Interview-Test: La Marche du Crabe

par | 13 Sep 2020 | Interview-Test | 0 commentaires

Article rédigé par LudodelaLudo.

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La Marche du Crabe : Trois crabes, une plage et un jeu

En tant que ludothécaire, je milite chaque jour pour que le jeu de société soit reconnu comme un produit culturel, au même titre qu’un CD musical, un DVD, ou bien un livre, une BD… Des passerelles existent via des thématiques inspirées de la littérature ou du cinéma, et parfois ces petites passerelles fragiles deviennent un pont solide quand il s’agit d’un jeu tiré directement d’une œuvre de par son thème mais aussi de son histoire, sa mécanique et ses illustrations.

La Marche du Crabe est bien ce genre de jeu, une émanation logique, fluide d’une création cinématographique et littéraire. Cette cohérence se retrouve par le biais de l’illustrateur et le créateur de l’œuvre originale, Arthur de Pins. Un lien concret, voulu, assumé, et fort de sens dont chaque professionnel ayant travaillé sur ce jeu a développé afin de créer un jeu culturellement compatible avec l’histoire, que dis-je, l’épopée de ces crustacés que la Nature n’a pas vraiment gâtés.

Je vous invite donc à découvrir le court métrage « La Révolution des Crabes « ainsi que les albums de bande dessinée La Marche du Crabe en 3 volumes afin d’apporter un cadre complet à l’expérience ludique que vous vivrez avec ce jeu.

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La Marche du Crabe est un jeu coopératif pour 2 joueurs, à partir de 8 ans, pour des parties d’environ 15 minutes.

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Ce jeu s’invite dans la gamme « Collection BD » chez les Jeux Opla, avec comme autres jeux Le Bois des Couadsous, Apocalypse au zoo de Carson City et Lincoln.

La mécanique choisie ici est la déduction, car ce jeu immersif vous mettra dans la peau coriace de deux crabes, chacun ne pouvant se déplacer qu’horizontalement pour le premier et verticalement pour le second. Un seul jeton représentera les deux joueurs et il vous faudra donc bien réfléchir à vos coups pour orienter ceux de votre partenaire.

Avec le droit de sacrifier 5 cartes crevettes maximum, votre mission galopante sera de libérer vos compatriotes emprisonnés sous des objets laissés sur la plage par des hommes inconscients, en évitant les deux objets que vous aurez en main, et le plus important sans communiquer par la parole, comme le dit l’éditeur « Normal, vous avez déjà vu des crabes parler vous ?! »

Un défi sacrément ludique, accompagné au bout de plusieurs parties gagnantes par un mode évolutif présenté par 11 cartes scénario dont la difficulté augmente comme une marée montante coefficient 120 dans la baie d’Arcachon ! Des heures de jeu en perspective donc !

Ce jeu est donc une réalité, grâce à trois crabes malins et talentueux, Arthur de Pins, l’artiste qui a créé l’univers et les illustrations du jeu, Julien Prothière, l’auteur du jeu, que ça soit la mécanique mais aussi les sensations inhérentes à sa pratique et Florent Toscano, le crabe en chef des Jeux Opla, qui a développé le jeu et qui a revêtu la carapace du chef d’orchestre pour ce jeu.

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Quoi de mieux que de leur laisser la parole, afin de connaître un peu plus du jeu,  afin de l’apprécier comme une œuvre culturelle, riche et forte de sens.

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Parlez-moi un peu de vous : qui êtes-vous ? Avez-vous commis d’autres « méfaits ludiques » avant ce jeu ? Que faites-vous en dehors du monde du jeu ?

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Arthur : Je suis auteur de bandes-dessinées et de films d’animation. La Marche du Crabe-Le Jeu est mon premier jeu (hormis un supplément au journal de Spirou).

Julien : Je suis auteur de jeux de société et ludicaire. Avant la marche du crabe, j’ai « commis » : Kréus et Check en 2016, Dream on avec Alexandre Droit en 2018, Hocus Pocus avec Fabrice Lamouille en 2019, Kosmopolit avec Florent Toscano en 2020.

