Test : Rebuilding Seattle
J’ai toujours beaucoup apprécié les jeux de city building que ce soit en jeux vidéo (Sim City et autres dérivés) ou en jeux de plateau (tels Suburbia ou Small City). Acquérir Rebuilding Seattle dès que possible était donc une évidence, surtout que je n’en entendais que le plus grand bien depuis son annonce par Wizkids.
Dans Rebuilding Seattle, 1 à 5 joueurs vont endosser le rôle d’urbanistes et tenter de reconstruire différents quartiers après le grand incendie qui a décimé la ville en 1889.
La partie règles
Le jeu se déroule en 3 manches dont chacune présente un nombre indéfini de tours lié à l’activation de 6 événements fixes. En tout début de partie, les joueurs draftent un plateau joueur asymétrique (au niveau de 3 lois pouvant être votées au cours de la partie) ainsi qu’une tuile quartier de départ présentant différentes configurations de bâtiments préimprimés. Ils choisiront également secrètement 2 des 3 cartes bâtiments « Landmark » qui leur ont été distribuées aléatoirement. Ces cartes permettent la construction de bâtiments aussi uniques et volumineux qu’onéreux et constituent des objectifs et/ou apportent des avantages (une fois construits) qui orienteront les stratégies. Il est évidemment fortement conseillé de faire matcher au mieux ces différents choix de manière à ce qu’ils s’alignent un minimum.
À son tour, un joueur a 3 options :
1/ Construire un bâtiment et/ou agrandir son quartier. Ajouter un bâtiment à son quartier se fait en achetant une carte de l’offre (dont la quantité de cartes dépend du nombre de joueurs autour de la table) et en appliquant ses 2 effets. Celui du haut indique le type et la taille de la tuile bâtiment qu’il faudra « caser » sur son plateau façon polyominos et l’effet du bas consiste soit à monter sur une des 3 pistes verticales principales (orange, bleue ou rose) pour le scoring événementiel relatif, soit à engranger des points/de l’argent fin de manche ou fin de partie en fonction de différentes conditions. Chaque tuile bâtiment acquise présente ses avantages propres :
– Les bâtiments oranges (restaurants) permettent de faire progresser le curseur de même couleur sur la piste population d’un nombre de cases égal à sa taille.
– Les bâtiments bleus (lieux de divertissement) fonctionnent exactement de la même manière que les oranges.
– Les bâtiments roses (commerces) fonctionnent également à l’identique des oranges et bleus.
– Les bâtiments verts (banques) sont une source de revenus et permettent en fin de manche d’engranger 5$ par tuile présente sur notre plateau joueur.
– Les bâtiments jaunes (transports en commun) sont principalement liés à un événement bien particulier (voir ci-dessous) qui permet lorsqu’il est déclenché d’acquérir gratuitement un nombre de tuiles d’agrandissement de quartier égal au nombre de tuiles jaunes sur notre plateau joueur.
– Les bâtiments gris (universités) permettent de réduire sa population à hauteur du nombre d’universités présentes sur notre plateau joueur lorsque l’événement relatif est déclenché (à l’image des bâtiments jaunes). Il est à noter que dans Rebuilding Seattle, contrairement à un Suburbia par exemple, il sera toujours plus intéressant de contenir, voire de réduire sa population au maximum.
Agrandir son quartier consiste à acheter (à un prix fixe de 4$) et ajouter à son quartier une tuile de la pioche qui permettra dès lors d’accueillir plus de tuiles bâtiment. Il est à noter que ces tuiles comportent des petites icônes que les joueurs prendront soin de ne pas recouvrir (même si c’est permis) afin de profiter au maximum des avantages d’un autre événement bien particulier lorsque celui-ci sera déclenché.
2/ Voter une loi. En début de partie, chaque joueur drafte un plateau joueur qui se différencie par 3 lois préimprimées. Et une et une seule fois par manche, un joueur peut comme action activer une (et une seule) de ces 3 lois dont les effets peuvent être très variables (gagner de l’argent, des points de victoire, réduire sa population, acquérir une tuile à coût réduit, etc.). Une même loi pourra en revanche être réactivée au cours d’une autre manche.
