Test : Unmatched

Test : Unmatched

Ce sont souvent les idées les plus débiles qui marchent le mieux, comme la fois où j’ai fait de la purée en versant directement les flocons dans l’évier bouché et rempli du mélange eau/lait qui va bien. Moins de vaisselle, plus de temps pour jouer ! C’est également ce qu’ont dû se dire Justin Jacobson et Rob Daviau en développant le concept d’Unmatched, jeu d’affrontement en 1v1 (ou 2v2) et déclinaison avouée du Star Wars : Epic Duels de ce même Rob. Mais au lieu de se demander qui sortirait victorieux d’un duel Dark Vador/Yoda, il s’agit ici d’enfin savoir qui est le plus fort entre Sherlock Holmes et le Petit Chaperon Rouge. Je ne sais pas ce qu’il y a dans leur tisane de 9h30, mais je veux la même chose.

Unmatched est donc une gamme de plusieurs boites proposant chacune entre 2 et 4 personnages, et publiées par Restoration Games et Mondo à partir de 2019 avec Légendes Volume 1 et Robin des Bois vs Bigfoot. Iello en assure depuis la localisation française, sauf quand des histoires de licences et de contrat les en empêchent. Ainsi les boites exploitant une licence (Buffy, Jurassic Park, Marvel) n’ont pas pu sortir en Français, et on croise les doigts pour que le souci soit corrigé pour les prochaines licences.

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C’est qui le plus fort entre l’Homme Invisible et Bigfoot ?

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Cela dit, il y a déjà largement de quoi faire avec le Volume 1, puis le 2, Robin des Bois, Bigfoot, les 4 olibrius du Londres Victorien, le Petit Chaperon Rouge et Beowulf. Chaque personnage, tiré de différentes mythologies ou de l’imaginaire populaire, vient avec des caractéristiques de base (mouvement, points de vie) légèrement différentes et surtout un deck spécifique, ainsi que potentiellement un ou plusieurs alliés. La mise en place, ainsi que le déroulé du jeu, sont très simples. Chacun récupère sa figurine et son deck, se place à l’un des bouts de l’arène, pioche 5 cartes pour sa main de départ et c’est parti. Les règles tiennent quant à elles sur une carte à jouer : à tour de rôle, les joueurs vont pouvoir réaliser 2 actions, qu’il s’agisse de se déplacer, de piocher, d’attaquer ou de réaliser des stratagèmes qui sont des cartes particulières. Le but du jeu étant bien sûr d’éparpiller son adversaire façon puzzle.

Tout repose donc sur ce fameux deck, qui comporte quelques cartes que l’on retrouve ailleurs (annuler une attaque, repousser un ennemi, etc.) et surtout un tas d’autres très spécifiques, reprenant des éléments de lore du personnage ou faisant appel à sa capacité spéciale qui se veut elle aussi thématique, à l’instar d’un Marvel Champions. Ainsi, au-delà de la joie simple et enfantine de dérouler un duel improbable entre l’Alice de Lewis Caroll et le Dracula de Bram Stoker, il y a également un réel plaisir à découvrir de nouveaux personnages, parce qu’ils nous sont généralement familiers, parce qu’on découvre avec gourmandise comment les auteurs ont su transposer leurs exploits de papier en cartes d’attaque ou de défense, ou comment ils ont su trouver le gimmick qui va bien. Achille tapera plus fort si son fidèle allié Patrocle est vaincu, tandis que Sinbad gagnera en puissance au fur et à mesure de ses voyages.

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J’ai un plan, c’est l’attaque

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Il y a du coup deux façons d’aborder une partie d’Unmatched. La première, la plus courante, notamment quand on débute, c’est de s’amuser avec son personnage, tenter des manœuvres osées, échouer lamentablement, essayer de contrecarrer les plans de son adversaire. On joue pour le fun, pour incarner un héros légendaire, avec des parties rapides, et le corpus de règles s’y prête admirablement. Pas de micro-règles ou de cas de figure à la douzaine, tout est simple, presque simpliste. Il n’y a par exemple pas de ligne de vue, mais des zones de terrain et il suffit de partager la même zone pour être en mesure de toucher son opposant, pour peu qu’on puisse attaquer à distance. Cela dit, les arènes ne sont pas si basiques que ça, certaines proposant des passages secrets, ou encore des positions surélevées donnant un bonus à l’attaque.

