Test : Eleven

par | 6 Fév 2023 | Tests | 0 commentaires

L’avis de Fabien :

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Un jeu de gestion dans l’univers du football, et dont la proposition ludique se rapproche d’un football manager (jeu de gestion de football qui connait un succès mondial depuis de nombreuses années) en jeu de société, moi ça me branche. Alors par contre je suis circonspect dès l’annonce de projet, ça me parait tellement difficile à retranscrire sur un jeu de plateau, que je demande à voir.

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Une sorte de Football Manager sur nos tables

Les exemples d’adaptation de jeux vidéo en jeux de société sont nombreux, mais ça n’est pas toujours simple. Ça n’est pas parce que le jeu vidéo est bon, que le jeu de société adapté le sera. Ces derniers temps, on pourra citer Wolfenstein, Anno 1800, Slay the Spire (à venir), This War of Mine, Rainbow 6, Assassin’s Creed, The Binding of Isaac, Dark Souls, etc.

Si, en plus, on ajoute la difficulté d’adapter le football en jeu de société, on pourrait se dire que Portal Games cherche les ennuis. Pour ne pas non plus démarrer de zéro et aller au casse-pipe, l’éditeur va « reprendre » un jeu existant, pas vraiment diffusé en France, et qui a un succès d’estime auprès de ceux qui ont pu y jouer : Club Stories par Thomas Jansen. 8,2 de note BG, mais 93 personnes seulement le possédant sur cette même plateforme. Donc pas vraiment révélateur.

Mais suffisant pour attirer l’attention de Ignacy Trzewiczek, pas vraiment le premier venu puisqu’on lui doit notamment 51st State, Robinson Crusoé, Detective, Imperial Settlers et First Martians. Donc la collaboration des 2 a abouti à une campagne KS avec tous les standards habituels, stretch goals et multiples extensions en prime. Iello s’est occupé de la VF, et le voilà dispo dans nos contrées.

Oui, il faudra prévoir une grande table …

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Tellement d’imprécisions dans la règle que ça en gâche le plaisir.

Les règles et la traduction sont clairement des éléments que je considère comme devant être parfaitement bordés avant la sortie d’un jeu. Il n’y a rien de pire que de jouer à un jeu et voir son expérience gâchée par une mauvaise rédaction de règles, un point de règle mal compris par les joueurs, ou encore une erreur de traduction. C’est un vaste sujet qui concerne beaucoup d’éditeurs, et cela est malheureusement souvent lié à une attribution de ressources insuffisante à la case relecture et traduction. Un poste de dépenses souvent sous-considéré, mais pourtant tellement indispensable pour nous les joueurs. Heureusement certains font le travail, et Eleven fait l’objet d’une traduction par Iello qui semble réussie. Par contre, dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, c’est à la base de la rédaction des règles que le bât blesse.

Eleven est censé être un jeu vous mettant à la tête d’une équipe de foot, et surtout d’un club de foot. Vous devrez gérer les finances, le recrutement, le personnel, les infrastructures du stade, et les matchs. Un jeu de gestion dans l’univers du foot donc. Le problème, dans ce genre de jeu, est que si les règles souffrent d’imprécisions chroniques, et laissent la part libre à l’interprétation des joueurs, le côté gestion en prend un coup. Difficile de gérer quoi que ce soit, si vous n’êtes pas sûr de ce que vous devez faire dans tel ou tel cas. Une fois ou 2 dans une règle, on passe l’éponge, mais là c’est d’un autre niveau. J’ai rarement autant regardé de vidéos (Au passage, les vidéos faites après 1 partie pour dire que le jeu est top, ça vaut pas grand-chose dans le cas présent… Puisque clairement plus on y joue, plus on se rend compte de soucis dans la règle.), ou consulté BGG pour un jeu. Tellement de questions après ma première partie, et les suivantes, que sans ces supports (surtout BGG vous avez compris), je ne vois pas comment j’aurais pu aller au bout.

Le système de points à attribuer aux autres équipes de votre championnat qui est illogique, la gestion des jetons joueurs que vous pouvez retourner sur telle ou telle face (buteur ou défenseur), la résolution d’un match, et les arrêts possibles par le gardien, les cartes tactiques, … et j’en passe. D’ailleurs, sur les rézos, quand un joueur poste une photo de sa partie, il n’est pas rare que les commentaires lui indiquent une erreur de score, de placement ou autre.

Bref, c’est à tel point qu’un FAQ est dispo (en anglais) sur BGG, qu’elle est soumise actuellement à validation par l’auteur et l’éditeur, et qu’un projet de re-rédaction de règles par les fans semble être lancé.

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Ceci est un jeu solo.

Encore une fois, sans connaître BGG et récupérer les règles de PvP (comprendre Player vs. Player), ou acheter une extension qui propose ces règles, vous serez ravis de vous attabler à 3 ou 4 autour de 2 tables de jeu (oui vu la place qu’il prend), gérer votre club, recruter vos joueurs, signer avec des sponsors, entrainer vos joueurs … pour finalement ne jouer que contre des équipes gérées par le jeu. Oui, il n’est pas prévu d‘affronter les équipes des autres joueurs humains durant vos parties.

Si l’on ajoute le fait que l’interaction est réduite à peau de chagrin concernant les éléments de jeu, on est clairement sur un jeu solo, qui n’a en soi et avec la boite de base, aucun intérêt à être joué à plusieurs joueurs humains sur la même partie. Mais bon vous comprenez, indiquer 1 joueur sur la boite, ça vous prive d’une sacrée partie des potentielles ventes.