3/ Activer un événement. Quelle que soit la configuration de joueurs autour de la table, le jeu propose 6 événements que ces derniers peuvent (et doivent) déclencher une fois par manche. Une fois ces 6 événements activés, cette dernière s’arrête net et des phases de profit et de clean-up (avec chaque fois une augmentation fixe, mais conséquente de la population pour tous les joueurs) prennent effet avant de recommencer une nouvelle manche. Au bout de la troisième manche, le jeu prend fin et le scoring final est calculé. Le joueur déclenchant l’événement profite d’un petit avantage par rapport aux autres, mais tous les joueurs appliquent ses effets.
Parmi ces 6 événements, 3 sont quasi identiques (restaurants, divertissements et commerces) et permettent chacun de scorer 1 des 3 types de bâtiments principaux (orange pour les restaurants, bleu pour le divertissement et rose pour les boutiques) en fonction de leur représentation sur les plateaux joueurs par rapport à la position du curseur de population. Si le curseur du bâtiment scoré est au moins au niveau ou dépasse le curseur de population, le joueur score le maximum de points et/ou encaisse le maximum d’argent (indiqué par le curseur de niveau de bâtiments). Sinon, il en déduit la distance le séparant de sa population et score/encaisse donc moins voir rien du tout s’il a trop de retard.
Comme déjà expliqué ci-dessus, l’événement jaune (expansion) quant à lui permet aux joueurs d’obtenir gratuitement un nombre de tuiles agrandissement de quartier égal au nombre de tuiles jaunes (transports en commun) dans son quartier.
L’évenement gris (graduation) permet de réduire sa population de 1 par université présente dans son quartier.
Finalement, l’événement blanc (nature’s impact) présente un effet dépendant de la manche en cours (scoring, profit ou réduction de la population).
La partie critique ludique
Vous l’aurez compris, on a donc affaire à un jeu familial+/initié- facile à prendre en main et s’expliquant en quelques minutes. Les tours sont très brefs et les choix simples, mais pas simplistes, ce qui rend le jeu à la fois fluide et dynamique. La montée en puissance est également bien marquée, ce qui est toujours très satisfaisant. Rebuiding Seattle se joue très bien également dans toutes les configs et la différence se situe principalement dans le contrôle du tempo du jeu. Rappelons que la fin d’une manche et du jeu lui-même dépend de l’activation des 6 événements, état de fait invariable quel que soit le nombre de joueurs autour de la table. A 2 ou 3 on a donc plus de contrôle et à 4 ou 5 la tension est plus forte. C’est plus une question de goûts qu’autre chose, mais en tous les cas, ça fonctionne. Perso, cette gestion du tempo joueurs-dépendant est la plus grande force du jeu et ce qui lui apporte une certaine modernité malgré des mécaniques somme toute déjà souvent vues ailleurs.
Au rayon bémols, c’est surtout au niveau de l’édition qu’il y aurait certaines choses à redire. Même si évidemment avec Wizkids aux commandes, if faut toujours s’y attendre un peu. S’ils se sont pas mal améliorés ces dernières années, il reste néanmoins encore un peu de chemin à parcourir (ok, on partait de loin). Citons notamment ce plateau central qui ne sert quasiment que de piste de scoring mais qui est paradoxalement limité à 50. Une aberration. Ne pas fournir de marqueurs de scorre de 50+,100+,150+, etc. (on est censé utiliser des pièces de 5$ sous le marqueur en lieu et place) est également assez incompréhensible. Niveau illustrations et DA, on peut aussi questionner les choix éditoriaux, mais à leur décharge, tout est heureusement très lisible et clair. Quant à la qualité du matos, on reste dans une moyenne correcte. On aurait appécié des encoches pour les pistes horizontales des plateaux joueurs (surtout que c’est le cas sur les pistes verticales) afin d’éviter tout chamboulement en cas de maladresse, mais en faisant un nminimum attention, ça passe. Au niveau du jeu lui-même, certains lui reprocheront peut-être son manque de variabilité et donc une certaine rejouabilité limitée à moyen terme. C’est possible si vous poncez vos jeux, mais faire le tour des différentes combinaisons possibles de plateaux joueurs et surtout d’objectifs/landmarks vous assure déjà pas mal d’heures d’amusement. Et si le jeu rencontre le succès qu’il mérite, gageons que des extensions suivront. Surtout qu’elles seraient aussi évidentes que faciles à mettre en place sans nécessité d’ajouter de nouvelles mécaniques à un jeu qui fonctionne comme une horloge en l’état. Je pense évidemment à de nouveaux bâtiments, événements, landmarks et lois.