Le jeu offre aussi la possibilité d’une deuxième approche, beaucoup plus compétitive. Et il ne s’agit pas ici d’une formule un peu convenue : malgré des règles sans grande complexité, la vitalité de la scène compétitive en France ou à l’étranger, la méta qui s’est développée autour du jeu, sont bien la preuve qu’Unmatched offre une vraie profondeur à qui prend le temps d’explorer les différents protagonistes. Cela nécessitera d’avoir une très bonne connaissance de son deck et de celui d’en face, de compter les cartes et de ne pas hésiter à jouer la montre. En effet, le deck n’est pas remélangé quand il n’y a plus de carte à piocher, et les points de vie commencent alors à défiler à toute vitesse. Il faudra donc veiller à ne pas faire épuiser trop vite son paquet. Naturellement, il y a une courbe de progression pour passer d’une approche à l’autre, et elle est plutôt pentue. Plutôt que de passer des heures à choisir son personnage, je conseille de surtout ne pas se planter d’adversaire, l’expérience pouvant se révéler très pénible pour un novice face à un joueur aguerri.

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C’est l’histoire d’un demi-dieu, d’un voleur et d’une gamine qui rentrent dans un bar…

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Cela dit, il faut également accorder un peu d’importance au choix du combattant, parce qu’ils ne sont pas interchangeables, et certains proposent des mécaniques un peu plus intéressantes que d’autres. Comme l’acquisition de l’ensemble des personnages (16, répartis dans 5 boites) représente un budget et également une place conséquente sur les étagères, je vais essayer de donner un aperçu rapide et totalement personnel pour ceux qui n’ont pas l’envie de tout avoir chez eux. D’ailleurs, le fait que chaque set de personnages soit stand-alone et puisse se jouer sans nécessiter d’autre contenu est fort appréciable.

La boite Légende Volume 1 présente les personnages les plus classiques : Arthur peut taper très fort, notamment grâce à Excalibur mais gare aux feintes qui lui font rater son coup. Alice change de taille pour booster sa défense ou son attaque. Sinbad cherchera à placer ses voyages dans sa défausse le plus vite possible pour devenir surpuissant. Enfin, Méduse, le seul combattant à distance de la boite, jouera l’attrition en grignotant les points de vie et en restant hors de portée.

Robin des Bois et Bigfoot sont également assez classiques, l’un à distance avec des capacité de pioche et d’épuisement assez fortes, l’autre pour taper dur et se renforcer lorsqu’on le laisse seul ou en se repliant le moment opportun. Ce qui donne au duel une dynamique très intéressante.

Cobble & Fog est plus originale, déjà parce qu’elle propose des personnages autour d’un thème commun, l’Angleterre victorienne. L’un des plateaux utilise des passages secrets, et les mécaniques proposées pour les différents combattants poussent le concept un peu plus loin. Jekyll peut changer de « forme » comme Alice, mais ses cartes peuvent ne s’appliquer qu’à l’une de ses deux identités, et garder la forme de Hyde n’est pas sans conséquence. L’Homme Invisible utilise le brouillard pour échapper à son adversaire. Sherlock Holmes se fait fort de deviner les cartes jouées par son adversaire pour les retourner contre lui. Enfin, Dracula est dur à tuer à cause de sa capacité à se regénérer, et peut faire beaucoup de dégâts.

Beowulf et le Petit Chaperon Rouge ont également des gimmicks assez satisfaisants quand on arrive à se les approprier, cependant le lien au thème est un peu plus hasardeux. Le Petit Chaperon Rouge cherchera à toujours placer sur le haut de sa défausse (son « panier ») une carte avec le bon symbole afin de rendre plus puissante la carte qu’elle s’apprête à jouer. Beowulf est plus direct de son approche : plus on lui tape dessus, plus il se met en colère, puis utilise la rage ainsi accumulée pour mener des attaques dévastatrices.