Florent : Je suis bien content de répondre en dernier parce que comme ça je peux updater la modestie d’Arthur qui a tout de même commis comme autres bandes dessinées Péchés Mignons et Zombillenium (bd et film de cinéma) !

De mon côté je ne fais plus que du jeu depuis 2013. Avant j’étais chercheur en Biologie. En tant qu’auteur de jeu, je suis à l’origine de [kosmopoli:t] (avec Julien), Il Était une Forêt, Apocalypse au Zoo de Carson City (avec Alexandre Droit), Migrato, La Glace et le Ciel, Lincoln se met au Vert, Hop la Bille, L’Empereur (avec Frédéric Vuagnat), Hop la Puce, Hop le J’ton, Poc (avec Alexandre Droit et Nicolas Bourgoin) et Pom Pom (avec Johanna Poncet) ! En tant qu’éditeur j’ai développé tous les jeux des Jeux Opla, y compris donc ces derniers cités…

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Qu’elles sont les spécificités de travailler sur un jeu dont le thème est issu d’autres médias ?

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Julien : C’est une superbe porte d’entrée. Emprunter l’univers de quelqu’un d’autre m’a permis d’avoir un cadre, une orientation précise sans avoir à faire l’effort de me l’imposer. Comme dans le théâtre d’improvisation ; difficile de pratiquer sans avoir un thème, un sujet sur lequel s’appuyer. Sinon on risque de partir dans tous les sens. Ici, le cadre a été là dès le début.

Florent : Il faut respecter l’œuvre originale. Qui plus est en changeant radicalement de support culturel : on passe d’une série de bande dessinée à un jeu. Et je souhaite à chaque fois que le jeu soit réalisé comme un spin-off de la série. Ici, pour La Marche du Crabe, le jeu se situerait au milieu du tome 1 de la BD. Il faut donc développer une mécanique qui serve l’histoire racontée, ce qu’a parfaitement fait Julien. Je m’amuse beaucoup à rédiger les contenus de cette gamme de jeux, car je me glisse humblement dans la peau de l’auteur pour m’approprier le truc et raconter ludiquement l’histoire ! Vu les retours du genre « après avoir joué on a acheté la bd et whouah, j’avais l’impression de lire l’histoire du jeu », je me dis qu’on a vu assez juste…

Arthur : Pour moi, ça ne change pas grand-chose au niveau du dessin. En revanche, j’ai adoré la partie « graphique » : les logos, les pictos … Et bien sûr la contrainte de rendre lisible au maximum chaque carte afin de fluidifier le jeu. J’ai par exemple rajouté un liseré blanc autour des personnages et objets. Chose que je ne fais jamais d’habitude. Mais qui s’imposait ici.

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Comment est née l’idée de ce jeu ? Dites-moi tous vos secrets, pas de cachoteries !

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Julien : En travaillant avec Florent sur Kosmopolit et d’autres jeux sur commande qu’on avait en commun, il m’a dit qu’il rêvait depuis le début d’adapter la Marche du crabe en jeu ! Mais que lui ou d’autres n’avaient pas réussi… Comme j’avais beaucoup aimé la BD et que j’apprécie tout particulièrement travailler pour les jeux Opla, je me suis dit et pourquoi pas moi. J’ai immédiatement relu la trilogie. Au milieu du tome 1, lorsque nos deux héros s’entraident en se portant alternativement l’un l’autre, j’ai tout de suite vu le jeu. En plus, c’est exactement ce que j’aime proposer dans mes jeux : l’entraide et la confiance en l’autre.

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Expliquez-moi votre rencontre, (auteur et éditeur, et illustrateur avec l’éditeur).

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Florent : J’en peux plus de me le trimballer… Mais je dois reconnaître que mes facéties et mon caractère s’accordent plutôt efficacement avec Julien ! Et ça débouche toujours sur des choses enthousiasmantes, donc pourvu que ça dure !