Rebuilding Seattle mérite amplement le petit buzz dont il fait l’objet actuellement et plaira à coup sûr à une majorité de joueurs. C’est d’ailleurs pour moi son argument numéro un. Quel que soit le niveau, tout le monde autour de la table trouvera très certainement son plaisir. À noter à ce sujet que si le jeu a bien recours à des polyominos, il ne s’agit pas du tout ici d’un casse-tête d’optimisation comme c’est souvent le cas avec ce genre de matériel. Les réfractaires aux puzzles et ceux dont la représentation dans l’espace est un cauchemar peuvent donc être rassurés. Vous l’aurez compris au travers de ces lignes, j’ai énormément apprécié Rebuilding Seattle et je trouve son design assez brillant. Rien n’est superflu, tout fait sens et l’interaction est très fine. C’est fluide, plaisant et satisfaisant. Il se passe quelque chose autour de la table. L’exemple parfait d’un jeu qui est bien plus que la simple somme de ses mécaniques. Et dire que c’est le premier jeu de son auteur (qui l’a quand même peaufiné pendant 8 ans).
Il n’y a maintenant plus qu’à espérer qu’un éditeur francophone se penchera rapidement dessus et qu’il ne faille pas attendre plus de 10 ans pour le voir débarquer dans nos contrées à l’image d’un Suburbia. Si en plus cet éditeur y croyait au point d’en profiter pour lui donner un petit coup de polish à l’édition, ce ne serait que justice, car Rebuilding Seattle a selon moi l’étoffe d’un futur classique.
J’en parle également ici en vidéo :
L’avis de Romain B. :
Laurent semble avoir tout dit sur le jeu et pourtant je viens y ajouter ma petite pierre.
Je le rejoins sur de nombreux points, le jeu me parait également entre familial et initié, un jeu très accessible et au temps de partie contenu.
Cependant, même si le jeu me plait beaucoup, je fais partie de ces joueurs qui poncent leurs jeux habituellement et j’ai très rapidement eu le sentiment qu’effectivement je n’allais pas conserver le jeu après 4 ou 5 parties.
On en a pas mal discuté avec Laurent, je ne comprenais pas son engouement immédiat et je dois avouer qu’après quelques parties supplémentaires je le rejoins sur plusieurs points :
- Rebuilding Seattle est très plaisant à jouer si les polyominos ne sont pas votre nemesis.
- Le jeu a tout de même une rejouabilité au long terme à la condition de ne pas le poncer, tout simplement.
Rebuilding c’est un excellent filler de plus, avec 45 minutes pour une partie complète, je le garde et je le jouerai de temps en temps en prenant toujours autant de plaisir à chaque partie, la clef réside dans la parcimonie, il ne faut pas forcer le jeu en le rejouant encore et encore, il faut lui faire confiance pour s’installer sur le long terme dans une ludothèque. Il suffit de ne pas faire comme d’habitude et de le laisser s’installer tranquillement dans votre ludothèque.
Donc pour moi un très bon jeu qui demande une approche différente de celle adoptée habituellement pour les nouveaux jeux.
Prix constaté : 58,50 €