Cette critique est réaliséé à partir d’un prototype fourni par l’éditeur
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Oniria, une invitation à la rêverie ou au cauchemar ?
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Je parlerai en premier de la thématique, donc pas de panique, le rêve ou le cauchemar n’est pas pour la mécanique, mais pour expliquer comment fonctionne le jeu et sa thématique intégrée au service de la mécanique. Dans Oniria, vous allez incarner tour à tour une rêveuse, appelée la Soñadora (qui se prononce Soniadora) et l’un des 3 cauchemars, appelés Sombras. Le but de la Soñadora est de faire des rêves paisibles et de se débarrasser des Sombras, qui, eux, vont essayer de l’enfermer dans ses rêves infernaux.
Au fil des 7 plis que comporte une manche de jeu, la Soñadora et les Sombras vont jouer des cartes, face cachée et à la révélation on compte les valeurs des cartes pour savoir qui de la Soñadora ou des Sombras remporte le pli. Les valeurs des cartes des Sombras sont cumulées et si elles sont plus élevées que la valeur de la carte de la Soñadora, les Sombras remportent le pli, le chemin vers le rêve s’assombrit et la victoire de la Soñadora s’éloigne. À contrario, si la Soñadora remporte le pli, son rêve reste lumineux et le chemin vers la victoire se trace.
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Ah donc, c’est un jeu en 1 contre tous ?
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Oui et non. Oui car c’est à la fois un jeu où l’on joue contre tous et non car c’est aussi un jeu où les Sombras sont en compétition entre elles. Car dans le cas où les Sombras remportent le pli, c’est la (ou les en cas d’égalité) Sombra qui aura posé la carte de plus forte valeur qui marquera des points.
Et c’est très bien pensé car les Sombras ont des cartes de valeur 0 à 5 et la Soñadora a des cartes de valeur 7 à 11. Donc la Soñadora n’est pas assurée de perdre tous les plis, même si c’est quand même plus compliqué pour elle de remporter un pli que pour les Sombras.
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Donc, le jeu n’est pas équilibré ?
Eh bien si ! Car non seulement certaines cartes des Sombras et de la Soñadora ont des capacités spéciales qui se déclenchent dans certaines conditions pour permettre de remporter le pli, pour augmenter la force de notre prochaine carte, pour remporter un pli précédemment perdu et j’en passe, mais aussi parce que pour jouer une partie complète lorsque vous êtes à 4, chaque personne jouera la Soñadora une fois et sera Sombra 3 fois. 4 manches et le score final est connu. Mais de cette manière, même s’il est plus compliqué pour la Soñadora de scorer dans les premières parties, quand on ne connaît pas encore très bien le jeu, ça permet de se rattraper au score avec les moments où on va jouer une Sombra.
Ce qui fait que le score s’équilibrera et que ça pourra se départager avec des égalités à la fin et des scores très proches les uns des autres.
Donc le jeu est au final équilibré et tendu, car les Sombras ont la possibilité de jouer des cartes sous forme de « symbiose ». Si les 3 Sombras posent la même valeur de carte, la capacité de la carte s’active. Mais comme toutes les cartes sont jouées face cachée, il faudra qu’elles se comprennent ! Et une chose qui peut les aider c’est que les auteurs ont été malins : sur chaque pli, il y a des contraintes de pose de cartes. Les Sombras n’auront pas le droit de poser de cartes de valeur 2 et 3 sur certains plis, de valeur 4 sur un autre etc… Il en va de même pour la Soñadora. Avec ces restrictions, il est plus aisé de pouvoir se comprendre sans parler et d’essayer d’anticiper ce que la Soñadora va poser et ce que les Sombras vont poser aussi pour essayer de tirer parti de chaque pli au mieux.
Et sans jouer avec la variante experte, toutes les cartes jouées restent face visibles, donc il est tout à fait possible de savoir ce qui reste dans les mains de chaque Sombra ou de la Soñadora pour anticiper !
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Au final, bon jeu, ou cauchemar ?
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Je penche pour le bon jeu ! On sent la courbe d’apprentissage et la possibilité de mieux maîtriser les combos possibles et de varier les parties. Déjà parce qu’on joue 7 plis et qu’il y a 9 cartes de contraintes de pose, ce qui fait que ça varie assez les parties et qu’elles ne sont jamais dans le même ordre. Ensuite parce que sur les 2-3 premiers plis, si vous n’avez pas connaissance des cartes de la Soñadora si vous jouez une Sombra (ou inversement) vous allez tâtonner pour savoir quoi faire, puis vous allez commencer à apercevoir les possibilités offertes et vous allez vous améliorer dès la manche suivante. Ensuite (et c’est purement subjectif), la beauté des illustrations aide à avoir envie de jouer. Alors c’est étrange de dire que c’est beau alors que l’on voit des cauchemars sur la table, mais leur mise en valeur est faite de manière à ce que ce soit un cauchemar qui soit visuellement agréable, c’est curieux, mais ça le fait, de la beauté dans le macabre et la peur. Une belle inspiration de Vianney (je suis fan de son travail et je souhaite vraiment qu’il continue à faire ce qu’il fait et qu’il gagne en notoriété aussi, pour moi il propose des illustrations qui me plaisent autant que de très grands noms comme Vincent Dutrait ou Ian O’Toole) qui participe au plaisir de jeu !