Enfin Légendes Volume 2, qui vient de sortir, et que Iello a eu la gentillesse de me fournir, augmente encore d’un cran le jeu de bluff et la nécessité d’anticiper les cartes jouées par son adversaire, avec des attaques doubles, qui seront parfois plus puissantes si on choisit de ne pas les défendre. Sun Wukong joue notamment dessus en tendant des pièges, et Bloody Mary peut carrément retourner la défense contre son propriétaire avec son effet miroir. Elle est cependant l’une des plus difficile à maitriser, puisqu’elle gagne un sacré bonus (une 3ème action gratuite) mais seulement à condition de commencer son tour avec trois cartes en main. Yennenga et Achille sont également originaux dans leur approche, notamment avec l’utilisation de Patrocle dont l’élimination rend le héros grec extrêmement dangereux. En plus de ces nouveaux ajouts de gameplay, les plateaux fournis incluent également des positions bénéficiant à l’attaquant car surélevées, ce qui rend le déplacement encore plus crucial. La boite fournit donc l’un des contenus les plus intéressants, mais je la déconseille à ceux qui découvrent le jeu.

Je ne parlerai pas des boites à licence puisque Iello n’a pas pu obtenir de les localiser. Pour avoir testé les Marvel et les Jurassic Park, je peux juste dire qu’elles valent également le coup, avec un petit coup de cœur pour les Raptors contre Muldoon et Redemption Row.

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C’est lundi, c’est bourre-pif party

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Tout cela reste évidemment extrêmement subjectif, et chacun aura ses chouchous. Il serait par exemple malavisé de ma part de ne ressentir que mépris et dédain pour ceux qui choisissent Méduse. Mais bon, je le fais quand même. Ce qui est certain, c’est que chaque boite a fait l’objet du même soin dans le design et le packaging, avec des figurines mises en valeur par un lavis léger mais bienvenu, un matériel de qualité et un insert très bien fait pour ranger le tout. Le tout réhaussé par des illustrations par des artistes de très grand talent, chacun ayant sa touche propre. C’est d’autant plus agréable de voir que Iello a choisi de garder la même qualité pour le matériel, et ce n’est pas si fréquent que ça alors il faut le souligner. Les traductions sont également propres, la VF n’a donc rien à envier aux boites publiées par Restoration Games.

J’aimerais apprécier les jeux de duels, parce que c’est forcément un format vers lequel nous nous tournons lorsque nous sommes juste nous deux à la maison le soir, et parce que j’ai encore un paquet de choses à régler avec ma moitié. J’en ai essayé plusieurs (Super Fantasy Brawl, Street Figther Exceed, Skulk Hollow, etc.) et je n’ai pas toujours été convaincu. D’ailleurs, Unmatched a certainement ses défauts lui aussi, certains trouveront le système trop simpliste et s’orienteront vers un gameplay plus poussé. A l’inverse, cela en fait le jeu d’affrontement idéal pour chez nous : les règles sont simples, les parties sont courtes, le déséquilibre est assumé, tout ça permet souvent d’éviter de potentielles rancœurs à la suite d’une dérouillée, puisqu’il est si facile de faire la revanche et que de toute façon Sherlock Holmes est complètement cheaté.

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Disponible ici :

Prix constaté : 25 € les petites boites, 35€ les grosses.

Kickstarter : Cthulhu Death May Die : Fear of the Unknown

Kickstarter : Cthulhu Death May Die : Fear of the Unknown

CMON a lâché une petite bombe la veille du SPIEL en annonçant leur prochaine campagne Kickstarter, la suite de leur hit Cthulhu: Death May Die. Et il se trouve que le jeu, Fear of the Unknown pour ne pas le nommer, était justement en démonstration pendant le salon, la coïncidence est quand même incroyable. Je suis donc allé poser quelques dizaines de questions à Guilherme Goulart, producteur chez CMON et en charge de cette prochaine campagne.

Tenez, voilà mon argent, prenez-tout !

Bonjour à vous aussi ! Je m’appelle Guilherme Goulart, j’étais producteur sur la première campagne de Death May Die, et j’ai hâte de lancer Fear of the Unknown !

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Première question, la plus évidente, quand ? Quand commence la campagne ? Elle va durer combien de temps ?