Quant à Arthur, je suis fan depuis le début… En 2013, je l’avais rencontré rapidement lors d’une master class lui étant consacrée et ce fut aussi bref et efficace qu’un « j’adore beaucoup ce que vous faites… ». Dès la sortie de Lincoln se Met au Vert, je voulais absolument adapter La Marche du Crabe en jeu. D’autant que la mathématique du jeu me semblait évidente dans la bd. En vain, je n’y suis pas parvenu. Tant mieux, Julien a fait un truc parfait ! S’en est suivie, quelques années après, la rencontre à Chambéry pour présenter le projet en vrai, et ensuite tout n’a été que top !

Arthur : Julien et Florent sont venus me trouver pour me demander d’adapter la Marche du Crabe en jeu et nous nous sommes rencontrés dans un bar à Chambéry. J’étais super content car effectivement, j’avais toujours pensé que Les Crabes devaient devenir un jeu.

Julien : Je suis Florent et les jeux Opla depuis mes débuts dans le jeu de société. Dès 2015, je lui fais part de mon envie de faire des jeux avec lui. Ça a beaucoup de sens pour moi, sa démarche écologique.

Alors, lorsque nous avons tous les 2 en 2016 ou 2017 (je ne sais plus vraiment) une demande de devis pour un jeu sur commande pour une consultante en entreprise, plutôt que de se placer en concurrent, je lui propose qu’on s’associe. Chose qu’il accepte immédiatement.

Depuis, nous n’avons pas arrêté d’avoir des projets en commun !

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Le jeu a-t-il toujours eu pour thématique celle actuelle ? Des anecdotes croustillantes sur ce sujet ?

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Julien : Oui. Le jeu est parti de la BD. La mécanique horizontal/vertical pour se déplacer et la règle de s’arrêter sur les bons objets tout en évitant les mauvais ont toujours été là, depuis le tout début. Désolé, pas vraiment d’anecdotes croustillantes à ce propos.

Florent : C’est presque un jeu de commande, puisque je souhaitais développer le jeu de la série, je l’ai fait savoir à quelques-uns dont Julien, qui a travaillé dans ce sens. Des bricoles ont changé entre les premières versions, les versions intermédiaires et la finale. Les joueurs ont ainsi échappé à la grosse dame rebondissante, par exemple…

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Comment le travail d’illustration s’est passé ? Des anecdotes ?

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Arthur : Très bien. Comme un travail de commande classique, mais avec de nouvelles contraintes liées à la lisibilité. Julien me dirigeait et moi je dessinais. J’étais très heureux de retrouver mes crabes !

Florent : C’est très flippant de demander au créateur d’une œuvre de faire des dessins de cette œuvre dans une nouvelle direction. Le fait qu’Arthur soit un dessinateur connu et de renommée ne doit pas arranger les choses ! Ça a été finalement très rapide, car Arthur est l’illustrateur le plus réactif de l’univers (peut-être de façon générale la personne la plus réactive de l’univers). Et il comprend très bien les compromis à faire pour l’ergonomie du jeu. Donc tout a été très fluide. Et rapide ! C’est curieux… Fast and curious !

Comment réagit-on quand son œuvre inspire un autre produit culturel ?

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Arthur : Ça fait hyper plaisir car ça prouve que la bédé (ou le court-métrage de 2004 dont elle est en quelque sorte la suite) échappe à l’auteur et inspire d’autres gens. C’est un prolongement de l’univers et on se dit « Cool ! Des gens ont compris le principe et se le sont approprié ». Et puis un jeu, c’est super gratifiant comme extension de l’univers, c’est super gratifiant ! Ce n’est pas un Mug ou un t-shirt. C’est un produit culturel ! Non, vraiment, c’est que du bonheur !

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C’était comment de bosser avec les 2 autres ?

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Julien : Avec Flo, je commence à avoir un peu l’habitude. Il a besoin de s’imprégner, de faire sien le prototype. Ça a pris un peu de temps, sans doute parce que le jeu, lorsque je lui ai montré la première fois, n’avait pas encore assez de matière.