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Le jeu est actuellement en financement participatif sur Kickstarter et Ulule et je vous laisse les liens ici :
Un jeu de pli et d’horreur, c’est tout un programme. Ajoutons un diagramme de résolution des plis et nous voilà dans un jeu de pli dont l’horreur est de définir le gagnant du pli ?
Non, ne vous inquiétez pas, ce man-eating house est certes technique, voire complexe, mais après quelques plis, vous n’aurez plus besoin de la très bonne aide de jeu.
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Le jeu de Kunihiko Tsuchiya est un jeu d’équipe, soit en 2 contre 1 à 3 joueurs, ou le classique 2 contre 2 à 4 joueurs. Jeu en équipe, jeu plus profond et bien plus intéressant. Pour les jeux de plis, c’est une règle qui se vérifie souvent, et ici c’est encore le cas. Amis joueurs de belote, vous retrouverez des sensations de devoir compter sur l’autre, faire des appels ou les lire ; bref, on joue à deux !
Pour gagner, il vous faut tout simplement plus de points que l’équipe adverse. Ces derniers sont les enfants et les fantômes présents dans chaque couleur.
Une couleur est divisée en familles : les cartes 1, 2 et 3 sont des enfants, les 4 sont des petites filles fantômes (on verra plus loin pour quoi faire), les 5, 6 et 7 sont des armes anti-fantômes comme une tronçonneuse (ça ne plaisante pas) ou une amulette, les 8, 9, 10 et 11 sont les lieux de la maison et certains sont même maudits ! On termine avec les 12, 13 et 14, qui sont donc les fantômes.
Pour en finir avec les cartes, on en rajoutera le 0 uniquement en vert, le chien des enfants et le 15 rouge, un vieil homme bien mystérieux.
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Côté gameplay, ce ne sera pas le plus fluide, alors accrochez-vous, on se fait un petit tour du propriétaire.
La première étape est si une petite fille fantôme (un 4) est jouée en ouverture de pli, on arrête tout et on effectue un échange de carte à l’initiative de celui qui a joué le 4.
Pour le reste, une fois que chacun a joué une carte, on déroule une séquence qui vérifiera étape par étape pour savoir qui gagne tout ou partie du pli. C’est thématique : les enfants s’échappent ensemble, les fantômes sont perdants face aux armes, bref, c’est cohérent. Pour autant, il vous faudra quelques plis pour que tout ceci vous parle et que vous n’ayez plus besoin de l’aide de jeu qui est très bien faite, au passage.
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Man-eating House est un jeu technique qui ajoute la dimension d’équipe à 3 comme à 4 joueurs. À 3 joueurs, il ajoute même du rôle caché : le joueur avec le vieillard (15 rouge) est seul contre les deux autres, à lui de conserver cette information jusqu’à ce qu’elle lui serve.
À 4 joueurs, on est sur un vrai jeu en équipe, 2 contre 2, et surtout, à vous de créer une vraie connexion avec votre partenaire. Il vous faudra également quelques parties pour en voir tous les détails, les appels, les ouvertures et autres automatismes. Un vrai jeu de plis « à l’ancienne » qui mérite qu’on y revienne pour, une fois passée la barrière des détails techniques, apprécier ce jeu à sa juste valeur puisqu’il le mérite amplement.
Le dernier Shinzawa est donc 6 forces, et comme les précédents de l’auteur (Luz), c’est un jeu froid et calculatoire, mais qui fait excellemment bien le travail !
On pourrait s’arrêter là, mais je vais quand même prendre le temps de dire quelques petites choses supplémentaires.
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Dans cet opus, le twist vient non pas de l’atout, mais des atouts. En effet, chaque joueur dispose de 6 cartes d’atout représentant les 4 couleurs, la carte la plus forte et la carte la plus faible.
Chaque joueur en posera une différente des autres qui définira l’atout lorsqu’il est leader d’un pli.
Chacun pariera également le nombre de plis qu’il compte faire à l’aide de jetons en nombre limité, donc premier arrivé, premier servi.
