadique et du goliath sanguinaire brutal. Oui, Borderlands fait dans la finesse, mais on était prévenu.
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Les sous-doués écrivent des règles
Tout cela se gère à l’aide des jetons action des personnages, première bonne idée du jeu, et également point de départ des emmerdes. Ces jetons peuvent être de trois couleurs, verte, jaune ou rouge, et chaque couleur correspond à un dé que le joueur va devoir lancer dans certains cas de figure pour déterminer si l’action est réussie. Le dé vert étant un d12, la probabilité d’obtenir une valeur haute sera plus grande qu’avec le dé rouge, qui est un d6. Au joueur de décider quelle couleur il utilise pour quelle action, notamment pour réaliser des actions d’attaque. Et c’est là que le bât blesse.
En effet, les armes équipées ont également ce code couleur vert, jaune, rouge. Mais il est cette fois-ci uniquement utilisé pour indiquer la portée de l’arme. Une arme rouge, qui ne permet donc de cibler que la case du personnage ou les cases adjacentes, peut très bien être utilisée en lançant un dé jaune ou vert. Hein ? De quoi pardon ? Et le pire, c’est que la règle ne prend jamais le temps d’aborder le point. Il a fallu faire un tour dans les forums de Boardgamegeek pour trouver une réponse claire à la question. De façon générale, le texte et les icônes présents sur les cartes laissent à désirer, avec cette iconographie absconse, le fait d’utiliser la même icone ou presque pour signifier un dégât ou un coup critique, ou encore des capacités spéciales qui font référence à des mots clés sans les citer textuellement. A quoi bon faire un glossaire dans ce cas ?
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Action, réaction, clé à molette double-pénétration
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Mais on peut espérer passer outre et profiter du jeu une fois les règles remises à plat, et c’est vrai que le jeu a quelques idées en stock qui marchent bien et sont de plus assez originales. Ainsi, lorsqu’un joueur est blessé, il doit remplacer le jeton qu’il a choisi pour se défendre par un jeton rouge : petit choix cornélien, et donc délicieux, entre choisir le dé vert, avec une probabilité de défense réussie plus haute, au risque de passer d’un d12 à un d6, ou choisir le dé jaune. Il y a également la possibilité, s’il nous reste des jetons non utilisés lorsque vient le tour des ennemis, de réagir à la survenance d’une blessure, mais cela se révèle finalement assez anecdotique, vu qu’il est souvent plus intéressant d’utiliser tous ses jetons avant que les méchants s’activent. Et puis y a le butin carrément généreux, de manière assez fidèle à la saga vidéoludique, qu’on obtient à chaque fois qu’un ennemi est éliminé, et qui permet de se soigner, de recharger ses armes, voire de s’équiper en cours de partie, ou même carrément de monter de niveau si on de la chance. Ou alors vous pouvez choisir de les économiser et de les convertir en cash pour la phase d’équipement entre deux scénarios.
En effet, autre chouette idée, à la fin d’une partie, les joueurs se voient donner l’occasion d’améliorer leurs personnages en achetant de nouvelles armes, boucliers ou modules aux capacités passives, et en montant de niveau. Puis on enchaine avec tel ou tel scénario, suivant qu’on aura gagné ou perdu, dans le cadre d’une mini-campagne qui se termine par une confrontation finale avec le gros boss envoyé par Monsieur Torgue pour nous apprendre la politesse. Cela donne un fil rouge appréciable, et un paramètre supplémentaire à prendre en compte quand on dépense en cours de partie l’argent de départ ou le butin récupéré sur les cadavres fumants et nombreux de nos ennemis. La rejouabilité s’en voit également renforcée puisqu’on doit choisir en début de campagne quel arbre de compétence on souhaite parcourir lors de nos montées de niveaux. Ce n’est d’ailleurs pas du luxe vu qu’il n’y a que quatre héros dans la boite de base. Personnellement, je suis toujours très fan des jeux qui permettent de faire monter en puissance son personnage, et ça aurait presque pu justifier de relancer une campagne une fois la première terminée.