Une fois conquis, ça a été un grand plaisir et d’une grande fluidité. Merci Florent.

Concernant Arthur, c’est la personne la plus réactive avec qui j’ai été amené de bosser. Du coup, ça m’a mis un peu la pression, mais une pression saine. Et puis j’ai vraiment eu l’impression de travailler avec un illustrateur spécialiste en jeu de société parce qu’il a immédiatement compris les enjeux, les spécificités.

Il a également eu un regard vraiment bienveillant sur ma création. Pas forcément si évident lorsqu’on est l’auteur initial de l’œuvre. Merci Arthur.

Florent : Avec Julien c’était comme d’habitude, on sait s’écouter, s’entendre, se convaincre, se faire convaincre.

Avec Arthur c’était nouveau, et très chouette parce que je suis honoré d’avoir pu travailler sur le jeu de sa série dont je suis tellement fan. Je me sens pour ça infiniment privilégié de pouvoir donner une vie ludique à des œuvres que j’adore. Il a senti qu’on réalisait un jeu hyper respectueux de son univers alors on s’est tous les trois ainsi parfaitement entendu. Dans les faits, il a fallu composer avec sa réactivité, car ce bonhomme est d’une efficacité redoutable, en plus en comprenant complètement les besoins d’un jeu et en s’adaptant hyper vite !

Arthur : Pour ma part, je trouve qu’on a trouvé très vite un fonctionnement. De toute façon, je n’y connais rien en création de jeu donc n’allais pas mettre mon grain de sel dans la mécanique du jeu lui-même.

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Vos prochains projets ludiques ou non, c’est quoi ?

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Arthur : Je rêve toujours d’adapter mon autre série de BD, Zombillenium, en jeu de plateau. Type 7 Wonders. Mais cependant, je veux que ce soit un jeu de plateau avec vrai plateau, jetons, voire bâtiments comme dans « Hôtel ».  Bon, je rêve un peu, je sais…

Florent : Ouf, mais tellement plein ! A moyen et long terme… Entre des projets avec Juan Rodrigues et Bony, avec Julien, avec Alexandre Droit de nouveau j’espère… Et des créations solo aussi… On saura teaser au fur et à mesure, il faut suivre les Jeux Opla sur les internets sociaux pour ça !

Julien : J’ai un prochain jeu coopératif à 2 qui sort dans quelques jours. Il s’agit de Roméo et Juliette, créé avec Jean Philippe Sahut et édité par Sylex. Hâte d’avoir les premiers retours du milieu pour ce jeu que je trouve pleinement thématique. En plus la direction artistique est complètement ouf ! Merci Sylex, David Cochard et Benjamin Treilhou pour cela.

Parmi mes projets en cours, j’ai également un autre jeu en préparation chez Jeux Opla, en cours de création avec Juan Rodriguez, qui me motive assez fort.

C’est une espèce de jeu de rapidité coopératif sur le thème de la transition énergétique. Mais bon, il va falloir patienter un peu pour celui-là.

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VERDICT

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La Marche du Crabe est donc un vrai coup de cœur de mon côté, de part sa fluidité, l’existence de vrais défis ludiques, et la cohérence entre la mécanique et le thème. Je suis pourtant assez exigeant envers les jeux en duo, car je trouve parfois que le côté « 2 joueurs » dans la plupart des jeux est souvent le fruit d’une adaptation par défaut d’un jeu qui tourne mieux à plus de joueurs. Ici tout est parfait, et ça a le mérite d’être relevé tellement c’est rare dans mon esprit. Je le met dans la catégorie des 7 Wonders Duel, Mr Jack et Patchwork, pour vous dire que dans cette sélection les places sont chères !Ne passez pas à côté de cette plage ludique, ne serait ce que pour la profondeur tactique du jeu et l’aventure qui vous attend derrière ces fabuleuses cartes !

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Je tiens à remercier l’éditeur pour nous avoir fait parvenir le jeu ainsi qu’Arthur pour sa grande disponibilité et Julien pour son talent créatif !

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