Je ne peux pas encore donner de date exacte, nous sommes en train de régler les derniers détails, et je ne veux surtout pas communiquer tant que ce n’est pas définitif. Mais l’essentiel du jeu est prêt, les figurines sont presque toutes finalisées, et les différentes nouveautés ont été testées encore et encore. La campagne arrivera donc très bientôt sur Kickstarter, d’ici fin novembre, pour une quinzaine de jours environ, comme la campagne de la 1ère boite. Habituellement, on table sur une livraison 1 an après la fin de la campagne, je pense que ça sera le cas ici également.

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Le nom de Rob Daviau est toujours sur la boite, mais plus celui d’Eric Lang ? J’entends déjà les fans hurler au sacrilège et à la trahison.

Certes Eric Lang n’a pas directement travaillé sur le jeu, mais il est toujours là et surtout, Marco Portugal a pris le relai comme designer. Marco était déjà développeur pour les saisons 1 et 2, pour lesquelles il avait réalisé un playtest très intensif, donc il connait très bien le jeu. Et je peux vous dire qu’il a fait de même pour Fear of the Unknown, vraiment, il a passé énormément de temps à tester encore et encore ces fameuses nouveautés, pour s’assurer qu’elles ne cassent pas le jeu ni son équilibre si fragile. Le jeu est entre de très bonnes mains.

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De quelles nouveautés parle-t-on exactement ?

Nous allons introduire 2 nouveaux modules avec Fear of the Unknown, qui vont enrichir l’expérience de jeu et permettre de modifier la difficulté du jeu. La première concerne les Unknown Monsters : vous tirez au hasard 2 types de monstres parmi une dizaine au début du jeu que vous placez sur un plateau dédié, et vous ajoutez leurs cartes Mythos au paquet de base. Ces cartes vont ensuite régir leurs déplacements et leur apparition. Attention, il s’agit de sacrés salopards, et ils rendront le jeu plus dur.

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Mais l’ajout de ces cartes Mythos ne risque-t-il pas de ralentir le rythme du rituel et l’apparition du Grand Ancien sur le plateau ?

Ah ah, bien tenté mais non, ce serait trop facile sinon. Les cartes Mythos de ce module ont toutes un symbole qui invite à piocher une carte Mythos supplémentaire après leur résolution. Donc si vous piochez une carte Unknown Monsters, vous devez par exemple déplacer le Unknown Monster le plus près de 2 cases en votre direction, puis piocher une autre carte Mythos et la résoudre. Il se peut donc que vous piochiez 4, 5 cartes Mythos en un seul tour.

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Gloups… Et le deuxième module ?

Celui-ci vient contrebalancer le premier. Il s’agit de Reliques dont une est attribuée aléatoirement à chaque enquêteur lors de la mise en place. Elles donnent des bonus assez sympas, et le truc hyper cool, c’est qu’elles deviennent encore plus puissantes quand l’enquêteur atteint le troisième palier sur sa piste de Santé Mentale. Vous pourrez révéler des cartes Mythos, ajouter des dés lors des combats, vous soigner, gagner des capacités supplémentaires, etc. Il sera possible d’utiliser ces Reliques sans le premier module, pour rendre le jeu plus facile. Et en combinant Unknwon Monsters et Reliques, vous devriez retrouver une difficulté globale similaire à celle du jeu initial.

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A ce propos, tout sera compatible avec les Saisons 1 et 2 ?

Oui, qu’il s’agisse des modules, des nouveaux scénarios, des maladies mentales, des Grands Anciens, des enquêteurs, des monstres, les joueurs pourront tout combiner.

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Parlons chiffres justement, qu’est ce qu’on retrouvera dans cette première boite ?

Fear of the Unknown permettra de jouer avec 10 enquêteurs, 2 Grands Anciens, 8 maladies mentales, 6 scénarios, les 2 modules et des tokens permettant de rendre aléatoire l’apparition du Grand Ancien : plutôt que de se conformer au texte de sa carte, les joueurs pourront piocher parmi 5 tokens pour déterminer où le Grand Ancien apparaitra dans sa nouvelle forme. Evidemment, le jeu ressemblera toujours à son grand frère, les capacités standards (Furtivité, Maitrise des Arcanes, etc.) restent les mêmes, le setup sera toujours modulaire en mixant Grand Ancien et scénario, etc.