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Insérer ici truc drôle et irrévérencieux
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Presque, parce que malgré ses deux ou trois trouvailles, le jeu manque un peu de fun, alors qu’il en avait fait son étendard. Le hasard du butin et la résolution des actions beaucoup trop aléatoire peuvent aboutir à des tours un peu longuets et vraiment arides pendant lesquels il ne se passe pas grand-chose, parce que tous les lancers auront échoué, ou bien parce qu’on n’a rien pour recharger nos armes. Bien sûr, de nombreux autres jeux requièrent de lancer des brouettes de dés, alors qu’est ce qui fait qu’ici ça ne marche pas aussi bien ? Par exemple l’impossibilité de relancer l’unique dé d’action et la manière de déterminer un succès, qui nous écartent d’un Death May Die tout aussi tributaire de l’aléatoire mais mieux équilibré, et nous rapprochent plus d’un Townsfolk Tussle de sinistre mémoire. Les différents scénarios auraient pu relever un peu la sauce en proposant des configurations ou des mécaniques un peu originales, mais tout cela reste assez basique : moi voir monstre, moi taper monstre, moi voir truc qui brille, moi prendre truc qui brille et taper monstre qui passait par là. Le panel d’actions à disposition est plutôt restreint et les cartes des scénarios ne permettent pas vraiment de faire émerger de nouvelles situations ou manières d’utiliser nos personnages.
Si Asmodée n’avait pas envoyé le jeu, je n’y aurais sans doute jamais joué, tout simplement parce que la licence ne me parle pas. Mais pour ceux qui ont grandi avec le jeu vidéo Borderlands, le jeu a un charme certain, surtout lors de la phase de découverte et les premiers scénarios, quand on se familiarise avec les mécaniques plutôt sympas, qu’on découvre ou redécouvre le lore un peu décalé et les armes et personnages maintes fois rencontrés sur console ou PC, et qu’on customise petit à petit notre vaillant Chasseur de l’Arche. Puis le soufflé retombe et la magie se dissipe, notamment parce que l’univers n’est pas si barré que ça et parce qu’enchainer 6 scénarios avec les mêmes personnages amène à réaliser que, certes, le contenu est pléthorique, mais il est finalement peu différencié et la routine s’installe assez vite. En fin de compte, une ou deux fulgurances ne suffisent pas à faire un bon jeu. Et j’ai envie de dire, tant mieux.
« Heredity » est le premier jeu d’un nouvel éditeur, Darucat, du nom de son fondateur. Il est également le premier-né issu de la collaboration entre Jérôme Cance et Laurent Kobel, le tout superbement illustré par Tania Sánchez-Fortun, Aurelien Delauzun et Florian de Gesincourt.
Coopératif et narratif, ce jeu à campagne de cinq chapitres se joue de 1 à 4 survivants.
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Thierry l’ermite chez George Miller
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Et ils vivaient heureux. L’univers d’Heredity se situe en 2127, plusieurs décennies après que le monde est parti en sucette pour une raison que l’on ignore… À d’autres, bande de francs-maçons. Dans Heredity, vous incarnez une famille pensant évoluer dans un monde super mignon du fait d’un mode de vie en complète autarcie, coupé du monde extérieur. Cette famille verra son train de vie pacifique et paisible anéanti par un événement violent inattendu. Le but du jeu est d’évoluer sur une Map qui se dévoile en fonction de vos choix (qui nous rappellera ici le format d’un 7ᵉ continent ou d’un Cartaventura) et de survivre à ces derniers. À votre tour de jeu, vous devez choisir parmi quatre actions possibles. Vous avez le choix entre : observer, interagir avec un autre personnage (P.J ou P.N.J), effectuer une manipulation (saisir, crafter, foutre une mandale…) ou encore utiliser vos jolies gambettes (explorer, distribuer des kicks).
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Encore un jeu Point’N’Click !