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Choisir un atout ou prendre des jetons de pari à votre tour, c’est votre premier choix dans cette partie ; vous choisirez l’autre paramètre au second tour de table. Il s’avère important pour vous adapter à ceux de vos adversaires et tenter de lire leur stratégie.
La partie pli est elle aussi différente de ce que l’on trouve habituellement, avec un atout spécifique selon la personne qui lance le pli.
Au final, 6 Forces est comme tous les shinzawa plutôt froid, on réfléchit fort autour de la table, ce n’est pas la grosse ambiance. Le jeu reste un excellent opus de l’auteur, original sans pour autant sortir du chemin balisé de ses précédents titres, efficace.
Bubblegum vous propose de faire la plus grosse bulle de chewing-gum, mais attention à ne pas la faire exploser.
Le jeu de Kota Konno est uniquement pour 2 joueurs , il tient dans la poche sans problème avec ses cartes de petite taille.
Côté gameplay, le jeu fonctionne avec des cartes de 1 à 6 dans 4 couleurs. On en donne 10 à chacun et sur les 4 restantes, on en retourne une pour définir l’atout de la manche.
Des plis de 2 cartes donc, pas vraiment ce que je préfère, mais ce petit jeu en a sous la pédale, vous allez voir.
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Une fois le pli terminé avec les règles habituelles (must follow, on coupe si l’on veut quand on ne peut pas fournir), le vainqueur va prendre la carte du perdant dans son scoring et le perdant récupère la carte du gagnant dans sa main. Cet échange permet au perdant de contrôler les points que gagne son adversaire et au gagnant de connaître une carte de la main de ce dernier.
On jouera 10 plis et le joueur le plus proche des 15 points ou pile à 15 gagne la manche. 2 manches gagnées et c’est la victoire tout simplement.
Un petit jeu donc, mais où il se passe pas mal de choses, cet échange de cartes entraînant des échanges d’infos, un contrôle des points gagnés par son adversaire et aussi une taille de main qui va rapidement devenir asymétrique.
Si un joueur dépasse les 15 points, il place toutes ses cartes de scoring de côté et recommence un compte. Laisser un joueur faire cela, c’est s’assurer que votre main sera plus fournie que la sienne, plus de choix, plus de contrôle ; bref, un petit jeu, mais uniquement par la taille et les règles.
Bubblegum m’a bluffé, je n’en attendais pas autant. Cette gamme de petits jeux m’a déjà proposé Sumo, qui est sympathique mais ne restera pas sur le long terme. Ce bubblegum semble bien plus armé pour se faire une place sur le long terme.
Le genre de jeu à emmener partout comme un paquet de chewing- gum ! Pratique pour jouer frais.
Le Bitcoin va s’effondrer. Oui, ici, nous sommes dans un jeu de plis dystopique. Allez, il fallait bien un thème pour justifier l’idée de se débarrasser de ses bitcoins.
Le jeu de Shibu est clairement un des meilleurs jeux de plis du tout dernier Tokyo Game Market, alliant fun et sérieux avec un certain brio.
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Son auteur, Shibu, nous propose, à l’aide de cartes de 0 à 10 dans 5 couleurs, de vous faire jouer des plis pour remplir vos contrats.
Chaque joueur commence la partie avec des cartes de Bitcoin devant lui, de valeurs 7, 5, 3, 2 ou encore 1. Ces cartes sont tout simplement des contrats à valider.
Tout se passe pendant les plis. Quand vous gagnez votre premier pli, vous devez en activer un, chaque carte étant un objectif en nombre de plis en fin de manche.
Si, en cours de manche, vous dépassez de nouveau cet objectif, pas d’inquiétude, il vous suffira d’engager une autre carte de contrat pour avoir un nouvel objectif à atteindre.
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Ce contrat dynamique n’est vraiment pas courant dans les jeux de plis, Nokosu Dice le propose dans la limite de vos dés restants devant vous.
Il vous est également possible de déclarer le fameux Shoot the Moon, parier que vous ne ferez aucun pli au cours de la manche en engageant autant de valeur de contrat que de cartes encore dans votre main (12 cartes en main, c’est l’occasion d’engager 7+5, par exemple). Vous l’aurez compris, plus vous prenez le risque tôt, plus vous pourrez supprimer de cartes.
La partie se terminera si un joueur réussit à se séparer de toutes ses cartes Bitcoin ou après un nombre de manches.
Un jeu sérieux, mais également plutôt fun : faire tomber un adversaire qui ne parviendra pas à réussir son pari se passe dans une bonne ambiance, puisqu’ici tout le monde sera ciblé.
Bit Coin, par son gameplay simple et efficace, son interaction forte et sa petite dose de fun, est un des tous meilleurs de ce début d’année ; il restera sans aucun doute dans ma ludothèque.