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Je vois bien ce gros crapaud de Tsathoggua, mais où est l’autre Grand Ancien ? C’est le serpent là ? Il ressemble à Yig non ?

Non, ce petit vicieux est un Dhole. Je n’ai pas pu apporter l’autre Grand Ancien parce que nous n’avions pas encore sa version plastique, le modèle est beaucoup plus compliqué que celui de Tsathoggua. Donc ça sera la surprise ! La seule chose que je peux vous dire, c’est que Yig n’est pas le 2ème Grand Ancien.

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Mais j’imagine qu’il y aura des Stretch Goals ? Nous n’aurons pas juste 2 Grands Anciens à nous mettre sous la dent ?

Quand je travaille sur une campagne Kickstarter, j’ai besoin d’avoir une vision globale dès le début, savoir où je veux commencer, où je veux aller. Nous avons donc préparé toute une liste de Stretch Goals que nous déroulerons pendant cette quinzaine. Je ne sais pas s’ils seront tous atteints, mais en tout cas ils sont déjà prévus. Il y aura des Grands Anciens supplémentaires évidemment, des scénarios, des enquêteurs, des monstres, on ne devrait pas s’ennuyer.

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Et pour ce qui est du contenu de la 1ère campagne ? Est-ce qu’il sera possible de l’ajouter à notre pledge ?

Je ne peux rien dire tant que ce n’est pas définitivement arrêté. Mais nous savons à quel point la demande est importante. Par exemple, j’aimerai que pendant la campagne les backers puissent mettre la main sur les Dice Frost, qui sont quand même hyper classes. Il y a également des chances que nous puissions proposer l’Unspeakable Box et le gros Cthulhu (quand tout à coup, le CEO de CMON surgit dans mon dos et me murmure à l’oreille « 99% de chances », avant de partir en courant dans un grand hurlement).

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Mais que… 

Oui ?

J’ai…  Vous n’avez pas… ? Quelqu’un vient juste de…

… ?

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J’ai dû rêver. Pour revenir à Fear of the Unknown, doit-on s’attendre à un nouveau scénario similaire à R’lyeh Rising, avec la statue qui va bien ?

Je ne peux ni confirmer ni nier cette possibilité. Ah ah ah, j’ai toujours rêvé de dire ça !

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Nous avons ensuite eu l’occasion de nous frotter au 2ème scénario, pendant lequel il s’agissait d’apaiser les esprits de 2 femmes accusées à tort de sorcellerie et mises à mort pour ce crime.

Les sensations de jeu sont sensiblement les mêmes, et il est toujours agréable de découvrir de nouveaux personnages : un moine shaolin qui a la peau sacrément dure, un chirurgien qui soigne autant qu’il trucide, ou encore une tueuse implacable qui touche toujours sa cible.

Les reliques apportent également plus de profondeur et sont autant d’outils supplémentaires fournis aux joueurs pour gérer la situation et survivre aux hordes de monstres qui peuvent surgir brusquement. La phase d’avancée du Grand Ancien gagne d’ailleurs encore en impact, puisqu’elle provoque également l’apparition des Unknown Monsters.

Dans l’ensemble, je suis ressorti de cette session toujours plus convaincu de participer à cette prochaine campagne Kickstarter pour Fear of the Unknown, même s’il faudra quand même jeter un coup d’œil au tarif et notamment aux frais de port.

Test : Cthulhu Death May Die

Test : Cthulhu Death May Die

Hildebert Patrick Lovecraft l’avait bien compris : pas la peine de de faire de la grande littérature ou même d’écrire des phrases qui ont du sens, il suffit parfois d’une bonne idée pour gagner sa place au panthéon de l’imaginaire. A l’image de George Lucas et Jar Jar Binks, l’écrivaillon de Providence a touché le gros lot avec un titan grand comme une montagne, un poulpe sur la tête et des ailes de chauve-souris dans la tête. Chut, reposez cette hache, vous savez au fond de vous que j’ai raison. Cela dit, avec Cthulhu, mais aussi Yog-Sothoth ou Dagon, Hewlett Packard Lovecraft a su esquisser une cosmologie saisissante qui s’est considérablement enrichie par la suite et dans laquelle nombreux ont pioché.