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Pas mauvais pour autant

Eh bien oui, de manière étonnante, le jeu n’est pas mauvais, loin de là, et pour qui aura suffisamment de courage pour parcourir les forums et trouver réponses à ses questions (C’est souvent les mêmes qui reviennent d’ailleurs, preuve que pas grand monde n’a compris ces points de règles.). Il faut passer le cap de ces premières parties délicates, et prendre le temps de faire quelques recherches.

Après vous pouvez réduire de manière conséquente la durée de vos parties, et il m’est arrivé à plusieurs reprises de faire une saison tout en regardant d’un œil un match à la télé. Bon bien sûr, si vous regardez jouer Naples, Manchester City ou quelques autres équipes, vous serez logiquement souvent en train de regarder le vrai match.

Mais en maitrisant les différentes étapes, vous pourrez gérer votre club, votre personnel et votre équipe avec les 4 actions possibles au minimum en semaine, puis enchainer les matchs (dont la résolution du score n’est pas évidente à prendre en main au début) sera bien plus fluide et rapide après quelques parties.

A vous d’enchainer les saisons, les 6 scenarios de la boite de base, et prendre l’extension campagne solo si le cœur vous en dit.

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L’avis de Romain B. :

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Critique rédigée à l’aide d’un jeu fourni par l’éditeur.

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Un jeu vidéo sur table ?

Eleven, le football manager sur plateau ? Cette affirmation est tout à fait impossible.

Football Manager dispose de tellement de paramètres que c’est physiquement impossible de le proposer en jeu de plateau et, une fois ce point éclairci, on peut se demander si Eleven nous propose plutôt une bonne simulation de gestion de club.

Non mais pas loin 

Force est de constater que le jeu coche bon nombre de cases, on gère le stade, les encadrants autour de l’équipe (jusqu’aux stadiers), les choix tactiques et bien entendu les joueurs. Le revers de la médaille est aussi dans le thème.

Au final, vous aurez la tête dans votre club et c’est bien normal avec tout ce qu’il faut y faire et vous ne regarderez donc pas ce que font vos adversaires.

Et là, c’est pas bon

C’est le principal reproche que je ferai au jeu : il n’y a pas un gramme d’interaction. On joue 2 heures dans son coin, on se fiche totalement de ce que vont jouer les autres. Eleven est un jeu solo avec des potes à côté.

Continuons avec le côté déplaisant. Il y a trop de matériel, trop de pions, de cartes, de textes et ça dessert énormément le jeu. Ça provoque aussi des effets de bord comme des doutes sur les règles, des retours fréquents dans le livret de règles qui ne répond pas à toutes les interrogations. Une FAQ est disponible et le forum sur BGG (en anglais) est bien fourni, mais ça reste désagréable de sortir son téléphone pour vérifier certains points.

Je reviens sur la pléthore de matériel. C’est bien, on a des jetons pour permettre d’avoir plein d’effets, de situations. Mais, encore une fois, on se retrouve avec le besoin d’avoir une table immense pour jouer convenablement. 

C’est une habitude chez Portal Games de proposer beaucoup (trop) de matériel. Avec Eleven, ça m’a sauté aux yeux et en me rappelant les Robinson Crusoé, First Martians ou Prêt à Porter, je me suis dis que cette profusion de matériel dont une partie n’est pas ou peu utilisée à chaque partie, c’est quand-même désagréable. Un dernier point sur les jetons cylindriques pour les ressources… on est en 2023 les gars, ne me dites pas que vous ne pouvez pas trouver mieux, ça me sort du jeu de dépenser 3 bleus et 4 rouges… les ressources deviennent abstraites, c’est une grosse erreur d’édition.

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Les « extensions »

C’est ce que je lis à chaque retour que je vois sur le jeu, les extensions apportent telle ou telle amélioration, gameplay supplémentaire et autres.

J’ai le sentiment depuis le début qu’Eleven est un jeu complet que l’on a découpé pour en extraire des extensions. On a donc un jeu amputé d’une partie de son gameplay et quand il y a un manque, ça marche moins bien.

1 boite de base et 5 extensions au lancement. Pas mal

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Il n’y a pas que du mauvais.

Bon, avec tout ça le jeu est rhabillé pour l’hiver, mais il a aussi de belles qualités.

Reprenons avec le matériel, les plateaux joueurs avec leur revêtement qui maintient les éléments en place c’est bien malin ! Il y a du matériel mais ça ne bouge pas.

Les illustrations sont réussies, ça colle au thème et d’ailleurs en point fort, ce thème, si vous êtes un peu intéressé par le foot, ça marche ! On rêverait à des vraies équipes mais bien évidemment le budget aurait explosé et il est impossible d’en tenir rigueur à l’éditeur. Au final le principal c’est qu’on y est aux rênes du club, c’est nous les patrons !

Le plaisir de jeu est là, on se prend à vouloir réussir, gagner le match du weekend, recruter le nouveau Kylian et l’entrainer pour devenir un champion.

Le jeu propose tout cela, gérer les fans, le personnel, l’évolution du stade, les décisions du board et surtout la gestion de l’équipe, les transferts et la tactique. Chaque paramètre est complet si l’on garde en tête qu’on est en présence d’un jeu qui se joue en 6 semaines.

Eleven est un jeu pour tous ceux que le foot interpelle. Le jeu ne sera pas le meilleur de l’année mais ça ne l’empêche pas d’être agréable à jouer. Les parties sont un peu longues et à 3 ou 4 joueurs ça me parait trop long.

Au final, Eleven est un jeu solo mais pas pour joueur solo. Il a des arguments pour amener des joueurs qui ne jouent pas seul habituellement à le sortir pour une petite partie et ça c’est une sacrée performance.

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Disponible ici :

Prix constaté : 45 €

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Et pour ceux qui veulent une vidéo règle, on vous redirige vers Jeux en Carton qui fait du très beau boulot :

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