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Pas faux… Mais pas que. Là où Heredity se détache mécaniquement d’autres jeux du genre, c’est par le concept de sa ligne du temps. En début de partie, lors de la mise en place, vous écarterez une carte, sobrement intitulée « Carte famille », à laquelle vous devrez associer (grâce à des icônes de chaînage) d’autres cartes Événement (possédant toutes un cartouche inférieur de couleur rouge) durant la partie. Comme dirait cette chère Axelle : À quoi ça sert ? Eh bien… À vous mettre la pression, dirais-je. De quelle manière ? De façon à ce que les cartes Événement que vous acquerrez pendant diverses actions viennent s’ajouter (toujours grâce au chaînage) à cette fameuse ligne du temps afin de former une rivière ponctuée d’événements. Quand ces évènements se déclenchent-ils ? Une fois la phase d’Action des personnages terminée, vous déplacerez un token sablier (lié à la Carte Famille en début de partie) de gauche à droite, pour déclencher les fameux événements (bande rouge) de chaque carte composant ladite TimeLine, jusqu’à revenir à la Carte Famille. Vous l’aurez compris, toute la tension réside dans cette mécanique puisque vous savez plus ou moins ce qui va vous tomber sur le museau.
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Une narration aux petits oignons
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C’est de toute beauté Franchement, je tiens à saluer le travail de l’équipe concernant le récit. L’immersion est pour ainsi dire remarquable. La plongée dans cet univers post-apocalyptique est palpitante, car chaque aventure ne vous laisse que peu de répit. Il faut le souligner, les moments où vous pourrez souffler seront rares et vos choix seront cruciaux et évidemment irréversibles. Ainsi, si dès le chapitre 1, vous vous attendez à une mise en bouche progressive et limpide, passez votre chemin, car l’introduction du jeu vous annonce clairement la couleur et vous aiguille assurément sur la direction souhaitée par les auteurs. Ici, nous sommes bien dans un jeu brutal et sans concession qui revendique clairement ses influences du genre. Aussi, si vous craignez un aspect trop cyclique de l’aventure, détrompez-vous, parce que malgré un faisceau narratif bien ancré, chaque chapitre se détache du précédent par son approche.
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Un monde parfait
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Pas que… Parlons maintenant de ce qui m’a gêné. Me concernant, la principale ombre au tableau s’applique au matériel. Je ne parle pas ici de la qualité des composants, mais bien de leur format. En effet, dès l’ouverture de la boîte, on se rend compte de la taille minuscule des tokens ; ce qui les rend pénibles à manipuler. Aussi, pourquoi avoir fait des cartes aussi grandes si le jeu peine à rentrer sur un playmat XL ? Je suis conscient que le problème a dû être relevé lors de playtests et travaillé de nombreuses fois, mais cela impacte de façon non négligeable l’expérience de jeu. Des cartes 70×70 n’auraient pas nui aux sensations de jeu selon moi. Sinon… Pour rebondir positivement, le premier-né de cette nouvelle maison d’édition est un coup de maître et fait du bien au paysage ludique français. Cocorico, on est fier. Par conséquent, j’ai adoré ce « Heredity »; la tension qui s’en dégage, la direction artistique irréprochable (Non mais cette boîte quoi.), l’immersion que nous procure la narration. Finalement, je n’ai pas vu le temps passer lors de ces dizaines d’heures de jeu, ce qui est de bon augure pour la suite.
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Heredity II
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Quoi de neuf Docteur ? Ne nous enflammons pas, mais un droïde espion m’aurait soufflé qu’une nouvelle campagne (dépendante du succès du premier opus) dans un autre univers hybride (Western-SF, paraît-il) serait déjà en développement pour une sortie prévue dans… Pas tout de suite. En revanche, ce qui est quasi certain, c’est qu’une extension préquel jouable avec les personnages de la boîte de base devrait voir le jour avant l’été 2024… Non sans pour me déplaire, car j’ai adoré incarner cette famille.
ndlr : nous avons eu quelques infos depuis la rédaction de cette critique, et la « suite » se précise bien sous forme d’une extension qui se déroulera avant le chapitre 1, ainsi qu’une probable 2ème boite se déroulant cette fois-ci dans un univers western fantastico-horrifique !