Il n’est donc pas étonnant que des centaines de jeux se déroulent dans l’univers lovecraftien. Le décor est sympa quoiqu’un peu lugubre, les habitués légèrement tentaculaires mais tout à fait intéressants, le verre de bourbon à l’entrée est une belle attention, bref on s’y sent bien. Mais parmi les 600 jeux recensés par BoardGameGeek, le Cthulhu : Death May Die de CMON a su se tailler une belle réputation à coup de canne-épée et de pistolet Remington. Cet Ameritrash (des figurines, des dés, du thème, du hasard) a d’abord fait l’objet d’une campagne Kickstarter en 2020 puis la plupart des éléments sont ensuite sortis dans le commerce, avec une localisation française assurée par Edge. Vous voyez Zombicide du même éditeur ? Bah vous le jetez très loin et vous prenez DMD à la place.

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Le très appliqué Mr Whateley

LA similitude entre les deux jeux, c’est qu’ici aussi un tour se résout rapidement : le joueur effectue 3 actions, puis pioche une carte Mythos pour savoir quelle emmerde va encore lui tomber dessus, et enfin se défend contre les monstres de sa zone ou ramasse tranquillement du butin s’il est en sécurité. Un compteur fait avancer le Grand Ancien vers la destruction finale de notre monde et évidemment les investigateurs vont tout faire pour l’en empêcher. Vraiment, les auteurs n’étaient pas là pour inventer la roue.

Les règles de Death May Die sont donc hyper basiques. La maintenance est réduite à son minimum, il n’y a pas d’IA à gérer, et on passe son temps à lancer des brouettes de dés en croisant très fort les doigts. Pourtant, le jeu qui en émerge est un exemple en matière d’équilibre, de fun et de rejouabilité. Je pourrais citer plusieurs idées : la jauge de santé mentale qui précipite les joueurs vers leur fin mais rend les personnages toujours plus puissants ; les personnages justement, charismatiques et suffisamment différenciés pour qu’on ait envie de tous les essayer ; ou encore, l’équilibre incroyable qui fait qu’une partie va se décider sur le fil, et hésitera longtemps entre une victoire héroïque ou une défaite rageante. Mais voyons comment tout ça s’articule.

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Indiana Jones et le Necronomicon

Le jeu se montre extrêmement malin dès sa mise en place. Pour créer une partie, il suffit de prendre un scénario, et un Grand Ancien, et de mélanger les deux. Avec 2 Grands Anciens dans la boite de base, et 6 scénarios, vous avez déjà 12 aventures différentes. Sachant qu’il existe deux autres Grands Anciens dans le commerce, et 6 autres scénarios dans la boite de la Saison 2, on atteint donc 48 mises en place différentes sans forcer (à condition d’y mettre le prix). Ce même principe est à l’œuvre pour les personnages : chacun possède une capacité unique plus deux autres piochées dans un pool commun, et, sans parler d’asymétrie, cela suffit à générer des dizaines d’archétypes tous très différents. L’ambiance très pulp plaira ou non, mais leur design est en tout cas réussi et pour ma part je préfère cette ligue de gentlemen extraordinaires aux individus un peu tristounes d’un Horreur à Arkham.

Deuxième idée très simple mais très efficace, l’évolution des personnages pendant la partie. Tous ceux qui auront lu l’une des histoires d’Harry Potter Lovecraft vous le confirmeront, ses protagonistes sont souvent voués à sombrer dans la folie. De manière très thématique, les personnages vont donc progressivement perdre leur santé mentale. C’est irréversible – et c’est d’ailleurs étonnant que les jeux FFG dans le même univers n’aient pas exploité l’idée – et vos personnages finiront sûrement fous. C’est même la cause principale de décès dans ce jeu. Mais plus ils deviendront dingos, plus ils vont pouvoir améliorer leurs capacités initiales. Le principe est tout bête, mais marche très bien : les joueurs se retrouvent face à un dilemme permanent à trancher en termes de prise de risque (est-ce que je précipite ma fin pour pouvoir faire plus de dégâts ?), et ils vivent une montée en puissance tout au long du jeu avec un rythme souvent satisfaisant.

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La folie, c’est fantastique

Ces bonnes idées sont parfaitement exploitées grâce à un équilibre incroyable, qui rend la fin de partie épique avec un dénouement qui peut basculer dans un sens ou dans l’autre à tout moment. Trop souvent les jeux coopératifs nous laissent sur notre faim, parce qu’on sait deux ou trois tours à l’avance si l’on va perdre ou gagner. C’est pourquoi on se rappelle surtout les parties pendant lesquelles l’issue reste indécise jusqu’au bout. C’est là où Death May Die est très fort. Le jeu peut s’avérer sacrément punitif et la défaite n’est jamais loin. Mais il arrive régulièrement que malgré un avenir bien sombre, les joueurs triomphent au dernier moment : le Grand Ancien arrive sur le plateau, le rituel touche à sa fin, les joueurs sont de plus en plus atteints, trois investigateurs sur quatre sont déjà morts, et pourtant, sur un dernier jet de dés victorieux, la nonne explose le crâne de Cthulhu au fusil à pompe. Juste avant de sombrer elle aussi dans la démence. Le hasard des dés est ici parfaitement utilisé pour générer souvenirs et anecdotes que l’on partage ensuite avec gourmandise. L’Ameritrash dans toute sa splendeur.

Et puis quelquefois, ça se passe beaucoup moins bien. Le hasard des cartes Mythos, de la maladie affligeant un joueur, et bien sûr des nombreux lancers de dés, tout peut concourir à rendre l’expérience extrêmement pénible pour le groupe ou un joueur en particulier. Il arrive qu’un personnage soit plus ou moins sacrifié pour débloquer la situation ou simplement que l’aléatoire amène systématiquement les monstres sur sa zone pour y faire un maximum de dégâts. Le joueur qui l’incarne doit alors assister en spectateur au reste de la partie, en ayant le sentiment de ne pas avoir fait grand-chose. Le temps parait extrêmement long dans ces cas-là, même en sachant qu’en début de partie c’est Game Over dès qu’un personnage est éliminé. Le nombre de participants peut également jouer sur la sensation de fun ou sur celle de maitriser l’avancée du jeu. Les auteurs ont en effet pris le parti de ne rien adapter, ni le nombre de points de vie du Grand Ancien, ni la vitesse à laquelle il progresse sur sa piste (à l’inverse d’un Marvel Champions où tout est scalable). Il s’agit ici de préserver l’équilibre fragile d’un jeu qui repose énormément sur le hasard, mais la contrepartie logique c’est que plus il y a de joueurs, moins ils auront l’occasion de jouer d’ici la fin de la partie. Les configurations à 3 ou 4 investigateurs me semblent du coup à privilégier pour profiter au maximum du jeu.

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Sa place est dans une Kallax

J’étais allé à la rencontre de Death May Die avec tout un tas d’a priori : d’un côté, les Zombicide du même éditeur me laissent indifférent, de l’autre je suis un grand fan de l’univers lovecraftien et j’avais bien aimé mon initiation à The Others, autre jeu d’Eric Lang avec un postulat similaire. J’étais donc bien curieux de poser mes douces mains sur un jeu qui reprenait le même principe de montée en puissance couplé à une gangrène du personnage, mais sans Overlord. Et j’en suis ravi, j’adore tester de nouveaux personnages, engranger de la folie pour les rendre plus puissants, tenter des prouesses héroïques, échouer misérablement, vivre une aventure. Le gameplay est millimétré, les différents scénarios et Grands Anciens varient suffisamment pour proposer des expériences différentes, le matériel et les illustrations en font un objet qu’on manipule avec grand plaisir. Certes, il y a parfois des parties un peu laborieuses, ou trop punitives, et certains de mes joueurs n’y toucheront même plus avec un tison. Mais si vous cherchez un vrai Ameritrash coopératif et que l’univers ne vous rebute pas, je vous encourage fortement à venir vous frotter à l’indicible cosmique.

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Disponible ici :

Prix constaté : 99€

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Et pour être complet sachez que ce jeu a fait l’objet de plusieurs suites, et CMon vient tout juste d’annoncer la saison 3 pour ce jeu !!! Plus d’informations à venir très vite, en attendant voici le trailer de lancement … qui ne vous montre rien du tout ^^

https://fb.watch/g4cjNpUV4b/